Fin imminente de la PCU: l’assurance-emploi et d’autres mesures prendront le relai

8,5 millions de personnes ont eu recours à la PCU. Photo: Mélanie Tremblay
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 21/08/2020 par Bruno Cournoyer Paquin

Le gouvernement fédéral annonce le prolongement de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) jusqu’à la fin septembre. Un programme modifié d’assurance-emploi entrera en vigueur le 27 septembre, et trois types de prestations canadiennes de relance économique (PCRÉ) seront introduites pour les travailleurs qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi.

La ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées, Carla Qualtrough, accompagnée de la nouvelle ministre des Finances, Chrystia Freeland, en ont fait l’annonce le 20 août.

Ces nouvelles mesures devraient être adoptées dès le début de la nouvelle session parlementaire, le 23 septembre. Elle précise cependant que les changements au programme d’assurance-emploi pourront être effectués à travers des modifications règlementaires.

Quelques milliards de plus

Selon des cadres supérieurs d’Emploi et développement social Canada (EDSC), les nouvelles mesures annoncées seront en vigueur pour une période d’un an. Le coût de la prolongation de la PCU est évalué à 8 milliards $. Les coûts des PCRÉ sont présentement évalués à 22 milliards $. À ces sommes s’ajoutent 7 milliards $ pour les modifications proposées à l’assurance-emploi.

Colin Guldimann

Selon Colin Guldimann, économiste à la Banque Royale du Canada, les coûts pourraient être moins élevés que ce qui a été annoncé. «C’est important de rappeler que, dans la mise à jour économique, on avait prévu 10 milliards $ de dépenses additionnelles pour l’assurance-emploi.» Donc, évalue-t-il, le cout net total des mesures annoncées serait de 27 milliards $, non 37 milliards $.

Publicité

La PCU a été établie par le gouvernement fédéral en mai 2020 pour remplacer les revenus des travailleurs qui avaient perdu leur emploi suite à la crise créée par la CoViD-19. La PCU verse 2000 $ par mois aux travailleurs admissibles dont le revenu d’emploi mensuel ne dépasse pas 1000 $.

Présentement, environ 4 millions de Canadiens bénéficient de la PCU, alors que 8,5 millions de personnes y ont eu recours depuis le début de la crise.

Avec la reprise relative de l’emploi au cours des moins de juin et juillet, la PCU avait fait l’objet de nombreuses critiques. Les employeurs et les chambres de commerce lui reprochaient notamment de prévenir le retour au travail et donc de ralentir la reprise économique.

Une critique partagée par le Bloc québécois et le Parti conservateur. Les nouvelles mesures annoncées visent donc à favoriser le retour au travail.

Changements à l’assurance-emploi

À partir du 27 septembre, le seuil d’admissibilité à l’assurance-emploi (AE) sera modifié sous la forme d’un crédit d’heures travaillées. Ainsi, les employés qui auront travaillé 120 heures au cours des 52 dernières semaines pourront avoir accès aux prestations d’AE.

Publicité

Ces dernières sont fixées à un seuil hebdomadaire minimal de 400 $. Le montant de la prestation maximale demeure 573 $. Les prestations seront versées pendant un maximum de 45 semaines.

Par le passé, les critères d’admissibilité à l’assurance-emploi étaient établis selon les conditions du marché du travail dans la région du demandeur. Le programme exigeait au minimum 420 heures travaillées et fixait les prestations hebdomadaires à 55% des revenus d’emploi.

«Je pense que l’élément critique ici est l’augmentation des prestations minimales d’assurance-emploi [à 400 $ par semaine]», souligne Colin Guldimann.

«Le taux de remplacement des revenus hebdomadaires de 55% n’aurait pas été suffisant pour beaucoup de travailleurs qui ont perdu leur emploi, particulièrement parce qu’un nombre important d’entre eux se situaient au bas de l’échelle des revenus. Donc beaucoup de Canadiens qui travaillent dans des emplois peu rémunérés, comme le commerce de détail et la restauration, ont perdu leur emploi.»

La nouvelle ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland.

Admissibilité à 45 semaines

L’économiste observe aussi que le programme normal d’assurance-emploi offrait une période beaucoup plus courte de bénéfices pour les gens qui avaient moins travaillé. En établissant l’admissibilité aux prestations de 26 à 45 semaines, les nouvelles mesures reconnaissent que les gens ont été incapables de travailler à cause de la crise.

Publicité

Tout comme dans le cas du programme habituel, les nouvelles mesures exigent que le demandeur soit à la recherche d’un emploi et permettent à celui-ci de cumuler des revenus d’emploi à celui des prestations. Pour chaque dollar gagné au travail, cependant, les prestations d’AE sont réduites de 50 ¢.

Pour Colin Guldimann, ces changements à l’assurance emploi soulèvent des questions sur la structure du programme à long terme. Il devra y avoir un débat public sur le programme d’assurance-emploi: est-ce qu’on doit continuer à limiter l’admissibilité à ceux qui ont payé des prestations? Est-ce que le taux de remplacement des revenus de 55% est suffisant?

 Travailleurs autonomes et pigistes

Cependant, selon la ministre Qualtrough, comme l’assurance-emploi ne couvre pas les travailleurs autonomes et les pigistes, ce qui aurait laissé des millions de personnes sans mesures de soutien.

En conséquence, la PCU se voit remplacée par la Prestation canadienne de relance économique (PCRÉ) pour les travailleurs qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi, et ne peuvent retourner au travail à cause de la CoViD. La PCRÉ offre à ces travailleurs 400 $ par semaine pour un maximum de 26 semaines.

Colin Guldimann observe que cette période de 26 semaines est inspirée du programme d’assurance-emploi. Le gouvernement croit sans doute qu’il y aura eu une relance économique et une reprise de l’emploi d’ici là, mais cela dépend vraiment de la situation de la pandémie, ajoute-t-il.

Publicité

Tout comme dans le cas des nouvelles mesures d’assurance-emploi, les demandeurs de la PCRÉ devront être à la recherche d’emploi. Ils pourront aussi cumuler la prestation avec des revenus de travail. Ils devront toutefois rembourser 50 ¢ pour chaque dollar gagné au-delà de 38 000 $ de revenus annuels nets au moment de produire leur déclaration de revenus.

Ce taux de récupération des prestations constitue un meilleur incitatif au travail que celui de la PCU, qui récupérait tous les revenus de travail au-delà de 1000 $ par mois, souligne Colin Guldimann.

«Si quelqu’un ne peut travailler qu’à temps partiel, on ne veut pas récupérer toutes ses prestations, parce qu’alors, ils ne voudront peut-être pas retourner au travail», dit-il. Et maintenir le lien entre employeurs et employés est un atout critique pour la relance économique.

Reprise asymétrique

L’économiste Jean-Michel Cousineau, professeur titulaire au département de relations industrielles de l’Université de Montréal, rappelle que la reprise sera asymétrique. «Il y a certains secteurs qui ne reviendront pas: hébergement, restauration, certains secteurs du commerce, aéronautique, transport en commun», dit-il.

Jean-Michel Cousineau

Pour le professeur Cousineau, les mesures de soutien doivent maintenir un équilibre: «Il faut protéger les gens qui sont en détresse, mais en même temps il ne faut pas les figer dans un secteur où il n’y a rien à faire.» La reprise aura lieu plus rapidement dans certains secteurs que d’autres, aussi faudrait-il faciliter la «flexibilité entre les secteurs et les professions».

Publicité

Il note d’ailleurs que la ministre Qualtrough a brièvement mentionné l’importance de la formation en conférence de presse. Cependant, ajoute-t-il, il y a un problème de juridiction, puisque la formation relève de la compétence des provinces.

Malades et aidants

Deux autres types de prestations de relance économique s’ajoutent à la PCRÉ: la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCRÉ de maladie) et la prestation canadienne de relance économique pour les proches aidants (PCRÉ proches aidants).

La PCRÉ de maladie offre 500 $ par semaine pendant deux semaines aux travailleurs qui sont touchés par la CoViD-19 et doivent s’isoler. Une personne ne pourra la réclamer qu’une fois, et les critères d’admissibilité seront les mêmes que pour la PCU.

La PCRÉ proches aidants vise à appuyer les personnes qui doivent s’absenter du travail pour prendre soin d’un enfant de moins de douze ans ou d’une personne à charge parce que les garderies ou les écoles sont fermées à cause de la CoViD-19. La prestation offre 500 $ par semaine à ces travailleurs, pour une période maximale de 26 semaines.

Les personnes qui désirent garder leurs enfants à la maison si les écoles sont ouvertes ne sont pas admissibles.

Publicité

Revenu minimum garanti

Le gouvernement fédéral ne semble pas considérer pour le moment l’idée de simplifier l’ensemble des mesures de soutien au revenu et d’aide sociale par l’instauration d’un revenu minimum garanti.

Auteur

  • Bruno Cournoyer Paquin

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur