Épargner les établissements francophones du plafond d’étudiants étrangers

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Un plafond d'étudiants étrangers, face à la crise du logement, pénaliserait les collèges et universités de la francophonie canadienne. Illustration: iStock.com/Nataliia Nesterenko
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Publié 29/08/2023 par Chantallya Louis

Dans un contexte de crise du logement, plusieurs acteurs dans l’éducation postsecondaire francophone comprennent l’intention du gouvernement fédéral d’établir une limite du nombre de visas accordés aux étudiants étrangers. Cependant, tous sont d’accord pour épargner les établissements francophones en milieu minoritaire.

Depuis la déclaration du ministre fédéral du Logement, Sean Fraser, d’étudier la possibilité de limiter l’émission de visas aux étudiants étrangers, de nombreuses voix s’élèvent dans les communautés francophones en milieu minoritaire.

Le directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), Martin Normand, s’oppose à l’idée d’un plafond pour les établissements membres.

Croissance soutenable?

Toutefois, il reconnaît que le nombre d’étudiants étrangers au Canada a augmenté considérablement dans les dix dernières années. «C’est une question en soi qui va au-delà des questions de logement: est-ce que c’est soutenable d’avoir une croissance aussi rapide et continue du nombre d’étudiants étrangers?»

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Martin Normand.

Pour Martin Normand, avant de plafonner le nombre d’étudiants étrangers dans les établissements canadiens, il serait nécessaire de considérer les différentes réalités des universités et des collèges des communautés francophones en milieu minoritaire.

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«Il ne peut pas y avoir une seule solution pancanadienne, maintient-il. Il faut qu’il y ait des solutions nuancées, ajustées au contexte, et trouver précisément des solutions et des approches qui sont distinctes pour les établissements de la francophonie canadienne».

Nombre d’étudiants étrangers au Canada

Selon le Bureau canadien de l’éducation internationale (BCEI), il y a eu plus de 807 750 étudiants étrangers au Canada, tous niveaux d’instruction confondus, à la fin de l’année 2022. Entre 2021 et 2022, la population d’étudiants en provenance de l’étranger a augmenté de 31%.

«À la fin de 2022, le Canada a connu une croissance de 43% au cours des cinq dernières années, et de près de 170 % au cours de la dernière décennie», peut-on lire sur le site internet du BCEI.

Un atout démographique pour les communautés francophones

Pour Mariève Forest, présidente et chercheuse pour la firme de recherche sociale appliquée Sociopol, l’immigration est une manière importante pour les communautés francophones en milieu minoritaire de combler les enjeux démographiques. «Une proportion significative des étudiants internationaux transite vers la résidence permanente», explique-t-elle.

étudiants étrangers
Mariève Forest.

Par conséquent, une telle mesure appliquée aux établissements postsecondaires de langues françaises hors Québec contribuerait «à réduire ces possibilités de combler les lacunes démographiques causées par un manque à gagner en immigration francophone depuis des dizaines d’années».

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Mariève Forest rappelle que «la politique fédérale en matière d’immigration francophone prévue dans la nouvelle Loi sur les langues officielles gagne à inclure un volet concernant l’accueil, l’appui au logement et l’appui à l’obtention de la résidence permanente des étudiants internationaux qui étudient en français à l’extérieur du Québec».

Même son de cloche chez Martin Normand. «L’idée d’un plafond pour les étudiants internationaux francophones à l’extérieur du Québec est incompatible avec ces objectifs-là, lance-t-il en entrevue».

Un plafond: un enjeu financier pour certains établissements?

Dans sa réflexion, Mariève Forest redoute aussi des conséquences financières de la mesure de plafonnement pour les établissements postsecondaires en contexte minoritaire.

Selon une étude préparée par sa firme, la part du budget provenant des droits de scolarité des étudiants étrangers est plus grande qu’auparavant, alors que le financement des gouvernements provinciaux et fédéral n’a augmenté que très peu depuis les années 2000.

Cela dit, les frais de scolarité des étudiants étrangers représentent une proportion considérable des budgets des universités et collèges.

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«Pour les établissements postsecondaires en situation minoritaire, l’enjeu financier est déjà énorme», constate-t-elle. «La plupart ont une situation financière qui est assez précaire […], c’est une pérennité qui peut être mise en péril à court et à moyen terme.»

Selon le directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l’ACUFC, un plafond équivaudrait à limiter le type de revenus que les établissements francophones peuvent aller chercher.

Alors que les établissements anglophones ont un plus grand bassin d’étudiants internationaux, Martin Normand soutient qu’«il ne faut pas créer un déséquilibre en développant des politiques publiques qui s’appliquent de la même façon partout au pays».

Une aide est nécessaire pour soutenir les établissements

Selon le député libéral de Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin, les universités et les collèges doivent prendre leurs responsabilités afin d’assurer un accueil adéquat en matière de logement pour les étudiants étrangers.

langues officielles, Le député Francis Drouin.
Francis Drouin.

«On devrait favoriser les universités et les collèges qui, eux, bâtissent du logement pour leurs étudiants, plutôt que ceux et celles qui le laissent à main libre et qui causent des pressions sur nos communautés».

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Mais pour Martin Normand, les universités et les collèges membres de son association font le travail nécessaire dans ce sens.

«Ce n’est pas nécessairement une course effrénée aux étudiants internationaux, on est vraiment dans une perspective où on veut les attirer, les retenir et s’assurer qu’il y a des conditions de vie décentes. Et dans ce contexte-là, le logement fait partie de la réflexion.»

Un dialogue est nécessaire

Bien que les universités et les collèges membres soient conscients de la disponibilité de logements dans leurs régions respectives, selon Martin Normand, un dialogue est tout de même nécessaire entre les établissements, les différents paliers gouvernementaux et les acteurs du secteur privé afin de soutenir les projets de logements pour les étudiants.

Francis Drouin conçoit que les étudiants en provenance de l’étranger peuvent jouer un rôle important, notamment pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre dans les communautés francophones.

Francis Drouin, qui est membre du Comité permanent des langues officielles, assure qu’il viendrait protéger les établissements francophones en milieu minoritaire si une telle décision était prise au sein de son gouvernement.

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Dans un courriel à Francopresse, la porte-parole du ministre de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada soutient que le gouvernement fait face à de nombreux défis liés à l’immigration nécessitant la mise en place d’un plafond, «mais cela ne peut pas être la seule mesure, car cela ne résout pas l’ensemble du problème».

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