Dany Laferrière écrit pour oxygéner l’esprit

Dany Laferrière, Un certain art de vivre
Dany Laferrière, Un certain art de vivre, autoportrait, Montréal, Éditions du Boréal, 2024, 144 pages, 22,95 $. Une statue de Dany Laferrière, par Roger Langevin, à l'extérieur de la Grande Bibliothèque de Montréal. Photo: Roger Langevin, Wikimedia Commons
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Publié 18/09/2024 par Paul-François Sylvestre

À travers des notes tour à tour joyeuses, tristes ou absurdes, Dany Laferrière nous offre un autoportrait naïf comme un dessin d’enfant. Vingt courts chapitres en prose poétique décrivent Un certain art de vivre. Ce livre lui «aura pris plus de temps qu’aucun autre».

Plusieurs pages renferment trois textes qui font à peine quinze ou vingt lignes au total. Peut-être l’auteur a-t-il voulu nous laisser le temps de respirer-méditer. Ce fut souvent pour moi une occasion de m’interroger sur le sens de l’écriture.

Identité changeante

Chaque chapitre décrit un certain art: celui de vivre à l’horizontale, de s’angoisser, de rebrousser chemin, de vivre dans un monde oublié, de nager dans l’encrier, d’être nu dans une baignoire rose, etc.

Laferrière se dit qu’Ovide réclame un copyright sur l’amour, Homère sur la guerre, Dante sur l’enfer, Euripide sur la vengeance, Rabelais sur la goinfrerie. «Il n’y a pas un seul sujet intéressant qui ne soit déjà pris. Alors, on danse?»

Quand on souligne, en fin de compte, qu’il écrit que sur l’identité, Laferrière répond: «Je n’écris que sur moi. / N’étant pas toujours le même.»

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Clairvoyance

La brièveté des strophes a souvent l’effet de nous interpeler. En voici un exemple: «Lire n’est pas nécessaire pour le corps. / Seul l’oxygène l’est. / Mais un bon livre oxygène l’esprit.»

Parfois une strophe nous surprend par sa clairvoyance. Cela est manifeste dans ces trois vers: «Il est impossible de répéter une idée / car on ne le fait jamais une deuxième fois / pour la même raison.»

Je ne sais pas si j’ai trop cherché des allusions sexuelles, mais toujours est-il que le théorème d’Archimède s’y est prêté. Laferrière estime que «tout corps plongé dans l’eau reçoit une poussée verticale de bas en haut» paraît assez érotique pour jeter un physicien en herbe dans les affres du désir.

Charlier Parker, jazzman saxophoniste américain, ramène Laferrière à la Nouvelle-Orléans et en fait «un Nègre nostalgique». Paraît que seul un Noir peut s’approprier le mot en N.

Les insomniaques s’amusent

J’ai toujours un livre sur ma table de chevet et une plume pour souligner ce que je partagerai avec les lecteurs de L’Express. Au beau milieu de la nuit, je m’assois pour lire un ou deux chapitres. Laferrière m’a appris qu’«on n’est pas insomniaque si on aime lire».

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Ce traité sur l’art de vivre prend fin avec un aveu mûri de longue date. «Au début, je croyais que mes livres venaient de moi pour découvrir enfin que je viens de mes livres.»

Né à Port-au-Prince en 1953, Dany Laferrière a été baptisé Windsor Klébert en hommage à son père. Dany est un pseudonyme. On lui doit plus de trente-cinq ouvrages. Il a été élu à l’Académie française en 2013.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • Francopresse

    Le média d’information numérique au service de la francophonie canadienne, qui travaille de concert avec les journaux membres de Réseau.Presse.

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