Céline fut autant raciste qu’antisémite

Aristote Kavungu, Céline au Congo
Aristote Kavungu, Céline au Congo, essai, Montréal. Éditions du Boréal, 2024, 138 pages, 21,95$.
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Publié 11/09/2024 par Paul-François Sylvestre

Louis Ferdinand Auguste Destouches (1894-1961), mieux connu sous le pseudonyme Louis-Ferdinand Céline, a signé plusieurs ouvrages antisémites. Aristote Kavungu a lu et relu Céline pour nous montrer aussi le côté raciste de l’auteur, peu dénoncé par la critique. Il signe Céline au Congo pour mettre les pendules à l’heure.

Aristote Kavungu a aimé et détesté l’auteur de Voyage au bout de la nuit. Il n’écrit pas sur Céline, mais sur les réverbérations de ce que ce dernier a dit et écrit en son temps, «ce qui a été acclamé et aussi ce qui a été haï. Je vais écrire du point de vue d’un Noir.»

Raciste talentueux

Dès la première partie de son essai, Kavungu note à quel point Céline «crache, vomit et défèque avec un insolent talent. […] Il jette son dévolu sur tout un peuple ou toute une race avec une violence inouïe.» Faut-il distinguer entre l’auteur qui est un génie et l’homme qui dégoûte, entre l’excellent écrivain et le parfait salaud…?

Si la haine contre les Juifs pèse plus lourd que la négrophobie chez Céline, cela ne l’empêche pas, dans Voyage au bout de la nuit, d’affubler le Noir de qualificatifs qui vont de sauvage à bougnoule en passant par charognard, cannibale, gorille, voleur, cancre et analphabète.

Dans Bagatelles pour un massacre, le racisme demeure flagrant. Céline écrit: «J’aime pas les nègres hors de chez eux… c’est tout.» Kavungu répond: «C’est tout? Dont acte.» C’est un prélude romancé de «La France aux Français!»

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En Afrique oui, en Europe non

Céline à travaillé en Afrique, y a découvert sa vocation de médecin. Toujours dans Bagatelles, il écrit que, «en Afrique, les nègres sont des braves gens. Ici, ils me gênent, ils m’écœurent.»

Lorsqu’Aristote Kavungu étudie à Paris, Voyage est au programme et un ami lui fait remarquer que Céline n’est pas le seul antisémite de son époque. Il y a aussi, apprend-on, Montherlant, Maurras, Morand, Bernanos, Jouhandeau et même Gide.

Chez Céline, les Noirs sont interchangeables avec les Juifs. Même condescendance. Ce qui fait dire à Kavungu que le Juif et le Noir, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Dans Voyage et Bagatelles, le Noir en prend sérieusement pour son grade.

Le droit à l’aberration

L’analyse célinienne fait ressortir un écrivain excellent et salaud, talentueux et dégueulasse, génial et abject. «Et si Céline n’avait fat que tendre un miroir à ses compatriotes, un miroir qui pourrait leur renvoyer l’image d’une France raciste et antisémite?»

En conclusion, Kavungu demande simplement qu’on accorde à Louis-Ferdinand Céline le droit à l’aberration, Selon lui, «ce qui est dit sur les Noirs ou Nègres dans ses œuvres, y compris la plus célèbre d’entre elles, c’est-à-dire Voyage au bout de la nuit, n’est que de l’ordre des clichés…». C’est aujourd’hui tellement éculé qu’il ne faut pas s’en indigner.

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Ce livre d’environ 130 pages referme plusieurs digressions. Kavungu aime ouvrir des parenthèses philosophiques ou politiques et disserter sur des théories littéraires. Il prend aussi plaisir à ressasser ses souvenirs estudiantins en France.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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