Entrepreneuriat féminin: cuisiner pour s’intégrer

Formation au Centre francophone

Entrepreneuriat, cuisine
Les participantes du programme Cuisinepreneures et le chef Clency Amourdon lors d'un un atelier au Centre Francophone. Photos: CFGT
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Publié 08/09/2023 par Clément Lechat

Des acteurs communautaires se mobilisent pour faire tomber les barrières qui restreignent l’ambition des femmes entrepreneures immigrantes et franco-ontariennes. Nous vous proposons un tour d’horizon des solutions.

«La cuisine, c’est ma passion», affirme sans détour Régine Kieme, une nouvelle arrivante congolaise résidant à Toronto. «Je peux rester à la cuisine toute la journée sans m’en rendre compte», raconte-t-elle.

À bientôt 60 ans, Régine Kieme s’est remise aux études. Elle va commencer une deuxième année en petite enfance au Collège Boréal, mais son objectif à long terme est tout autre. «Mon projet est d’être cheffe cuisinère à domicile. De bouche à oreille, je pourrai me faire un nom… et plus tard me créer un joli petit restaurant coquet dans un quartier de la ville!» On y dégustera des plats congolais, canadiens et européens.

Pour avancer dans cette direction, Régine Kieme s’est inscrite au programme Cuisinepreneures du Centre francophone du Grand Toronto (CFGT), qui a commencé le 24 juillet dernier. Comme neuf autres femmes, elle a enfilé son tablier pour dix semaines d’une formation intensive.

Entrepreneuriat, cuisine
Régine Kieme présente un plateau de légumes concocté par les participantes à Cuisinepreneures.

Entrepreneuriat culinaire

«L’idée est de les préparer pour qu’après la formation elles puissent être capables de démarrer leur activité chez elles ou en ouvrant leur propre affaire», explique Meryem Taleb, gestionnaire des services d’emploi au CFGT.

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Les participantes enfilent deux casquettes lors de la formation: celle de cheffe cuisinière et celle de gérante. Car pour réussir il faut être aussi talentueuse derrière les fourneaux qu’à son bureau. Elles apprennent donc les bases de la gestion administrative, la négociation avec les fournisseurs et l’établissement d’une stratégie marketing.

Côté cuisine, tous les rudiments de la profession sont décortiqués par Clency Amourdon, chef de profession avec 41 années d’expérience. Au cours de sa carrière, il a travaillé pour un hôtel de luxe à Dubaï, un restaurant gastronomique sur son Île Maurice natale, et un établissement étoilé à Biarritz, en France.

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Clency Amourdon, le chef formateur du programme Cuisinepreneures.

Une fois par semaine, les participantes se retrouvent en cuisine pour pratiquer autour d’une thématique particulière. Viandes, poissons, déjeuner… Elles étudient une grande variété d’aliments et de repas sous de nombreuses formes. Rien que pour les légumes, le programme comprend «les juliennes, les macédoines, les brunoises, les chiffonnades…», énumère Clency Amourdon.

Les futures entrepreneures se familiarisent avec les différentes saveurs, leurs associations, ainsi que les techniques de coupe et de cuisson.

S’adapter à un nouvel environnement professionnel requiert toutefois beaucoup d’attention. «Il faut se mettre en tenue, prendre en considération les normes sanitaires, les dangers en cuisine avec les objets coupants, les sols glissants, les régulations», souligne le chef.

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Objectif intégration

La particularité de Cuisinepreneures est qu’il s’adresse uniquement aux résidentes permanentes et réfugiées acceptées, dans la région de Toronto. C’est d’ailleurs le ministère fédéral de l’Immigration qui finance la formation.

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Meryem Taleb, du CFGT.

«On sait que beaucoup de femmes nouvellement arrivées ont beaucoup de barrières pour trouver un emploi, que ce soit au niveau des compétences, de l’éducation ou de la langue», indique Meryem Taleb. L’entrepreneuriat constitue un levier précieux car leurs compétences ne sont pas toujours reconnues sur le marché du travail.

Ouvrir son affaire est une façon de contourner de nombreux obstacles. «Les immigrants sont souvent poussés vers l’entrepreneuriat du fait de leur exclusion des marchés du travail traditionnels, de la discrimination à leur égard et de leur manque de mobilité sur le marché du travail canadien», résumait en 2020 le rapport sur l’état de l’entrepreneuriat féminin au Canada du Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat (PCFE).

Nouvel environnement

Malgré leur motivation, la formation n’est pas tout repos pour les dix apprenantes, reconnaît le chef. «Lorsque qu’on faisait le petit-déjeuner, c’était vraiment speed en cuisine, et deux ont abandonné. Je leur ai dit ‘si moi j’abandonne, l’équipe est finie’. Alors elles y sont retournées avec plus de force.»

Lorsqu’il travaillait à l’Île Maurice, Clency Amourdon a pris l’habitude et le plaisir de former des novices. C’est donc tout naturellement qu’il a accepté d’en faire de même pour le CFGT.

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Mais il lui faut une dose supplémentaire de patience et de pédagogie. «On apprend par les erreurs. Si on veut apprendre à nager, il faut se jeter à l’eau, quitte à boire deux gorgées d’eau salée. On en sortira gagnant», explique-t-il avec bienveillance.

De son côté, Régine Kieme dit avoir eu du mal à réaliser différentes tâches en un temps limité lors des ateliers. «Il faut être rapide. Et pas de distractions!», insiste-t-elle. Elle reste pour autant très positive. La formation a renforcé son envie de se lancer dans l’entrepreneuriat. «Quand on a l’opportunité d’exercer sa passion, on ne peut pas la laisser filer».

cuisine, entrepreuneuriat
La PDG du Centre francophone, Florence Ngenzebuhoro, et le chef Clency Amourdon, avec des participantes aux ateliers Cuisinepreneures.

Hamburger «à la française»

Pour réussir dans le milieu, Clency Amourdon est convaincu qu’il faut s’avoir adapter sa cuisine aux goûts de la clientèle canadienne, tout en gardant sa touche d’originalité.

Celui qui est désormais responsable d’un restaurant, de quatre salles de fête et de deux bars pour une entreprise de l’événementiel, donne l’exemple de son hamburger «à la française», qui combine des champignons rôtis, des oignons caramélisés, du thym et du fromage.

Après la fin de la formation le 2 octobre, les participantes effectueront un stage de pratique d’une durée de quatre à huit semaines dans un restaurant torontois pour parfaire leurs connaissances.

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