Gilles Archambault : longue vie, longue liste d’erreurs

Gilles Archambault, Mes débuts dans l’éternité
Gilles Archambault, Mes débuts dans l’éternité, nouvelles, Montréal, Éditions du Boréal, 2022, 134 pages, 22,95 $.
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Publié 22/10/2022 par Paul-François Sylvestre

Montesquieu a écrit que c’est un malheur qu’il y ait trop peu d’intervalle entre le temps où l’on est trop jeune et le temps où l’on est trop vieux. Cette réflexion incite Gilles Archambault à publier un recueil de trente nouvelles intitulé Mes débuts dans l’éternité.

L’auteur campent des personnages qui ont «passé l’âge» et décrit des situations ou instants pleins de richesse inattendue. Un style subtil, tout en clair-obscur, réunit cette brochette d’hommes et de femmes d’âge parfois canonique.

Mourir sans descendance

Un homme affirme que «les femmes m’aimaient bien, mais elles ne m’aimaient pas». Il se console en se disant qu’il n’était pas fait pour les extrêmes.

Un autre sait qu’il va mourir sans descendance. Il se dit qu’il aimerait parfois faire la conversation avec un fils. «Pas avec une fille, du chinois pour moi, je ne saurais trouver les mots.»

Pour l’un des personnages, une femme est une intellectuelle si elle lit un peu, va dans les musées et connaît le prénom de Proust.

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Un autre commence à tapoter sur les touches de son MacBook et se sent envahi d’une mission sublime, comme s’il «devenait l’égal de Philip Roth ou de Michel Houellebecq». Il semble dès lors trouvé un nouveau filon, un développement auquel il n’avait pas pensé.

La vaste culture de Gilles Archambault

On trouve plusieurs références à la littérature, comme «Mauriac et Bernanos que plus personne ne lit». Le sort des écrivains occupe une place de choix dans ces nouvelles.

Ils sont tous, sans exception, des casse-pieds. «La vanité des écrivains n’a pas de limites. Ils sont prêts à toutes les concessions. Sauf celles que commanderait le simple bon sens.»

La culture générale d’Archambault imprègne souvent ses nouvelles. Côté musique, par exemple, il mentionne Mozart, Debussy et Stravinsky, mais aussi «les solos de Thelonious Monk» (jazzman américain, 1917-1982) ou «la vie de Dinu Lipatti» (pianiste roumain, 1917-1950).

Le monde change

Victor, 92 ans, souhaite mourir, car il n’est pas possible «de retourner à la vie qu’il a connue pendant sa jeunesse». C’est le sort commun, lui dit-on, mais il ne supporte pas que le monde change.

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Une préposée lui lance: «Vous vous voyez avoir encore dix-sept ans, monter dans une carriole tirée par des chevaux? Vous souhaitez vraiment endurer l’odeur du crottin?» Le vieux chnoque lui donne congé!

Une femme de 70 ans veut continuer à travailler, elle n’est pas prête pour la retraite. Il lui faut de l’argent pour des parfums de marque, des vins réputés et des voyages en première classe.

Gilles Archambault irascible ou accueillant

Archambault glisse souvent des réflexions, comme «je peux être un vieillard irascible ou le plus accueillant des hommes, et cela pendant la même heure».

Ou encore: «C’est fou, le nombre d’erreurs qu’on peut commettre tout au long d’une vie. Surtout si on s’entête à vivre vieux.»

Dans la dernière nouvelle, qui donne son titre au recueil, Gilles Archambault termine en écrivant: «il m’arrive d’ouvrir un livre au deux, parfois ému plus qu’il n’est raisonnable devant une page ou une phrase d’une bouleversante beauté. La seule forme d’éternité qui me soit accessible.»

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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