Patriotisme nourri de fanatisme

patriotisme, Pauline Vincent, La Femme de Montréal
Pauline Vincent, La Femme de Montréal, suspense historique, Montréal, Édition Alire, 2024, 310 pages, 27,95 $.
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Publié 23/11/2024 par Paul-François Sylvestre

Difficile cohabitation entre francophones et anglophones, place des femmes dans des métiers traditionnellement masculins, patriotisme exacerbé menant au racisme et à la xénophobie, autant de thèmes abordés par Pauline Vincent dans La Femme de Montréal. Son suspense historique s’inspire d’une période phare de l’histoire du Québec des années 1930.

Montréal, 1934: Kill the frogs! Kill the pea soup! Ces cris d’injures envers les Canadiens français (qualifiés de grenouilles et de soupe aux pois) demeurent monnaie courante. Ils sont source d’une «certaine paranoïa mêlée à une haine grandissante de l’Anglais».

Société secrète

C’est dans ce contexte que l’Ordre de la Patrie, société secrète et misogyne, recrute des Canadiens français et catholiques dignes d’être appelés «frères». On pense évidemment à l’Ordre de Jacques-Cartier, alias La Patente, dont le rituel initiatique et la structure de commanderie sont repris ici.

La femme dont il est question dans le titre du roman est Claude Dufresne qui se travestit en homme sous le nom de Claude Dumesne. Son alter ego masculin porte «perruque et moustache à la Clark Gable, lunettes cerclées d’or, un feutre à la Gary Cooper, un costume de serge légèrement glacé par l’usure, un nœud papillon et des souliers noirs en cuir verni».

Berné par le déguisement, le quotidien La Laurentie l’engage. Claude n’est au journal que depuis peu quand un collègue l’approche et l’invite sans détour à participer à la réunion de l’Ordre de la Patrie.

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Dufresne-Dumesne découvre «un monde mystérieux et étrange, aux tentacules innombrables et inconnus». L’identité du grand commandeur demeure un secret bien gardé.

Affaire de mœurs

Curieusement, on perd de vue Claude pendant plusieurs chapitres.

La romancière décrit plutôt diverses intrigues, dont une affaire de mœurs impliquant un haut gradé de l’Ordre, qui a une soif inépuisable d’«exploits sexuels avec des mineures». Lorsqu’un frère menace de rendre public ce scandale, il est vite muselé car ce frère est «une tapette qui s’envoie en l’air avec de jeunes prêtres et des dignitaires».

Revenons à Claude et à l’image d’une femme forte, excitée par des situations où elle taquine le danger. Son but est de découvrir l’identité du grand commandeur de l’Ordre, peu importe «la route chaotique tracée par son désir effréné de vérité».

Rien n’est à l’épreuve de Claude pour qui une menace devient un stimulant. L’enquête menée pour le compte de La Laurentie donne des résultats insoupçonnés: pouvoir et imposture sur une toile de fond de liaisons sexuelles interdites.

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Au nom du patriotisme

Les moyens douteux employés par l’Ordre pour réaliser un soi-disant grand projet de société estomaquent Claude: «l’obsession du secret, l’infiltration, l’intimidation, le boycottage, l’antisémitisme, la méfiance, le chantage, la délation, la misogynie, etc.»

Avec La Femme de Montréal, Pauline Vincent nous fait patauger dans un monde où mystification, trahison et fanatisme sont permis au nom du patriotisme.

Le complot mis à jour par Claude donne froid dans le dos. En se rappelant le contexte de la montée du fascisme européen d’entre-guerres, on ne peut faire autrement que de se demander: et si c’était arrivé ici?

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

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