Gilles Archambault, chantre du moi

Gilles Archambault, Sourire en coin ou les ruses de l’autodérision, récit, Montréal, Éditions Boréal, 2020, 128 pages, 18,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 02/09/2020 par Paul-François Sylvestre

«À l’âge ridicule qui est le mien, j’ai tout le loisir de retourner à mon passé», écrit Gilles Archambault dans Sourire en coin ou les ruses de l’autodérision. «Pour en ressentir, selon les jours, de la frayeur ou de l’apaisement.» L’auteur le fait sans mensonge, sans illusion.

Auteur de dix-huit romans, dix recueils de nouvelles, cinq chroniques et quatre récits, Archambault, 86 ans et veuf depuis bientôt neuf ans, dresse un bilan de sa vie dans son tout dernier récit. L’ouvrage renferme trente et un courts chapitres, le plus souvent d’à peine trois pages.

Se regarder aller

Vivre à moitié n’a jamais intéressé Archambault. Vivre dans le doute et l’autodérision est pour lui «une troublante mais indispensable oasis». Il avoue aimer parler de lui, d’une manière aussi loin que possible de l’autosatisfaction béate.

Il s’agit, à l’instar du Français Henri Calet, «de se regarder aller avec une sympathie dénuée de complaisance».

Plus Archambault a avancé dans sa carrière d’écrivain, plus il s’est éloigné de la fiction romanesque. Il ne s’est pas intéressé à raconter des faits mais plutôt à dire comment il les recevait. L’écrivain s’est aussi construit «une réputation d’hurluberlu un peu triste, complètement à l’écart des modes».

Autodérision

Il avoue sans ambages que parler de soi sans tricher n’est pas une solution de facilité. L’autodérision demeure pour lui une occasion de liberté: «J’avais toujours mes préjugés, mais l’ironie me permettait de les exploiter sans trop de lourdeur.»

Publicité

On apprend que Gilles Archambault n’a jamais accordé une grande importance à ce que ses amis pouvaient penser de ses livres. Dans la mesure du possible, il évitait de tels propos. «Leurs réticences me feraient mal si je les entendais et je ne croirais qu’à moitié à leur approbation.»

Il laisse libre cours à sa pensée au sujet des écrivains, des éditeurs, des salons du livre, des critiques et des récompenses. Il glisse ici et là des commentaires comme «Oser proposer sa prose alors que les lecteurs éventuels sont sollicités par des dizaines de milliers de livres relève de la témérité la plus totale.»

Roman imaginaire

Le plus original dans ce récit, c’est le canevas en filigrane d’un roman qu’Archambault s’imagine écrire. Dès le premier chapitre, il sort de la gare SNCF de Saint-Malo et rencontre, présumément, une jeune femme à la station de taxis. Elle revient à la fin de presque chaque chapitre.

La critique a parfois reproché à Gilles Archambault sa vision pessimiste de la vie. Qu’à cela ne tienne, il s’est mis à l’évoquer en ironisant à ses dépens. L’autodérision a fini par diriger sa vie, au plus grand bénéfice de ses nombreux lecteurs (même s’il croit qu’ils ne sont que quelques happy few).

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur