Financement de TV5: l’industrie de la télé francophone s’inquiète

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Unis TV est essentielle à la vitalité des productions en français à l’extérieur du Québec. La première fiction francophone tournée en Colombie-Britannique, Surf Bay, Côte Ouest, sera diffusée au printemps 2026 sur la chaine. Photo: Unis TV
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Publié 26/06/2025 par Marine Ernoult

TV5 et Unis TV sont aux prises avec des baisses de revenus, selon le PDG Yann Paquet. Les possibles conséquences négatives sur l’industrie de la production francophone préoccupent cinéastes et producteurs. Les acteurs du secteur demandent aux instances de régulation et aux gouvernements de les soutenir.

«Inévitablement, au cours des dernières années, on a dû réduire nos investissements en production originale franco-canadienne, on en fait un peu moins», reconnaît Yann Paquet.

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Yann Paquet. Photo: courtoisie

L’entité regroupe les chaînes câblées TV5, consacrée à la francophonie internationale, et Unis TV, qui a pour mandat de refléter la diversité des francophonies canadiennes. TV5 Québec Canada gère également la plateforme gratuite de vidéos en continu TV5Unis, sur laquelle se trouvent les contenus des deux chaînes.

Les revenus de TV5 Québec Canada atteignaient en 2023 un peu plus de 34 millions $, une diminution de quelque 6% par rapport à 2019. Yann Paquet s’inquiète de cette tendance à la baisse. Elle risque de se poursuivre à mesure que les revenus provenant des publicités et des abonnés au câble chutent.

«Occasions de s’exprimer sur les écrans»

Les défis financiers du télédiffuseur inquiètent particulièrement les acteurs de l’industrie francophone des écrans.

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Carol Ann Pilon. Photo: courtoisie

«Si les budgets diminuent, le nombre et la qualité des productions diminueront en conséquence. Les impacts seront négatifs sur tout le secteur», prévient la directrice générale de l’Alliance des Producteurs francophones du Canada (APFC), Carol Ann Pilon.

Les cinéastes et les scénaristes concluent en effet des ententes avec des producteurs, qui eux-mêmes négocient des contrats de diffusion avec les chaînes de télévision.

«Pour qu’un projet voie le jour, ça prend un télédiffuseur qui s’engage à trouver des financements, c’est le déclencheur principal. Sans son engagement, il n’y a pas de projet», insiste Carol Ann Pilon.

Trois diffuseurs

Or, peu de joueurs s’intéressent aux productions franco-canadiennes. En dehors de TV5 et d’Unis TV, seuls TFO et Radio-Canada investissent dans ce marché.

«Unis TV est un acteur particulièrement important pour diffuser des contenus produits par et pour les francophones. C’est l’un des diffuseurs avec qui nos membres travaillent le plus», affirme Carol Ann Pilon.

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Le directeur général du Regroupement des artistes cinéastes de la francophonie canadienne (RACCORD), Bruno Boëz, parle également d’une «chaîne essentielle à la vitalité des productions à l’extérieur du Québec».

«Dans le contexte minoritaire où les francophones sont éclatés, les cinéastes sont plus isolés pour créer. Les initiatives d’Unis TV permettent de les regrouper et leur offrent des occasions concrètes de s’exprimer sur les écrans», estime-t-il.

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La productrice Rayne Zukerman. Photo: Luke Fillion

Soutien à la relève

À Toronto, la productrice Rayne Zukerman a pu bénéficier du soutien d’Unis TV pour les deux saisons de sa série Paris Paris. «J’ai développé une relation avec quelqu’un de la chaîne sur place, qui avait une compréhension approfondie de la réalité en situation minoritaire, c’est un atout.»

Avec le programme Créateurs en série, TV5 et Unis TV accompagnent aussi les créateurs canadiens de la relève dans le développement et la réalisation de leur série courte. Plus de 80 productions et 300 artisans du cinéma ont profité de ce programme.

«C’est une initiative fondamentale, presque une bouée de sauvetage, car aucune école de langue française hors Québec ne forme aux métiers de cinéaste et de scénariste», considère Bruno Boëz.

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Mais si les chaînes ne sont pas en mesure de revoir leur modèle de financement, «nous n’aurons pas d’autre choix que de requestionner le programme», avertit Yann Paquet de TV5.

2 cents de plus

Pour changer la donne, TV5 Québec Canada, l’APFC et RACCORD demandent au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d’augmenter de 2 cents le tarif mensuel que chaque abonné du câble au pays paie au profit de TV5 et Unis TV. Ce tarif est actuellement fixé à 28 cents par mois au Québec et à 24 cents ailleurs au Canada.

cinéastes, cinéma
Bruno Boëz. Photo: Marianne Duval

«On n’a pas encore eu de retour du CRTC, mais on a vraiment besoin de cette augmentation. Elle nous permettrait de nous rendre jusqu’au renouvellement de la licence, dans un an et demi», indique Yann Paquet.

Le PDG admet également le besoin «d’accélérer la transition vers le numérique pour rejoindre un nouveau public de jeunes adultes».

Il évoque enfin les subventions des gouvernements fédéral et québécois, qui représentent 10% des revenus de TV5 Québec Canada. «Ottawa et Québec sont au courant et sensibles à la situation, nous avons des discussions sur comment faire évoluer notre modèle de financement», commente-t-il.

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Règlementer les plateformes numériques

«Le combat et les efforts de sensibilisation continuent, appuie Bruno Boëz. Les décideurs doivent créer plus d’actions positives pour renforcer l’industrie des écrans dans la francophonie minoritaire et la découvrabilité des contenus sur les plateformes numériques.»

À cet égard, Carol Ann Pilon réclame «un geste fort» de la part du CRTC. «Il faut réglementer les plateformes de diffusion en continu et leur imposer une obligation de contribuer financièrement à la création d’une programmation canadienne de haute qualité.»

En attendant, Unis TV tourne la toute première série de langue française en Colombie-Britannique : Surf Bay, côte Ouest.

«On fait travailler tout un écosystème francophone à l’extérieur du Québec, on fait de gros investissements. Pour nous, c’est un modèle viable auquel on croit», conclut le directeur des contenus pour TV5 et Unis TV, Jérôme Hellio.

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