Céduler et «to schedule»: attention aux glissements sémantiques!

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Publié 28/08/2020 par Michèle Villegas-Kerlinger

«Cédule» et «céduler» se trouvent bel et bien dans le Dictionnaire québécois-français de Lionel Meney, mais ils ne sont pas acceptés comme la norme du français au Canada au sens de «schedule» et «to schedule».

C’est ce qu’on appelle le «glissement sémantique», c’est-à-dire un glissement du sens original d’un mot ou d’une expression.

Donner un sens anglais à un mot français

Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de donner un sens anglais à un mot français. Pour commencer, prenons le mot français «cédule» et le mot anglais «schedule». Les deux termes se ressemblent, mais ont des sens différents. On dirait des «faux amis» dont il faut se méfier.

C’est lorsqu’on donne effectivement le sens d’un mot à un autre, sans vraiment s’en rendre compte, qu’on est en présence d’un cas de glissement sémantique.

La vraie définition du mot «cédule»

Selon le Centre national de ressources textuelles et lexicales, «la cédule» est un vieux mot pour désigner, entre autres choses, un écrit par lequel une personne prend un engagement, reconnaît une dette. Quant au mot «cédulaire», il fait allusion à ce qui est relatif aux cédules.

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Or, dès qu’il s’agit d’autre chose, comme un plan ou un programme il faut avoir recours à des expressions comme calendrieréchéancier, emploi du temps, horaire plan d’exécutionplan de travail,  prévisions, programme.

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Le programme des ateliers.

Grande variété d’équivalents français

Voici, pour le seul mot anglais «schedule», la grande variété d’équivalents français proposés par le Grand glossaire des anglicismes du Québec:

  1. annexe d’un contrat
  2. barème des tarifs, des intérêts, des salaires
  3. cadence d’un travail
  4. calendrier d’activités réparties sur une longue période de temps
  5. échéancier des délais à respecter au cours d’une activité quelconque
  6. emploi du temps d’une personne
  7. horaire de certaines activités qui ont lieu à l’intérieur d’un laps de temps réduit,
  8. ordre des départs, horaire des cars, indicateur des chemins de fer
  9. plan, programme de travail d’un projet
  10. prévisions de productions, qui déterminent le progrès d’un chantier
  11. programme des communications d’un colloque, activités d’un congrès, émissions de radio ou de télé, etc.
  12. rôle ou se trouvent inscrites les causes devant être entendues par un tribunal
  13. tableau des réservations dans un centre sportif, etc.
  14. tarif, barème qui indiquent les prix, les droits ou les coûts des services et des produits

Pas de mot passe-partout

Le choix dépendra naturellement du contexte, d’où la difficulté potentielle pour le ou la francophone d’ici: il lui faudra analyser la situation et préciser sa pensée. Un simple mot passe-partout comme «schedule» n’a pas d’équivalent dans la langue de Molière.

Pourtant, des solutions en français existent, comme nous venons de le constater, et il est important de les privilégier.

Voici encore d’autres exemples. Les expressions fautives «être en avance/retard sur la cédule» et «suivre la cédule» seront remplacées respectivement par avoir de l’avance/du retard, avoir pris de l’avance/du retard et par progresser comme prévu, être dans les délais/les prévisions/les temps.

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L’ordre des départs.

Le verbe «céduler», introuvable dans les dicos français!

Heureusement, il existe également une panoplie de termes français qui peuvent remplacer avantageusement «céduler», pseudo-verbe créé de toutes pièces. Encore une fois, le choix dépendra du contexte.

S’il s’agit de choses, on privilégiera des expressions comme ajouter à, établir le calendrier/l’horaire/le programme, fixer un rendez-vous, inscrire/placer au calendrier/à l’horaire/au programme, prévoir à l’horaire, programmer, etc.

Dans le cas de personnes, on préférera des tournures comme affecterdésigner qqn pour faire un travail à tel moment, devoir faire (quelque chose à telle heure), être de serviceetc.

L’expression fautive «être cédulé pour» peut être remplacé par les expressions suivantes, inspirées de l’ouvrage de Jean Forest:

  1. M. Martin doit prendre son service sous peu.
  2. L’émission est programmée pour samedi soir.
  3. La réunion est prévue pour cet après-midi.
  4. L’avion doit décoller/atterrir, est attendu à/annoncé pour 13h25.
  5. L’autocar doit partir à 23h35.
  6. Le rendez-vous est fixé à une heure très tardive.
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On fixe un rendez-vous.

Voici deux petits tests, inspirés de la Banque de dépannage linguistique de l’OQLF, pour ceux qui voudraient vérifier leurs connaissances. Les réponses suivent.

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Petit test numéro 1

  1. La cédule des parties de base-ball n’est pas finalisée.
  2. Voici la cédule de toutes nos activités.
  3. L’architecte n’a pas respecté notre cédule.
  4. Avez-vous une cédule des trains?
  5. Les travaux sont exécutés selon une cédule précise.
  6. J’ai une cédule chargée ce trimestre!

Réponses: 1. calendrier, 2. programme, 3. échéancier, 4. horaire, 5. plan de travail, 6. emploi du temps)

Petit test numéro 2

  1. Les animateurs ont cédulé plusieurs activités.
  2. Il faut céduler une visite guidée pour le musée.
  3. Il ne reste qu’à céduler ce nouveau cours.
  4. Voulez-vous céduler une rencontre pour la semaine prochaine?
  5. Tu devrais appeler chez le pédiatre pour céduler un rendez-vous.
  6. Vous êtes cédulé pour présenter le premier.
  7. Es-tu cédulé pour travailler ce soir?
  8. Nous en parlerons avec le personnel cédulé pour le quart de jour.
  9. Je n’arrive pas à céduler le paysagiste pour vendredi.

Réponses: 1. établi le calendrier des activités, 2. réserver, 3. inscrire au programme, 4 prévoir, 5. fixer, 6. Selon le programme, c’est à vous de présenter, 7. de service, 8. affecté, 9. faire venir… vendredi)

Sur une pente glissante

On pourrait se demander pourquoi il faut se méfier des glissements sémantiques. Après tout, il ne s’agit ici que d’un nom et d’un verbe. Malheureusement, le glissement de sens ne se limite pas aux seuls termes «cédule» et «céduler».

Le phénomène n’est pas nouveau et il semble gagner du terrain en Amérique du Nord et en Europe tout comme l’usage de l’anglais au Québec dans les entreprises privées et la fonction publique.

Cela commence par un mot, puis deux, avant de s’étendre à des expressions. Ensuite, c’est une phrase, un paragraphe et, enfin, tout un texte écrit, toute une conversation, une langue entière que l’interlocuteur sera incapable de comprendre s’il ne parle pas anglais. Ce ne sera plus du français, mais de l’anglais avec des mots français.

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De la perte d’une langue à la perte de sa culture et de son identité, il n’y a qu’un pas. Est-ce que ce n’était pas là ce qui a motivé la Révolution tranquille, et tout ce qui s’en est suivi au Canada, et fait du Québec, une société distincte et du Canada, un pays bilingue?

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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