Un roman où fiction et faits historiques font bon ménage

Luc Martel, L’Étranger de l’Isle-aux-Grues
Luc Martel, L’Étranger de l’Isle-aux-Grues, tome 2: Un rêve inachevé, roman, Montréal, Éditions Hurtubise, 2025, 328 pages, 26,95$.
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Publié 21/06/2025 par Paul-François Sylvestre

Eva et Frédérick sont de retour dans un second tome du roman L’Étranger de l’Isle-aux-Grues. Luc Martel les campe dans une intrigue qui se déroule au rythme des anses et des falaises plongeant dans le fleuve Saint-Laurent.

Nous sommes en 1947 et le bonheur de ce couple est menacé de toutes parts. Maintenant professeur de musique à l’Université Laval, Frédéric subit la pression d’un espion soviétique qui cherche à le contraindre à retourner dans son Allemagne natale.

Pour Eva, connaître la maternité demeure essentiel à son bonheur. L’épouse est heureuse d’avoir Frédéric à ses côtés, mais elle a davantage d’amour à donner. Luc Martel exploite ce filon pour farcir son roman d’intrigues douloureuses, pour ne pas dire criminelles. On assiste à la plénitude de porter la vie, puis à la peine énorme de voir tout s’effondrer.

Mensonges

La trame romanesque oblige Eva à mentir plus d’une fois. Si certains s’enfargent dans les fleurs du tapis, elle espère juste pouvoir s’habituer à ne pas trop s’enfarger dans ses menteries. Il faut dire que la jeune femme a de l’expérience puisqu’elle a réussi à cacher l’origine de son Allemand à tout le monde pendant des mois.

Le roman regorge de rebondissements spectaculaires. Frédéric, qui a connu la violence des nazis, sait que les hommes sont capables des pires atrocités en temps de guerre. «Seulement, il ne pouvait concevoir que, dans la vie de tous les jours, un individu utilise sa force physique pour terrasser une femme et la violer.»

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C’est souvent autour d’un repas que la parenté se serrent les coudes. À une de ces occasions, les femmes préparent «des darnes d’esturgeon assaisonnées de sel, de poivre et de salicorne séchée, ramassée sur les battures à marée basse».

Ébats amoureux

Nous avons droit à quelques ébats amoureux avant le mariage, où «la gêne et la pudeur initiales [font] place à une intimité parfaite… malgré les avertissements répétés du curé». Dans le cas des deux ados concernés, jamais il ne leur vient à l’esprit qu’ils commettent un péché grave.

Frédérick est un violoniste réputé, invité à se produire sur les plus grandes scènes tant au Québec qu’aux États-Unis. Lors d’un mariage, il a l’occasion d’interpréter La marche nuptiale de Mendelssohn et le Canon en ré majeur de Pachelbel.

Le curé, pour sa part, livre un sermon interminable sur la fidélité et les responsabilités des époux. «Eva tressaille lorsque l’homme en soutane évoque l’obligation d’obéissance de la femme, alors que l’époux n’est pas soumis à la même règle.»

Elle se demande combien de temps il faudra attendre pour que cette règle stupide soit abolie. Heureusement, Eva ne se sent pas concernée, car Frédéric n’a jamais exigé la soumission, «sachant fort bien qu’il serait vain d’essayer».

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Beaucoup de merde

Ce roman m’a appris pourquoi on ne souhaite pas bonne chance à un artiste avant son entrée sur scène; on lui dit plutôt Merde! Pourquoi? Selon le romancier, l’expression aurait commencé à être utilisée au siècle dernier lorsqu’on se déplaçait à cheval ou en calèche.

«Si un concert ou une pièce de théâtre connaissait un certain succès et que l’achalandage devant la salle était si grand, il y avait inévitablement beaucoup de crottin de cheval dans la rue. Alors, depuis ce temps, les artistes se souhaitaient beaucoup de merde.»

Le style de Martel est souvent coloré. Lorsqu’une pente est abrupte, il écrit: «ça monte comme dans le front d’une bœuf». Il joue parfois sur les mots, notamment lorsque monsieur Beaulieu baptise son bateau Le Beau Lieu, en référence à l’Isle-aux-Grues, «un beau lieu pour vivre».

D’une plume évocatrice, Luc Martel entremêle fiction et faits historiques méconnus avec brio pour peindre des tableaux savoureux, où les émotions fortes se mêlent aux embruns marins du Saint-Laurent.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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