Roman épistolaire: presser le jus d’une substantifique complicité

Valérie Chevalier et Matthieu Simard, Presse-jus
Valérie Chevalier et Matthieu Simard, Presse-jus, roman, Montréal, Éditions Hurtubise, 2024, 208 pages, 22,95 $.
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Publié 22/01/2025 par Paul-François Sylvestre

Hugo écrit une lettre au père Noël au nom de son fils Noah. Pauline, la bénévole de Postes Canada, lui répond en se faisant passer pour une lutine. Rien de bien particulier comme situation, sauf qu’il s’ensuit une correspondance entre Hugo et Pauline pendant plus d’un an, consignée dans le roman épistolaire Presse-jus de Valérie Chevalier et Matthieu Simard.

Correspondance

Hugo est traducteur. Pauline est infirmière. Leur échange de lettres pendant quatre-cent-cinq jours se fait dans un contexte de distance, de non-rencontre, et cela change la donne, ouvrant la porte (ou l’enveloppe) à la confiance, à la vérité, à la transparence.

«Elle est étrange, cette intimité qui évolue à travers nos lettres», écrit Pauline. «Cette proximité, exclusivement émotive, a quelque chose d’apaisant.» Et Hugo de répondre: «T’écrire me fait du bien. Te lire aussi.»

Une des grandes qualités de cette correspondance réside dans le fait que Pauline et Hugo ne se retiennent pas de dire la vérité.

Pauline termine une lettre en affirmant à Hugo: «Tu ne te révèles probablement jamais autant que dans les lettres que tu m’écris.» Pour sa part, elle a le don de chambouler toutes les habitudes de son correspondant.

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Émotions en suspension

Une lettre peut exprimer un sentiment intense, mais avec le temps que met Postes Canada à livrer le courrier, il y a toujours «trois-quatre-jours-en-retard-sur-l’émotion-du-moment». Cela ne nuit en rien à l’écoute et à l’empathie, dès lors mises en exergues.

Plusieurs lettres incluent un P.S., parfois un P.P.S, voire une P.P.P.S. C’est l’occasion de glisser un jeu de mot, de lancer un défi, de faire une moquerie ou de brasser la cage.

Entre les confidences sur le présent et les révélations sur le passé, une relation singulière se développe parce que l’un et l’autre se laissent prendre au jeu de la vulnérabilité.

À travers ces échanges se dessinent deux personnages attachants et complexes, drôles et fragiles. Deux êtres que tout sépare, mais qui se retrouvent unis par la puissance des mots et l’intensité de l’écriture.

Presse-jus

Pauline est une éternelle optimiste. Elle aime dire «quand la vie te donne des citrons, fais de la limonade».

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Est-ce là l’origine du titre du roman, Presse-jus ? Non, il renvoie à la traduction que Hugo fait d’un manuel d’instruction d’un presse-jus. Par analogie, les lettres ont pour effet de presser la substantifique moelle d’une complicité.

Pauline a rarement autant chéri une relation parce qu’elle est sincère, intime et lumineuse. «C’est aussi une de mes relations les plus saines, parce qu’elle est enivrante, simple, prenante sans être intrusive, périphériquement centrale; à la fois joyeusement assortie et pleinement dépareillée.»

La dernière lettre sera-telle placée dans une enveloppe avec timbre ou portée en main propre…?

Complicité

Amalgamant leurs deux plumes empreintes de la poésie du quotidien, Valérie Chevalier et Matthieu Simard offrent une plongée dans une relation épistolaire, fruit du plus complet des hasards.

On voit deux êtres, que tout sépare a priori, se découvrir et s’apprivoiser pour laisser naître une complicité sans pareil.

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Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

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