Proverbes et adages : «Il ne faut pas jeter le manche après la cognée»

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Tableau de Renaud de Joux.
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Publié 04/08/2019 par Gabriel Racle

«Il ne faut pas jeter le manche après la cognée» s’inscrit dans la longue liste des proverbes de la langue française. Nous ne l’utilisons guère, peut-être parce que sa signification nous échappe.

Il est pourtant d’une grande actualité, non seulement parce qu’il vient du fond des bois – et les zones forestières du deuxième plus grand pays du monde représentent 35%de son territoire – mais aussi parce que ce proverbe s’applique à certaines périodes de notre existence.

Une fable de La Fontaine

Le mot cognée peut désigner une variété de haches, comme dans le blason de la ville de Bourrache-le-Haut, dans les montagnes françaises des Vosges, ou simplement la pièce métallique coupante de l’extrémité d’une hache, comme dans le proverbe.

Blason de la ville de Bourrache-le-Haut.

Ce proverbe était déjà connu au XVIIe siècle. Il proviendrait d’une fable du poète Jean de la Fontaine consacrée à un bûcheron qui laisse tomber le fer de sa cognée et qui jette le manche le trouvant inutile. Mais retrouvant la pièce métallique, il n’a plus rien pour la fixer.

Un bûcheron perd son gagne-pain,

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C’est sa cognée et la cherchant en vain

Ce fut pitié là-dessus de l’entendre

Cet adage signifie donc qu’il ne faut pas se décourager lorsque l’on rencontre des difficultés dans la vie, ni renoncer à faire ou à ne pas entreprendre quelque chose parce qu’on a rencontré un obstacle ou des problèmes en voulant arriver à une réalisation finale.

Le manche et la cognée d’une hache.

Proverbe évoquant le découragement

«On pourrait donner comme explication de ce proverbe le découragement de certaines personnes qui, ne pouvant réussir dans une entreprise, renoncent aux moyens dont ils se servaient et rendent par dépit une perte plus grande qu’on ne l’avait éprouvée.»

«Il serait plus sage devant des difficultés, de conserver son sang-froid et son courage en poursuivant avec persévérance le but qu’on s’est préposé.» (Wikipédia)

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Un auteur latin ancien, Sénèque, décédé en 65, a écrit: Et post malam segetem serendum est, ce qui veut dire: Après une mauvaise récolte, il faut semer encore. Ce qui se traduit par un autre proverbe: Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, remettez-le encore et puis recommencez. On ne saurait être plus pratique.

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Ne pas jeter le manche, auteur inconnu.

Le manche

On remarquera au passage que le mot manche est employé ici au masculin. Il provient du latin manicus (manche, poignée). Le latin est à l’origine de nombreux mots ou expressions de la langue française, que l’on a tendance a remplacer en France par des anglicismes (email au lieu de courriel, par exemple).

On a ainsi le manche d’un outil, d’un instrument aratoire, d’un instrument de musique à cordes, d’un ustensile de cuisine: le manche d’un marteau, d’une pelle ou d’un râteau, d’un poêle à frire, en bois, en métal ou en plastique.

Bûcheron, Art moderne (1880-1940).

La manche

Au féminin, le même mot désigne tout autre chose. C’est une partie ou pièce d’un vêtement qui recouvre les bras en totalité ou en partie seulement.

Mais ce peut-être aussi un dispositif technique, comme une manche à air qui donne la direction du vent. Il existait et il existe encore des manches à eau pour faire le plein des locomotives à vapeur.

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Un emploi assez commun est l’utilisation de manche au féminin pour désigner une partie d’un jeu, tennis, baseball.

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Manche à air.

Nom propre

Mais manche peut aussi être un nom propre. C’est le nom du bras de mer qui sépare la Grande-Bretagne de l’Europe continentale. Il tiendrait ce nom par son apparence géographique qui peut faire songer à la manche d’un vêtement quelque peu allongée.

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Bûcherons de jadis.

Expressions

De nombreuses expressions utilisent le mot manche pour exprimer une idée ou une autre. Voici quelques exemples. À la Renaissance, le mot manche signifiait cadeau, sans doute une tradition du Moyen Âge où, durant les tournois, les femmes donnaient une manche de leur habit au chevalier qui se battait pour elles.

Faire la manche est apparu au XVIIIe siècle dans le langage des saltimbanques et a pris le sens de mendier. Retrousser ses manches signifie que l’on va se mettre au travail sans être gêné par ses manches.

C’est une autre paire de manches veut dire que l’on se trouve devant une situation plus complexe et difficile que celle dont on vient de sortir ou que l’on a mentionnée. Elle date du XVIe siècle.

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Avoir quelqu’un dans sa manche. Autrefois, on avait l’habitude de se servir des manches de ses vêtements comme d’un sac pour transporter des objets peu encombrants. Si on avait quelqu’un dans sa manche, cela indiquait, dès le XVe siècle, que l’on avait quelqu’un sous la main prêt à nous rendre service.

Dire de quelqu’un qu’il est comme un manche, c’est dire que cette personne est maladroite, stupide. Et l’on pourrait donner encore d’autres exemples. Mais laissons plutôt nos lecteurs ne pas jeter le manche après la cognée. Bon courage donc.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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