À vos plumes, prêts, oulipo!

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Pour tuer le temps tout en peaufinant les compétences des enfants (et des grands) en écriture, voici des activités ludiques inspirées de l’Oulipo.
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Publié 05/05/2020 par Michèle Villegas-Kerlinger

Cela fera bientôt deux mois qu’on est en confinement en Ontario en raison de la pandémie de CoViD-19. En ce moment, on ne sait pas encore pour combien de temps nous serons obligés de rester à la maison ni à quelle vitesse s’effectueront les différentes étapes du déconfinement.

Depuis le début du mois d’avril, les élèves de la province suivent leurs cours en ligne à raison de 5, 10 ou 12 heures par semaine selon l’âge de l’enfant. Le ministère de l’Éducation a mis à la disponibilité de la population des sites web avec des activités et des cours pour les jeunes.

Mais, si la journée scolaire à la maison paraît moins longue qu’avant, et que les petits, et peut-être même les grands, cherchent des activités ludiques pour tuer le temps tout en peaufinant leurs compétences en écriture, pourquoi ne pas faire de l’oulipo?

L’ouliquoi?

Dans deux autres articles, j’ai parlé des ateliers d’oulipo animés par Anne Forrest-Wilson, qui a initié un petit groupe de personnes à l’univers oulipien. Selon oulipo.net,

«OU c’est ouvroir, un atelier. Pour fabriquer quoi? De la LI.

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LI c’est la littérature, ce qu’on lit et ce qu’on rature. Quelle sorte de LI? La LIPO.

PO signifie potentiel. De la littérature en quantité illimitée, potentiellement productible jusqu’à la fin des temps, en quantités énormes, infinies pour toutes fins pratiques.»

Donc, Ouvroir de littérature potentielle. Ce groupe fondé par Raymond Queneau, écrivain, et François Le Lionnais, mathématicien, a deux objectifs: découvrir de nouvelles potentialités du langage et moderniser l’expression grâce à des jeux d’écriture.

En combinant la langue et les maths, deux matières de base, et en les soumettant à différentes contraintes, on aboutit à des textes on ne peut plus originaux.

Comme il existe toutes sortes de contraintes linguistiques, je n’en mentionnerai que quelques-unes ici. La plupart sont tirées du livre Oulipo, L’Abécédaire provisoirement définitif publié sous la direction de Michèle Audin et Paul Fournel par les éditions Larousse en 2014.

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L’acrostiche

Un acrostiche est un poème dont les premières lettres de chaque vers, ou ligne, forment, à la verticale, un mot. D’habitude, il y a un lien entre ce mot et le reste du poème. En voici un exemple:

Averses qui tombent en abondance

Violettes et tulipes qui font leur apparence

Rivières gonflées qui sortent de leur lit

Inondations qui parfois font des folies

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Le printemps est arrivé, selon toute apparence.

Une variante de l’acrostiche est le mésostiche qui déplace le mot à la verticale au milieu des vers ou à la fin.

Le beau présent

Voici un beau cadeau qu’on peut faire à quelqu’un. On prend les lettres du nom de la personne de notre choix et on lui écrit un petit mot ou un poème en utilisant seulement les lettres de son nom.

Le bivocalisme

Le bivocalisme consiste à décrire une personne, une chose, un animal ou un endroit en limitant le choix des voyelles à deux seulement. Voici un extrait d’un poème d’Olivier Salon, docteur en mathématiques, avec «a» et «i»:

Paris

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Ah! Paris!

Fini, Paris? Jamais!

Ah, l’attirant Paris!

Paris paraît capital!

Paris ravit.

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Le caligramme

Selon Allo prof, un calligramme est «un poème dont la disposition graphique sur la page forme un dessin, généralement en rapport avec le sujet du texte. Le calligramme stimule l’imaginaire autant par son aspect visuel que par ses mots.» En voici un exemple de l’écrivain Guillaume Apollinaire dans son recueil Calligrammes:

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Le haïku

Le haïku traditionnel respecte trois règles simples. C’est un petit poème japonais de trois vers comptés 5, 7 et 5 pieds (syllabes). Le poème classique fait référence à la saison pendant laquelle le poète l’écrit (c’est le mot-clé*) et possède un mot-pivot** qui fait basculer le poème. Voici un haïku traditionnel du poète japonais Matsuo Basho:

Le printemps* s’en va

Pleurs** des oiseaux et poissons

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Les larmes aux yeux

Fidèles à eux-mêmes, les oulipiens prennent certaines libertés avec les règles strictes du haïku. Le nombre de pieds ou de vers et les thèmes peuvent varier d’un poète à l’autre comme en témoigne cet exemple du poète Frédéric Forte:

Dix-sept pieds toujours

Haïku immuable même

Quand les jours rallongent.

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L’holorime

Une holorime est faite de mots ou de vers qui ont le même son, mais pas le même orthographe ni le même sens. C’est comme un homonyme (deux mots qui ont la même prononciation et peut-être le même orthographe, mais pas le même sens comme dans «mots» et «maux») avec plusieurs mots. En voici un exemple de François Le Lionnais:

Hou! Lippe, eau!

Où lippe? Haut?

Houx lit peaux

Houle Lippo

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Où lit, pot.

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Une holorime

Le langage cuit

Un procédé assez loufoque, le langage cuit, dont il existe plusieurs variantes, consiste à prendre une expression du langage et de remplacer l’adjectif par son antonyme. Suit l’extrait d’un poème du poète Robert Desnos, qui a publié en 1923 un recueil de poèmes intitulé Langage cuit:

D’une voix noire (blanche)

D’une voix maigre (grosse)

M’a séduite

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Dans la nuit mince (épaisse)

Dans le jour des temps. (la nuit)

Le lipogramme

Invention qui ne date pas d’hier, le lipogramme est un texte qui s’écrit en éliminant une lettre. Voici un paragraphe d’un roman lipogrammatique en «e» de l’écrivain Georges Perec. Il s’intitule La Disparition:

Anton Voyl n’arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s’assit dans son lit, s’appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l’ouvrit, il lut mais il n’y saisissait qu’un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification.

La liste

Particulièrement ludique, la liste est exactement cela: une liste. Très facile à faire, on peut énumérer ses plats favoris, les matières à l’école, ses films ou livres préférés, etc. Voici un poème simple avec des couleurs:

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Rouge comme une tomate, un coq, un coquelicot, une pivoine

Bleu comme le ciel

Jaune comme un coing, un citron

Blanc comme neige, un linge, un drap

Noir comme l’ébène, le jais, un corbeau, un geai.

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Le sardinosaure

Pour cet exercice, on prend deux animaux, deux objets, deux endroits, etc. pour en faire un hybride, ou un mot-valise, que l’on s’amuse à décrire par la suite. Si on prenait, par exemple, les mots «Paris» et «Mississauga» pour créer «Parissauga», on parlerait de cet endroit imaginaire. Ou un chat et un cheval pourraient devenir un «chaval» et on décrirait cet animal inventé de toutes pièces.

Voici un exemple d’Olivier Salon où il parle d’un escargot et d’un goéland: l’escargoéland

Avec ses deux ailes

Qui traînent à terre

Comme des haltères

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Au bout de bretelles,

L’escargoéland

Jamais ne se presse:

Il sait que sans cesse

L’escargoéland.

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On apprend tout en s’amusant

Ces exercices ne sont pas forcément faciles, mais peuvent être amusants à faire et à lire. Ils ont le don de nous pousser hors de notre zone de confort et nous forcent à faire du remue-méninges.

En feuilletant un peu un Petit Robert ou un Larousse et un bon dictionnaire de synonymes et d’antonymes, on peut faire toutes sortes de belles découvertes tout en enrichissant notre vocabulaire.

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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