La sagesse d’Yvon Malette

Yvon Malette, Marcher vers le matin
Yvon Malette, Marcher vers le matin, essai, Ottawa, Éditions David, 2024, 256 pages, 19,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 21/12/2024 par Paul-François Sylvestre

Professeur de littérature pendant plus de trente ans à Ottawa et en Outaouais, puis fondateur des Éditions David, Yvon Malette a réuni 35 courts textes incisifs issus de réflexions, lectures et anecdotes. Cela donne le recueil Marcher vers le matin.

L’auteur fait confiance aux mots, les écoute, avance avec eux… Sans le prie-Dieu (titre de la première partie du recueil), pour mieux comprendre la Situation et avenir du Franco-Ontarien (deuxième partie) et pour mieux mesurer l’Influence du politique sur nos vies (troisième partie).

Non religieux

Malette écrit qu’il n’est nullement croyant: «je ne crois en aucune religion et j’abhorre l’extrémisme religieux». Pour lui, la spiritualité est trop souvent associée à un cléricalisme malsain qui risque «de créer une dépendance et de mener à un esprit de soumission quasi aveugle».

Il croit cependant en une prière qui peut nous rendre solidaires des autres, qui permet de «croire en l’homme et en l’humanisme, sans la religion et sans Dieu». C’est ce qu’il appelle une soif de spiritualité.

Parmi les anecdotes relatées, on apprend qu’à 14 ans Yvon n’a pas hésité à assener un coup de poing à l’aumônier pédophile de la troupe scoute de la paroisse, créant un scandale comme on peut l’imaginer en 1957.

Publicité

Droits et libertés

Yvon Malette écrit qu’il a ressenti très tôt le besoin de se prouver qu’il n’était pas né pour un petit pain (contrairement à l’enseignement de l’Église), qu’il avait le droit de prendre la parole. Lorsqu’il fonde les Éditions David en 1993, c’est pour permettre aux siens de prendre aussi la parole, de revendiquer leurs droits à un territoire, à une culture, à une langue.

Avec 17 textes sur 35, la première partie est la plus longue. Elle renferme plusieurs références littéraires. Il est fait mention du Journal d’un curé de campagne (Georges Bernanos), de Bouvard et Pécuchet (Gustave Flaubert), de La peste (Albert Camus), de Ces enfants de ma vie et De quoi t’ennuies-tu, Évelyne ? (Gabrielle Roy), pour n’en citer que quelques-uns.

Dans la deuxième partie sur Situation et avenir du Franco-Ontarien, on peut lire une critique acerbe de l’Université de l’Ontario français. Elle n’est jamais mentionnée comme telle; on parle du «projet farfelu d’une université francophone en Ontario». Malette estime que ce projet n’est pas viable, «c’est une chimère, un bien triste mirage».

Le mot en N

Après une longue et pertinente analyse de l’Affaire Lieutenant-Duval sur le mot en N prononcé dans un cours à l’Université d’Ottawa en 2020, Malette donne son avis sur le résultat de l’enquête menée à l’interne et sur la recommandation d’un très bref rapport.

Il écrit que si l’Université d’Ottawa «a jugé sage de créer des cours de rééducation en matière de racisme, elle aurait aussi eu intérêt à proposer un pareil cours de rééducation, cette fois pour ceux et celles qui sont fautifs en matière linguistique».

Publicité

Franco ou bilingue?

Dans le Mot de la fin, l’auteur fait remarquer que les jeunes nés dans des familles d’expression française en Ontario s’identifient de plus en plus non pas comme Franco-Ontariens mais comme bilingues.

«La paroisse, l’école et la famille, ces piliers d’autrefois souvent associés à des forces identitaires, ne présentent plus les mêmes remparts contre l’assimilation», note-t-il.

Nos institutions secondaires et postsecondaires ne parviennent pas à freiner cette perte d’identité. Au point où Malette se demande «si le bilinguisme institutionnel n’a pas ouvert la voie à l’assimilation, comme le démontre tristement la situation présente à l’Université Laurentienne et celle, fort inquiétante, à mon alma mater, l’Université d’Ottawa».

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur