La nuit des hyènes… en verlan, argot et charabia

Johann Zarca, La Nuit des hyènes
Johann Zarca, La Nuit des hyènes, roman, Paris, Éditions Goutte d’or, 2022, 192 pages, 30,95 $.
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Publié 29/10/2022 par Paul-François Sylvestre

À Paris, le bois de Boulogne est un écosystème de drague qui se met en place la nuit. Il peut devenir un tourbillon de violence et d’underground, comme en fait foi le roman La nuit des hyènes, de Johann Zarca.

Le personnage principal est Zyed, le jour, qui se travestit en Chica, le soir. Zyed a ses potes du bistrot Le Fabuleux, à deux rues du métro Porte-de-Clichy, à Paris. Chica a ses copines du bois de Boubou (Boulogne), ses habitudes et son arbre au bout d’un sentier discret.

Des dialogues en verlan

L’ouvrage est marqué par le style oral. Certains dialogues ont recours au verlan, forme d’argot français qui consiste en l’inversion des syllabes d’un mot (verlan = l’envers). Voici quelques exemples de cet argot: foncedé (défoncé), yenclis (clients), pèchedé (dépêche), glori (rigolo), zermi (misère), tromé (métro).

Chica offre ses services une fois la nuit tombée. «Ses yenclis veulent du sale, du hardcore, du ce-qu’ils-font-pas-chez-eux.» L’endroit est connu pour attirer des travestis, des homosexuels, des voyeurs, des exhibos, des pervs et des dealers.

Pour chaque client, Chica s’applique «à le faire grimper au ciel, le propulser dans les étoiles; plus elle le taffera, plus il payera».

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Des loups ou des hyènes

Pour vous donner une idée du ton de ce roman radical, un client se choque du prix demandé, avec un condom qu’il refuse de porter. Il traite Chica de «grosse chienne, sale pute, pétasse, pouffiasse, pédale de goy».

Bien que Chica se targue d’en connaître un rayon sur la psychologie des hommes, y compris sur le fait «que trop de mecs ensemble se transforment en loups», elle accepte de suivre un client jusqu’à son domicile, moyennant une importante somme d’argent.

Le Vautour, le Bulldog et le Porc

Elle ignore alors qu’elle vient de se jeter dans la gueule du loup. Le scénario de la nuit qui l’attend est dicté par trois prédateurs au rire de hyènes, d’où le titre du roman. Ses bourreaux sont surnommés le Vautour, le Bulldog et le Porc.

Le Vautour est l’homme qui l’a ramassée au bois de Boulogne. Il chlingue le vice. Chica est pour lui «un simple bout de barbaque», une marchandise. «Pour moi t’es une fiotte, une petite pédale […] avec ta sale tête de bougnoule, putain d’Arabe de merde, enculé, pour moi t’es qu’une serpillère, je t’emmerde…»

Chica peut supporter l’humiliation et se voir manipuler comme une marionnette, tant qu’on ne s’en prend pas à son intégrité physique. Elle sera bien mal servie, au point où «le néant domine son esprit durant cette nuit des hyènes».

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Un glossaire aurait été utile

C’est la première fois que je lis un roman de langue française où un glossaire m’aurait été utile, voire nécessaire. J’ai bien compris qu’un beauf est un gars et qu’une meuf est une fille. J’ai deviné qu’une ligne de métro pourave est nulle ou pourrie.

Plus difficile de comprendre le sens de «Il ne taffe pas, n’a pas de mifa ni de soces.» Ou encore «Elle aime le shit, plus que la zèbe.» Comme je savais que Chiva voulait du whiskey, des cigarettes et de la bouffe, je n’ai pas été surpris qu’elle «raque vingt-sept boules pour la graille, les clopes et la pillave».

La nuit des hyènes n’est pas un roman de tout repos, tant par son contenu que par son style.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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