Les femmes avec plus de testostérone réalisent de meilleures performances sportives?

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Quel avantage sportif peuvent procurer aux femmes des niveaux de testostérone supérieurs à la moyenne? Photo: iStock.com/photosbyjim
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Publié 10/11/2024 par Kathleen Couillard

Aux Jeux olympiques de Paris cet été, les compétitions d’athlétisme ont été interdites à certaines athlètes en raison de leur taux élevé de testostérone. Il est difficile de déterminer ce qui constitue un taux normal chez les femmes.

Faits à retenir:

– Les normes officielles ont varié dans le temps.

– Il y a aussi de grandes variations chez les hommes.

– Les études qui ont tenté de mesurer la performance sportive laissent à désirer.

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Les femmes aussi produisent de la testostérone? Vrai.

Chez la femme, ce sont les ovaires et les glandes surrénales qui produisent la testostérone, peut-on lire sur le site de l’École de médecine de l’Université Harvard. Cette hormone a des effets sur la reproduction et joue un rôle dans le fonctionnement des ovaires.

La testostérone aurait également un impact sur la solidité des os et les comportements sexuels. Elle influence aussi l’humeur et les comportements, ajoutait en 2019 le biologiste Daniel Kelly, de l’Université de Sheffield Hallam au Royaume-Uni.

D’ailleurs, des niveaux trop bas de testostérone pour une femme peuvent provoquer des problèmes comme une baisse de libido, des os plus fragiles, des difficultés de concentration et des troubles dépressifs.

De faibles quantités sont également associées à un plus grand risque de maladies cardiaques, de diabète et d’obésité, autant chez les femmes que chez les hommes.

Des normes qui ont varié dans le temps? Vrai.

Dans les épreuves de course comme le marathon, le 1000 m et le 100 m, les hommes ont généralement des résultats supérieurs aux femmes de 10 à 12%, lit-on dans une recherche récente sur les impacts du sexe sur la performance.

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C’est cet écart qui, historiquement, a justifié de séparer les hommes des femmes dans les compétitions, rappelait en 2014 le Tribunal arbitral du sport dans un jugement sur l’éligibilité des athlètes féminines.

World Athletics, la fédération sportive internationale chargée de régir les fédérations nationales d’athlétisme, attribue cette supériorité à la testostérone. C’est pourquoi l’organisme a établi un seuil maximal pour les femmes participant aux épreuves féminines.

En 2011, il était de 10 nmol/L (nanomoles par litre), puis il a été abaissé à 5 nmol/L en 2018. Cette limite pour les femmes s’appliquait alors seulement pour le 400 m, le 400 m haies, le 800 m, le 1500 m et le 1000 m.

Cependant, depuis 2023, la régulation stipule que les femmes avec des «variations du développement sexuel» doivent avoir un taux de testostérone inférieur à 2,5 nmol/L. Ce règlement est désormais en vigueur pour toutes les épreuves d’athlétisme.

De grandes variations chez les hommes aussi? Vrai.

Pendant l’enfance, les niveaux de testostérone sont les mêmes chez les garçons et chez les filles, résumait en 2018 une équipe de chercheurs sous la direction de Stéphane Bermon, membre du département de science et médecine de World Athletics.

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Après la puberté, la quantité chez les jeunes filles augmente pour atteindre un sommet entre 20 et 25 ans. Il reste toutefois en général sous la barre des 2 nmol/L. Les hommes produisent pour leur part environ 15 fois plus de testostérone qu’une femme, ajoutaient alors ces scientifiques.

Toutefois, les experts ne s’entendent pas sur ce qui constitue un niveau normal de testostérone chez les hommes et chez les femmes.

Par exemple, en 2014, une équipe de chercheurs sous la direction de Peter Sonksen, professeur au King’s College de Londres, a analysé le profil endocrinien de 693 athlètes (454 hommes et 239 femmes). Ils ont observé que les profils de testostérone des hommes et des femmes pouvaient occasionnellement se chevaucher. Ainsi, 13,7% des femmes étudiées avaient un taux supérieur à 2,7 nmol/L et 16,5% des hommes, un taux inférieur à 8,4 nmol/L.

Les résultats diffèrent dans la revue de la littérature réalisée par l’équipe de Stéphane Bermon en 2018. La concentration de testostérone chez les hommes varierait de 7,7 nmol/L à 29,4 nmol/L alors que chez les femmes, elle se situerait plutôt de 0 à 1,7 nmol/L.

Ces conclusions opposées s’expliquent en partie par le fait que ces équipes de chercheurs ne s’entendent pas sur les meilleurs moments pour mesurer les taux de testostérone. Au repos ou après une compétition? Ni sur les techniques à utiliser: spectrométrie de masse ou immunoessai? Ni sur les individus à étudier: population en général ou athlètes d’élite?

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Des causes variées? Vrai.

Par ailleurs, une femme peut avoir un taux élevé de testostérone en raison d’une condition médicale qui entraîne une production excessive d’hormones typiquement masculines. C’est ce qu’on appelle l’hyperandrogénie, expliquaient en 2019 des médecins de Salt Lake City. La principale cause est le syndrome des ovaires polykystiques.

Plus rarement, certaines femmes peuvent être touchées par une variation du développement sexuel.

Par exemple, certaines ont bien deux chromosomes X, mais ont une production anormale de testostérone, mentionnaient en 2020 des auteurs américains dans un article portant sur les athlètes féminines avec des variations du développement sexuel. C’est le cas des femmes qui souffrent d’hyperplasie congénitale des surrénales.

Au contraire, certaines femmes sont porteuses d’un chromosome X et d’un chromosome Y (caractéristique première des mâles chez les mammifères), mais une mutation dans leurs gènes affecte la synthèse de la testostérone, ce qui perturbe la formation des organes génitaux pendant le développement dans l’utérus.

D’autres femmes peuvent avoir une insensibilité aux androgènes. Cela signifie que même si une quantité élevée de testostérone est produite, le corps n’y répond pas, ou seulement en partie.

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Dans les deux cas, ces femmes ont des organes génitaux d’apparence féminine à la naissance, malgré le fait qu’elles ont un chromosome Y.

La testostérone affecte la performance sportive? Incertain.

Le rôle de la testostérone dans la performance athlétique n’est pas encore bien compris.

D’une part, il est connu que la prise de suppléments de testostérone à des fins de dopage améliore les résultats sportifs.

Cependant, les données sont beaucoup moins claires pour la testostérone produite naturellement, soulignaient en 2024 les auteurs de l’article sur les impacts du sexe sur la performance. D’ailleurs, dans son jugement de 2014, le Tribunal arbitral du sport concluait que World Athletics ne disposait pas d’assez de preuves pour appuyer sa réglementation.

Pour répondre à cette critique, World Athletics s’est basé sur un article publié en 2017 par Stéphane Bermon et son équipe. Selon cette étude, les athlètes féminines étudiées qui se trouvaient dans le tiers le plus élevé pour la production de testostérone avaient de meilleures performances au 400 m, au 400 m haies, au 800 m, au lancer du marteau et au saut à la perche, que celles dans le tiers inférieur. Leurs résultats étaient supérieurs de 1,78% (800 m) à 4,53% (lancer du marteau).

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L’étude a toutefois été beaucoup critiquée.

Tout d’abord, la professeure de droit à l’Université Dalhousie, Maria Dugas, lui a reproché son apparence de conflit d’intérêts puisqu’elle a été effectuée par des chercheurs payés par World Athletics.

Par la suite, deux équipes de scientifiques indépendants (Franklin, 2018 et Sonksen, 2018) ont noté plusieurs problèmes d’un point de vue statistique. Mais les données brutes n’étant pas accessibles, il a été impossible pour ces équipes de reproduire les résultats.

En réaction, Stéphane Bermon et son équipe ont refait certaines analyses statistiques dont ils ont publié les résultats en 2018. L’écart de performance a été réévalué entre 2,1 et 2,29%. Cependant, en 2019, des chercheurs qui ont eu accès à une partie des données ont noté que de 17 à 32% de celles-ci contenaient toujours des erreurs. Ils ont demandé à ce que l’article de 2017 soit rétracté.

Selon le Tribunal arbitral du sport, un avantage de 1 à 3% est marginal, puisque plusieurs autres facteurs peuvent influencer la performance athlétique.

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Les chercheurs américains qui s’étaient intéressés à l’impact du sexe sur la performance en 2024 soulignaient eux aussi que plusieurs facteurs physiologiques influencent la façon dont les muscles réagissent à l’activité physique.

De plus, des facteurs socioculturels peuvent limiter les possibilités d’entraînement et de compétition et donc, avoir un impact sur les performances féminines. C’est d’ailleurs en partie ce qui explique que les performances des femmes se soient améliorées plus rapidement que celles des hommes dans les 100 dernières années, au fur et à mesure que les barrières à la pratique diminuaient pour elles.

Auteurs

  • Kathleen Couillard

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

  • Agence Science-Presse

    Média à but non lucratif basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada.

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