En attente de nouvelles législations linguistiques, les juristes font le point

Langues officielles, éducation, recensement

Plus de 500 juristes ont participé à la rencontre virtuelle du 23 mars dernier organisée par le Barreau de l'Ontario, l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario (AJEFO) et le Comité des langues officielles de l’Association du Barreau de l’Ontario (ABO) pour souligner la Journée internationale de la francophonie. À l'écran:  Marc Sauvé, président de l'AJEFO; Teresa Donnelly, trésorière du Barreau de l’Ontario; Kelly Burke, Ombudsman adjointe et Commissaire aux services en français de l’Ontario; Mark Power, cabinet Juristes Power; Azadeh Nourbakhsh Lavictoire, présidente du Comité des langues officielles de l’Association du Barreau de l’Ontario (ABO); Anne Tardif, animatrice de l'évènement, cabinet Gowling WLG; François Larocque, titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques, à l'Université d’Ottawa. 
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Publié 01/04/2021 par Gérard Lévesque

À l’occasion de la Semaine internationale de la francophonie, trois juristes bien connus ont été invités à présenter, le 23 mars dernier, une mise à jour en matière de services en français et de droits linguistiques.

Kelly Burke, ombudsman adjointe et commissaire aux services en français de l’Ontario, Mark Power, cabinet Juristes Power, et François Larocque, titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques, à l’Université d’Ottawa, ont signalé les évènements de la dernière année. Ce programme a été archivé et pourra prochainement être visionné à partir de la page des activités d’éducation en équité du Barreau.

Une plus grande reddition de compte

En présentant les grandes lignes de son Rapport 2019-2020, la commissaire Kelly Burke signale que le manque de planification adéquate de l’offre de services en français doit retenir l’attention immédiate du gouvernement.

commissaire aux services en français de l'Ontario
Kelly Burke

À cet égard, elle recommande que chaque sous-ministre dépose au Conseil exécutif un plan, que ces plans soient rendus public à partir du 1er  avril 2022 et que leur mise en œuvre fasse l’objet de mises à jour annuelles.

La commissaire note que le secteur de la justice est visé par un grand nombre de plaintes. Il s’agit principalement des tribunaux administratifs et non pas des tribunaux judiciaires.

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Tribunaux décisionnels Ontario, l’organisme qui chapeaute 14 tribunaux administratifs, a maintenant mis en place une politique sur les services en français afin d’assurer l’offre active des services en français dans tous les tribunaux sous sa responsabilité.

Kelly Burke indique également que la Commission du consentement et de la capacité et la Commission de la location immobilière ont bien accueilli ses recommandations.

Enfin, la commissaire conclut son rapport en mentionnant l’importance de l’engagement du gouvernement ontarien de procéder à la modernisation de la Loi sur les services en français:

« J’accueillerai avec grand plaisir l’opportunité d’être consultée par le gouvernement afin de partager mon expérience quant à la surveillance de l’application de la Loi. »

L’égalité réelle et un recensement adéquat des ayants droit 

L’avocat Mark Power retient de l’année 2020 deux importantes victoires. La première est celle de la cause Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique où la Cour suprême du Canada a décidé que l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés confère aux minorités linguistiques officielles le droit à une instruction de qualité équivalente à celle de la majorité.

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avocat
Mark Power

Les rédacteurs de la Charte ont imposé des obligations positives aux gouvernements provinciaux et territoriaux qui doivent être satisfaites en temps utile pour prévenir les risques d’assimilation et de perte des droits.

Maître Power est d’avis que le paragraphe 115 du jugement, qui traite de la nécessité d’avoir des enseignants bien formés, pose les assises d’un droit au post-secondaire en français, ce qui pourrait être plaidé dans des dossiers tels celui du Campus Saint-Jean ou de l’Université Laurentienne.

L’autre victoire est celle de l’annonce faite en juillet 2020 au sujet des modifications apportées au recensement de 2021 pour tenir compte des droits à l’instruction dans la langue de la minorité.

Il est anticipé que l’identification des personnes de toutes les catégories ayant un droit constitutionnel à l’école de la minorité mène à une augmentation fort importante de la clientèle des Conseils scolaires de langue française des provinces de common law.

Maître Power se prononce aussi sur le livre blanc consacré à la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il estime que la ministre Mélanie Joly mérite des félicitations pour ce qui est susceptible de devenir la plus grande réforme linguistique menée depuis 50 ans au Canada.

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Planctus et un projet communautaire pour une nouvelle loi    

Le professeur François Larocque est fier d’informer les participants de la nouvelle application Planctus qui permet de s’informer sur le statut des langues officielles dans plusieurs juridictions canadiennes et de porter plainte.

François Larocque
François Larocque

Il présente le projet de loi que la communauté propose pour remplacer la présente Loi sur les services en français. Ce projet répond à quatre priorités:

– garantir l’accès aux services en français partout en Ontario; 

– inscrire dans la loi le concept de l’offre active; 

– créer des mécanismes de reddition de compte pour les entités publiques;

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– rétablir l’indépendance du commissaire aux services en français et ajouter un droit de recours.

À quand le dépôt des projets de loi?

Présentement, la Chambre des communes est composé de 154 libéraux, 120 conservateurs, 32 Bloc Québécois, 24 NPD, 3 Parti Vert et 5 indépendants.

Étant minoritaire, le gouvernement a besoin de l’appui de députés de l’opposition pour faire adopter tout projet législatif. Le projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles sera-t-il adopté avant le déclenchement d’une élection générale?

Un porte-parole de la ministre Mélanie Joly m’informe que le gouvernement du Canada demeure engagé à moderniser et renforcer la Loi sur les langues officielles ainsi que les instruments connexes, afin qu’elle puisse continuer de bien servir les Canadiennes et les Canadiens.

«La ministre des Langues officielles a récemment présenté un document de réforme qui vise à assurer la pérennité de nos deux langues officielles et la vitalité de nos communautés de langues officielles en situation minoritaire. Tel que mentionné dans la lettre de mandat de la ministre Joly, nous demeurons engagés à déposer un projet de loi en 2021 pour moderniser et renforcer la Loi sur les langues officielles et mettre en œuvre les éléments législatifs.» 

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Du côté de l’Ontario, un porte-parole de Caroline Mulroney, la ministre des Affaires francophones, me confie qu’il n’est pas possible de confirmer des dates à ce moment-ci.

«L’objectif du gouvernement est de revoir la Loi sur les services en français d’ici la fin de son mandat. Le travail interne est bien entamé et se poursuit. La crise de la CoViD-19 ne change rien à la détermination du gouvernement mais pourrait avoir un impact sur le calendrier législatif ainsi que sur l’échéancier de travail que nous nous étions fixés.»

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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