Autant de masculinités que d’hommes

masculinité, Michaël Bergeron, Cocorico
Michaël Bergeron, Cocorico. Les gars, faut qu’on se parle, essai, Montréal, Éditions Somme toute, 2023, 224 pages, 25,95 $.
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Publié 25/02/2023 par Paul-François Sylvestre

Essayiste aguerri, Mickaël Bergeron lance un cri de ralliement en vue de remettre en question plusieurs normes et comportements concernant la masculinité. Son essai très documenté s’intitule Cocorico. Les gars, faut qu’on se parle.

Il a écrit ce livre pour «un homme blanc hétérosexuel».

Dès les premières pages, l’auteur affirme que les enjeux ne manquent pas, que ce soit l’image de la virilité ou de la paternité, l’idéal masculin dans le sport ou dans les forces armées, les attentes dans les relations amoureuses ou dans la sexualité, les rôles professionnels ou sociaux.

Pression sociale

L’auteur souligne que la pression sociale pousse plusieurs adolescents à changer leurs amitiés, leurs intérêts, leurs loisirs, leurs goûts, leurs tempéraments afin «de coller à l’image qu’on attend d’eux, celle d’hommes virils».

Dans un monde idéal, Mickaël Bergeron croit qu’il y autant de masculinités qu’il y a d’hommes. Pimpée à la testostérone et hyper virile serait aussi valide qu’androgyne ou efféminée.

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L’homosexualité et l’homophobie sont abordées brièvement. On peut lire que, dans l’imaginaire collectif, «un vrai gars, ça aime les femmes et qu’un gai, bien, ce n’est pas un vrai gars», du moins il ne représente pas vraiment LES gars.

La grosseur du pénis

Une petite note en bas de page fait remarquer comment «il est fréquent dans la culture populaire qu’un homme qui se fait agresser sexuellement par un homme se demande s’il est encore un homme».

La grosseur du pénis demeure encore un complexe en vogue, et ce, même si les sites de boutiques érotiques offrent le plus souvent aux femmes «de petits jouets pour avoir un maximum de plaisir».

Les hommes sont invités à questionner leur partenaire sur ce qui la fait jouir, sur ce qu’elle préfère. «C’est là que vous allez vous démarquer, pas sur le nombre de centimètres dans vos caleçons.»

Véhicules musclés

Certaines voitures sont évidemment plus masculines: Dodge Ram, Mustang, Jeep. Et on connaît bien l’expression québécoise «grosse corvette, petite quéquette». Les voitures deviennent une extension de la masculinité, «une façon d’affirmer sa virilité, au point d’en être parfois ridicule».

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Il est même question de masculinité dans la bouffe. Le steak, c’est mâle; le tofu, c’est féminin. PFK a déjà eu une publicité pour un nouveau poulet croustillant, dont le slogan était «manger comme un homme». Le gars dans la pub passait d’un jeune homme urbain à un bûcheron barbu après avoir pris une bouchée.

Au cinéma, on présente souvent les héros comme des hommes minces et les méchants comme des obèses. Parlant de l’aspect corporel, Mickaël Bergeron écrit que ceux qui ont une calvitie, qui ne sont pas grands, qui sont imberbes, qui ont la peau sur les os, sortent des normes de beauté masculine.

Masculinité toxique?

Les récentes accusations concernant des joueurs d’Hockey Canada ont porté l’organisme à utiliser l’expression «culture de comportements toxiques». L’auteur opte plutôt pour «culture du viol».

Pourquoi? Parce que, dans notre société, il y a des comportements et des valeurs qui banalisent trop souvent les agressions sexuelles. «Et quand une chose semble “normale” ou “pas grave”, ça lui ouvre la porte.»

Quand des personnalités comme Marcel Aubut, Gilbert Rozon, Éric Savail ou Harvey Weinstein ont été dénoncées sur la place publique, il y a toujours eu des gens pour dire que tout le monde le savait. Alors, pourquoi cette culture du silence?

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Selon l’auteur, il importe de «créer un climat où dénoncer ne vient plus avec des conséquences lourdes à porter. […] Il faut que la honte change de place, qu’on cesse de protéger les agresseurs.»

La balle est dans le camp des hommes

Mickaël Bergeron s’adresse souvent directement à ses lecteurs. Voici quelques exemples:

  • «Vous êtes tannés, dites-vous, chers hommes, que les femmes critiquent les hommes? Alors, la balle est dans votre camp pour faire votre propre autocritique. »
  • «On peut se prendre en mains, les gars. On peut faire mieux. Il faut faire mieux.»
  • «Les hommes, vous avez le droit de le souligner quand un commentaire est désobligeant, blessant, dénigrant, caricatural et basé sur des préjugés.»
  • «Gérez-vous, les gars, consultez, parlez-en à du monde, sortez les méchant dans un lieu fait pour ça.»

L’auteur prend trente chapitres (parfois truffés d’anecdotes un peu trop longues) pour démontrer qu’être un homme dans notre société assure certains privilèges… Mais que «le coût de l’injonction à la virilité et de la masculinité toxique sur la santé mentale et physique des hommes est élevé».

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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