Quand le Collège Massey sensibilise les anglophones aux défis des francophones

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Une discussion au Collège Massey avec Jacques Charette, Cynthia-Laure Etom, Eunice Boué et Sandhya Mylabathula. Photos: Soufiane Chakkouche, l-express.ca
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Publié 10/03/2025 par Soufiane Chakkouche

Le 6 mars dernier, en marge du mois de la Francophonie, l’Université de Toronto, via le Collège Massey, a organisé une conférence visant à construire des passerelles entre les communautés francophones et anglophones, tout en favorisant une meilleure compréhension de la part des seconds s’agissant des défis actuels auxquels font face les premiers.

Une fois n’est pas coutume à Toronto, on cause effet positif du français sur la communauté anglophone. Mieux que cela, l’initiative provient d’une anglophone en la personne de Sandhya Mylabathula, à la tête de la programmation française au Collège Massey et récemment nommée ambassadrice de la francophonie des Amériques.

«En tant qu’anglophone, j’ai appris le français et j’avais de la difficulté à trouver des activités et des évènements en français. Alors, une fois j’ai eu l’opportunité de faire quelque chose à mon échelle, j’ai invité des experts et des leaders francophones pour avoir des discussions importantes comme c’est le cas aujourd’hui», se rappelle-t-elle.

Et des leaders francophones, ce n’est pas ce qui manquait à cet évènement. Marco Fiola, principal du Collège Glendon, Geneviève Grenier, présidente du conseil scolaire MonAvenir, Eunice Boue, nouvelle directrice générale du Salon du livre de Toronto, Nicolas Haddad, animateur du matin à Radio-Canada… pour ne citer que ceux-là.

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Carl Bouchard, Geneviève Grenier, Sandhya Mylabathula, Marco Fiola.

Rassembler pour mieux comprendre

«C’est sûr que, quand l’initiative vient d’un(e) anglophone qui est francophile c’est encore plus merveilleux, dans le sens où cette personne anglophone de naissance comprend à quel point la langue française est fantastique et veut maintenant travailler avec nous pour s’assurer qu’elle s’épanouisse», se réjouit Geneviève Grenier.

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Une réjouissance partagée par le principal du Collège Glendon. «Bien sûr qu’on devrait avoir plus d’initiatives de ce genre, parce que ce qu’on met en opposition, ce sont les deux plus grandes communautés linguistiques du Canada.»

Et de Sandhya Mylabathula de compléter: «J’aime beaucoup cette idée de rassembler les deux communautés francophone et anglophone pour apprendre l’un de l’autre et apprécier les différentes cultures et comprendre les défis de chacune, c’est comme cela qu’on peut vivre et apprécier la diversité.»

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Une discussion avec Marco Fiola, Geneviève Grenier, Leorrianne Lim et Sandhya Mylabathula.

Un sentiment d’insécurité linguistique largement partagé

Trois tables rondes bien garnies proposaient de «naviguer dans l’insécurité linguistique: «les défis de la vie en tant que minorité de langue officielle»; «favoriser l’excellence francophone: opportunités d’engagement linguistique et culturel en français»; «briser les barrières: un panel interactif sur les défis liés à l’accès aux services de santé, juridiques et communautaires».

«L’insécurité linguistique, on connaît bien à Glendon, car toute la communauté, étudiants comme employés, vit avec ce sentiment qu’elle essaie de combattre au jour le jour, car nous devons parler toujours dans une langue officielle ou une autre», admet Marco Fiola.

Même constat du côté de MonAvenir. «J’ai la cause de l’insécurité linguistique très à cœur, parce qu’on le vit et on le voit à travers nos élèves et dans nos écoles», confirme Geneviève Grenier. «Je veux m’assurer que ces derniers, ainsi que les travailleurs de demain, puissent se sentir à l’aise dans la langue de leur choix.»

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La juge Julie A. Thorburn.

Les juristes francophones ne courent pas les cours

Toutefois, si le thème de l’insécurité linguistique était au cœur des interventions, c’est le pan juridique qui a suscité le plus d’interactions avec le public quant aux difficultés à avoir accès aux services en français dans ce secteur.

«C’est un problème pour tout le monde, mais c’est pire lorsqu’on est francophone, parce qu’il y a beaucoup moins de juges et d’avocats francophones», lance Julie A. Thorburn, juge auprès de la Cour d’appel de l’Ontario, chercheuse principale au Collège Massey et coorganisatrice de cet événement.

«On a essayé de faire des choses pour améliorer cela, comme le fait d’avoir mis des personnes parlant français dans chaque comptoir du palais de justice, mais c’est toujours la même rengaine, la personne est malade, la personne n’est pas là aujourd’hui et j’en passe, parce qu’il y a seulement une personne au comptoir et on est chanceux de l’avoir. C’est un défi permanent», renchérit-elle.

Même son de cloche chez sa collègue, Angela Ogang, une des rares avocates bilingues exerçant à Toronto. «Les financements devraient aller dans le recrutement d’avocats et de professionnels bilingues pour pouvoir servir cette population francophone, tout en dépensant plus d’argent dans la sensibilisation.»

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L’avocate Angela Ogang.

Ressources humaines

Quant au commissaire aux services en français de l’Ontario, Carl Bouchard, le verbe est plus retenu, mais le sens demeure. «Les ressources humaines sont toujours un point critique concernant l’offre des services en français», dit-il.

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«La loi existe, les obligations sont là, mais ça prend des gens derrière ça pour offrir le service et ça prend des gens aussi pour l’utiliser. Évidemment, plus on a une capacité de pouvoir offrir le service en français, meilleure serait sa qualité.»

Cependant, si le langage peut différer en polissure, les chiffres, eux, parlent d’une seule voix, celle de l’insuffisance.

En effet, selon le dernier rapport du portrait statistique des avocats en Ontario élaboré par le Barreau de la province, ils seraient 2993 avocats s’identifiant comme francophones… dont seulement 1722 pouvant fournir des conseils juridiques, mais pas agir comme représentants. C’est une goutte d’eau dans l’océan des besoins francophones de la province qui, pour rappel, compte quelque 600 000 citoyens.

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