Changer de parti ou non: la foudre vient souvent d’anciens collègues

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Le député d’Acadie–Annapolis, Chris d’Entremont. Photo: page Facebook de Chris d’Entremont (archives Francopresse)
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Publié 14/11/2025 par Julien Cayouette

Chris d’Entremont est loin d’être le premier député à changer de parti politique en cours de mandat. Si d’anciens collègues et une partie de l’électorat peuvent ne pas digérer un changement d’allégeance, la réélection des transfuges n’est pourtant pas rare.

Le 4 novembre, jour du dépôt du budget fédéral, le député d’Acadie–Annapolis en Nouvelle-Écosse, l’Acadien Chris d’Entremont, a annoncé qu’il quittait le Parti conservateur pour se joindre au Parti libéral, qui occupe le pouvoir.

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Genevieve Tellier.

Le député a écrit que c’était à son avis la meilleure solution pour sa circonscription. «Le premier ministre Mark Carney propose cette voie par un nouveau budget qui répond aux priorités que j’ai le plus souvent entendues dans ma circonscription: bâtir des infrastructures communautaires fortes et bâtir une économie plus forte.»

Une raison crédible, selon la professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, Geneviève Tellier. «On va partir du principe que les députés veulent se faire réélire. M. d’Entremont est sans doute à l’écoute de sa population, entend des choses sur le terrain» et a conclu que c’était la meilleure option pour être éventuellement réélu.

Lors des dernières élections fédérales, le 28 avril 2025, toutes les autres circonscriptions de la province maritime ont été remportées par le Parti libéral. Chris d’Entremont a obtenu son siège sous la bannière conservatrice avec seulement 533 voix d’avance.

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Le cas d’Entremont: exemple unique ou symptomatique?

Lors d’une entrevue la semaine de son départ, Chris d’Entremont a dévoilé que d’autres députés conservateurs envisagent aussi à passer du côté libéral. Le style de leadership au sein du parti en serait la raison principale, a-t-il affirmé en entrevue à la CBC.

Pour l’instant, seul l’Albertain Matt Jeneroux a annoncé qu’il démissionnerait de son poste de député au printemps, mais qu’il siégerait comme indépendant d’ici là.

Chris d’Entremont a été élu à la Chambre des communes pour la première fois en 2019. Il est estimé de ses collègues de tous les partis. Il a été vice-président de la Chambre de 2021 jusqu’au début de 2025. Il a expliqué être un «red tory», soit un conservateur progressiste, après sa décision.

Selon une source proche du caucus libéral, le député acadien serait soulagé de ne plus faire partie du Parti conservateur du Canada.

D’après cette même source qui ne peut pas être identifiée parce qu’elle n’a pas l’autorisation de parler aux médias, Chris d’Entremont a été accusé de traîtrise par d’anciens collègues du Parti conservateur.

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Le 12 novembre, Pierre Poilievre a donné sa première conférence de presse après le départ de son ex-député. Il a blâmé Mark Carney et Chris d’Entremont pour la hausse des prix à l’épicerie en Nouvelle-Écosse.

Selon Geneviève Tellier, le chef du Parti conservateur a une réflexion à faire. «Pierre Poilievre n’a pas réussi à trouver le ton qui convient pour tous ses députés. Il devrait en tirer une leçon. Est-ce qu’il va le faire? C’est ça la question. Parce qu’il aurait dû tirer une leçon avec la dernière campagne électorale.»

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Le chef conservateur Pierre Poilievre. Photo: Eya Ben Nejm, archives Francopresse

Le choix de l’électorat

Dans la circonscription de Chris d’Entremont, les réactions de l’électorat à cette défection semblent partagées. Certaines personnes ne sont pas d’accord. D’autres croient que c’est la meilleure option du député pour servir sa population.

La population canadienne est divisée sur cette question. Un sondage en ligne de la firme Angus Reid dévoilait en 2018 que 42% des répondants et répondantes croyaient qu’il ne devrait pas être permis de changer de parti politique en cours de mandat, tandis que 41% déclaraient que la défection était acceptable.

Les critiques les plus sévères viennent souvent du parti politique abandonné. «On va leur dire [aux transfuges] qu’ils ont été élus sous la bannière conservatrice ou libérale. En changeant de parti, les électeurs n’ont pas voté pour ça», explique Geneviève Tellier.

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«Le contre-argument, c’est que dans notre système parlementaire, on ne vote pas pour un parti, on vote pour un candidat. Le candidat, après, va choisir qui va former le gouvernement. Il y a des gens qui votent pour le candidat, puis il y a des gens qui votent pour le parti», ajoute la professeure.

Une solution au mécontentement de l’électorat qui est couramment suggérée est celle de l’obligation de siéger à titre indépendant pendant un certain temps. Les personnes élues qui quittent un parti pour des raisons idéologiques le font parfois, comme Alain Rayes en 2022, lorsque Pierre Poilievre est devenu chef conservateur.

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Selon les données de la Bibliothèque du Parlement, 80 membres de la Chambre des Communes ont quitté leur parti au cours de 25 dernières années, soit pour en adopter un autre, soit pour siéger à titre indépendant. Photo: Julien Cayouette, Francopresse

Transfuges réélus

L’électorat ne tient pas toujours rigueur des changements d’allégeance quand un transfuge se présente à l’élection suivante. Scott Brison, autre député néo-écossais, en est un bon exemple.

Il s’est fait élire en 1997 et 2000 sous la bannière conservatrice. Après la fusion du Parti progressiste-conservateur et de l’Alliance canadienne pour créer l’actuel Parti conservateur du Canada en 2003, Scott Brison a décidé de se joindre au Parti libéral en affirmant que ce dernier reflétait davantage ses valeurs. Ce changement de camp ne l’a pas empêché d’être ensuite réélu comme libéral dans le comté de Kings–Hants à cinq reprises.

D’autres défections qui ont fait couler de l’encre n’ont pas entraîné de défaite par la suite. C’est le cas entre autres de Belinda Stronach, qui est passée des conservateurs aux libéraux en 2005.

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La libérale Leona Alleslev s’est jointe aux conservateurs en 2018 et a été réélue en 2019.

Jenica Atwin, première élue du Parti vert au Nouveau-Brunswick, a joint le Parti libéral en 2021 et a été réélue la même année.

Pour un poste de ministre

En quittant le Parti libéral pour entrer au Parti conservateur, David Emerson a créé plus de vagues en 2006. La circonscription de Vancouver Kingsway qu’il représentait a traditionnellement accordé plus de votes aux libéraux et aux néo-démocrates. Alors, son passage au Parti conservateur a créé la surprise.

En intégrant le parti dirigé par Stephen Harper, David Emerson a obtenu un poste de ministre. Le Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique a lancé une enquête. Il a finalement statué qu’aucune règle n’avait été enfreinte. David Emerson n’a pas tenté de se faire réélire en 2008.

– Avec des informations d’Inès Lombardo, Francopresse

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