Fondation Sylvenie Lindor : racisme = déshumanisation

10e anniversaire

Fondation Sylvenie Lindor
Des bénévoles de la Fondation Sylvenie Lindor lors d'un atelier sur le leadership en 2020. Photo: Rapport annuel de la Fondation
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 04/04/2021 par François Bergeron

Amikley Fontaine, le président de la Fondation Sylvenie Lindor, qui oeuvre pour l’intégration et le succès des jeunes Noirs de Toronto, suit le procès du policier Derek Chauvin, accusé d’avoir tué George Floyd le 25 mai 2020 à Minneapolis, au cours de son arrestation après qu’un commerçant ait rapporté qu’il avait voulu lui refiler un faux billet de 20$.

L’affaire a connu un retentissement mondial, provoquant des nombreuses manifestations contre la brutalité policière et le racisme – surtout aux États-Unis, mais aussi au Canada, en Europe et ailleurs. Le cri «Je ne peux plus respirer» et le genou au sol sont devenus des symboles de cette lutte sociale.

Le chef de la police de Toronto, Mark Saunders (qui a pris sa retraite le 31 juillet), un genou au sol en solidarité avec la lutte contre le racisme et la brutalité policière, lors de la manifestation du 5 juin au centre-ville. Photo: Twitter

Force excessive

On a notamment entendu, en cette première semaine de témoignages et de contre-interrogatoires, un lieutenant de police affirmer qu’appuyer le genou sur le cou d’un individu déjà menotté, pendant de longues minutes, constituait un usage excessif de la force policière.

Le procès devrait se poursuivre jusqu’à la fin d’avril. Malgré notre attachement à la présomption d’innocence, on n’ose pas imaginer comment serait accueilli un acquittement du policier…

Fondation Sylvenie Lindor
Une murale en mémoire de George Floyd au Texas. Photo: F. Muhammad, Pixabay

Transparence

Amikley Fontaine apprécie la «transparence» du système judiciaire américain. Le procès est télévisé, ce qui ne se fait pas au Canada, regrette-t-il.

Publicité

«La transparence mène au changement», dit-il à l-express.ca. Et ce qu’il faut changer, au Canada comme aux États-Unis, selon lui, c’est «la perception négative des Noirs» dans la majorité de la population, qui mène trop souvent – comme dans l’affaire George Floyd – à leur «déshumanisation».

«George Floyd, c’est un individu qui a été déshumanisé» lors de son arrestation. Les manifestations, la couverture médiatique et maintenant procès permettent maintenant de le «réhumaniser».

La police, dit-il, privilégie la force lors des interactions avec les personnes d’ascendance africaine. Elle doit devenir consciente de ce réflexe afin de protéger les minorités de la même façon qu’elle protège la majorité des citoyens.

racisme George Floyd
En marge d’une manifestation à Columbus, Ohio, contre la mort de George Floyd. Photo: Joyce Beatty, Wikimedia Commons

Des monuments au Canada?

Ce sont aussi les préjugés à l’endroit des Noirs qui mènent à leur sous-représentation au sein des institutions canadiennes.

Pour des raisons évidentes, l’histoire des Noirs est mieux connue chez nos voisins du Sud, mieux intégrée au curriculum scolaire, elle a des musées, des monuments. Amikley Fontaine s’attendait au moins à ce qu’un monument marque le 25e anniversaire du Mois de l’Histoire des Noirs au Canada cette année; mais non.

Publicité

Au moins, en 2018, la banque du Canada a mis en circulation le billet de 10$ à l’effigie de Viola Desmond, qui a résisté à la ségrégation dans un cinéma en Nouvelle-Écosse en 1946… «presque 10 ans avant l’Américaine Rosa Parks dans un autobus en Alabama», souligne Amikley Fontaine.

nouveau billet de dix dollars
En 2018, Wanda Robson, 91 ans, admire le nouveau billet de 10 dollars canadiens à l’effigie de sa soeur Viola Desmond. Photo: Banque du Canada.

Des femmes d’influence

La Fondation Sylvenie Lindor (du nom de la mère du fondateur et président) célèbre en 2021 son 10e anniversaire. Son activité de février – un débat virtuel de panélistes – était justement placée sous le thème du «75e anniversaire de la résistance de Viola Desmond contre l’injustice».

Et pour la Journée internationale de la femme (8 mars), la Fondation rendait hommage à 10 «femmes d’influence», dont bien sûr Viola Desmond, mais aussi: Violet Henry, première avocate noire en Alberta; Robyn Maynard, l’auteure de l’essai Policing Black Lives: State Violence in Canada from Slavery to the Present (Fernwood 2017); l’ancienne gouverneure générale Michaëlle Jean; la cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade.

Hommage aux Femmes Sylvenie Lindor
L’affiche de la Fondation Sylvenie Lindor en hommage à 10 femmes d’influence.

Une promesse à sa mère

La création de la Fondation Sylvenie Lindor est la réalisation d’une promesse d’Amikley Fontaine à sa mère mourante quand il avait 13 ans. Il a créé l’organisme en 2011, quand il était étudiant à l’Université York, et c’est en 2014 qu’il organisait son premier «forum multiculturel».

Depuis, la Fondation organise aussi des activités bilingues culturelles, sportives et de leadership pour les jeunes Noirs – d’Etobicoke et de Scarborough surtout.

Publicité
Fondation Sylvenie Lindor
Amikley Fontaine

Actions sur le terrain

Pendant la pandémie, ses équipes ont également distribué des denrées et des produits de première nécessité à des sans-abris et à des familles dans le besoin.

Son affiche du 10e anniversaire résume ainsi sa mission: «intégration économique des jeunes canadiens noirs; rayonnement de la francophonie ontarienne; promotion de l’équité sociale; lutte contre le racisme systémique et ses conséquences; pour un Canada inclusif avec l’égalité des chances.»

La Fondation compte relancer en mai son projet de mobilisation Toronto Youth Action for Change et son tournoi de soccer, puis organiser un nouveau forum multiculturel (virtuel si la pandémie ne permet pas encore le présentiel).

Fondation Sylvenie Lindor
L’affiche du 10e anniversaire.

Les temps sont durs

Mais la situation financière de l’organisme est périlleuse. «C’est surtout grâce à un soutien de La Croix-Rouge (90 000 $) que nous avons traversé 2020», indique Amikley Fontaine. L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (15 000 $) et le ministère du Patrimoine canadien (13 000 $) ont également contribué à financer des activités de la Fondation.

Mais plusieurs autres demandes d’aides sont restées sans réponse. La Fondation a l’honneur douteux de faire partie des organismes qui ont reçu une lettre de refus de fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada, en janvier, mentionnant qu’ils n’étaient «pas assez noirs». Une bourde pour laquelle le ministre Ahmed Hussen s’est excusé.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur