Étrange sagesse de Gilles Archambault

Gilles Archambault, Vivre à feu doux
Gilles Archambault, Vivre à feu doux, nouvelles, Montréal, Éditions Boréal, 2024, 112 pages, 19,95 $.
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Publié 17/04/2024 par Paul-François Sylvestre

Dans la force de l’âge, on est dans le feu de l’action. Dans un âge avancé, on se contente de Vivre à feu doux, titre du tout dernier recueil de nouvelles que signe Gilles Archambault, 90 ans, tout comme le personnage de la dernière nouvelle.

Ce recueil d’une centaine de pages renferme 32 nouvelles. C’est vous dire comment elles sont brèves, jamais plus que deux ou trois pages, parfois seulement cinq ou six courts paragraphes. Les sujets traités n’en demeurent pas moins sérieux: amitié, amour, bonheur, estime de soi, création, vieillesse, mort.

Quatre thèmes

Les nouvelles sont regroupées sous quatre ensembles aux libellés évocateurs: Immensément triste comme d’autres sont immensément riches, Je ne me suis pas habitué à moi, Vivre à feu doux, Couvercle fermé.

Dans le premier ensemble, une nouvelle s’intitule Qui es-tu, au juste?. Il est question d’un homme qu’une femme arrive difficilement à comprendre. Une personne qui donne parfois «l’impression d’être un livre ouvert, parfois pas du tout». L’intérêt de la fréquentation réside dans cette énigme.

Un des plus longs textes, presque quatre pages, a pour titre Le Rival. On fait la connaissance d’un modeste prof d’université, qui vient de terminer un roman refusé par trois éditeurs. Il apprend qu’une femme longtemps oubliée a avoué sur son lit de mort qu’il avait été l’amour de sa vie.

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La réaction du prof est la suivante: «C’est plus fort que moi, je ne peux pas croire que je puisse inspirer le moindre mouvement de passion. Je pense toujours qu’il y a eu erreur sur la personne.»

Romans non publiés

À plus d’une reprise, il est question d’un homme qui a écrit des romans, «non publiés et parfaitement nuls». Archambault note qu’une personne qui se voue à l’écriture «a tendance à ne s’intéresser à la vie que de loin, de très loin».

Un dénommé Damien est comédien approchant l’âge de la retraite. Une spectatrice lui dit qu’il a été l’idole de sa mère et que son père l’a adoré dans une pièce de Marcel Dubé. Damien est tenté de demander à cette inconnue si elle l’a aimé. «Bien sûr, il n’en fait rien, craignant la réponse qui viendrait.»

Au fil de ces brèves nouvelles, on découvre que devenir un fieffé menteur est une façon comme une autre de participer à la vie. On se demande pourquoi il faut vivre si longtemps alors qu’on apprécie si modérément la vie.

L’auteur va jusqu’à poser cette question: «Tu n’as jamais eu l’impression qu’on a toujours exagéré la valeur de la vie? Et que cela explique la cruauté de vivre?»

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Fiction ou autofiction?

Les réflexions de certains personnages font-elles écho à l’état d’esprit de Gilles Archambault? Est-ce fiction ou autofiction? On se le demande en lisant une phrase comme «Je croyais vaguement à l’avenir, le présent m’étant insupportable.» Ou encore «je pense que toute vie est morte à la naissance».

Le personnage de la dernière nouvelle se nomme Gilles et a 90 ans. «Il a même l’impudence de continuer à écrire.» Archambault est né en 1933 et a publié plus de 40 ouvrages (romans, nouvelles, récits, chroniques).

Le Gilles en question n’a jamais oublié «la chaleur de l’accueil qui lui a été accordé». Le souvenir qu’il a eu de son parcours «le soutiendrait jusqu’à sa mort».

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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