Les heures sont-elles comptées pour la Prestation canadienne d’urgence?

La PCU a été cruciale pour assurer la sécurité financière des travailleurs des secteurs les plus touchés par la crise économique liée à la pandémie: restauration, tourisme, hôtellerie, arts et spectacles. Photo: Nathan Dumlao, Unsplash
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Publié 22/07/2020 par Bruno Cournoyer Paquin

Le ministre des Finances, Bill Morneau, confirmait récemment que le gouvernement envisageait de revoir les mesures d’aide financière mises en place dans le contexte de la CoViD-19, dont la populaire Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2 000 $ par mois.

«La PCU va diminuer, la subvention salariale va augmenter et le système d’assurance emploi va recommencer à supporter les gens.»

La PCU a été cruciale pour assurer la sécurité financière des travailleurs des secteurs les plus touchés par la crise économique liée à la pandémie: restauration, tourisme, hôtellerie, arts et spectacles. Et ces industries sont loin d’avoir retrouvé leur erre d’aller.

Jean-René Dumas

La SSUC

Le gouvernement a donné suite à l’annonce du ministre Morneau en déposant le 20 juillet le projet de loi C-20, qui vise entre autres à élargir l’admissibilité à la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC).

Les entreprises qui ont perdu moins de 30% de leur chiffre d’affaires y seraient maintenant admissibles, alors que la subvention salariale versée aux entreprises plus durement touchées serait bonifiée.

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Lors des débats sur le projet de loi C-20 qui ont eu lieu à la Chambre des communes, le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet et le député conservateur Pierre Poilievre ont tous deux souligné que la PCU constituait un obstacle au retour au travail, donc à la reprise économique.

La ministre Mona Fortier, prenant la parole en Chambre pour le gouvernement, a indiqué que la PCU se poursuivrait jusqu’au mois d’août, mais qu’à partir de ce moment, le gouvernement consacrerait «davantage d’énergie sur la subvention salariale», la SSUC.

David Cyr-Bergeron

Restauration et tourisme

L’importance de la PCU pour les travailleurs de l’hôtellerie et du tourisme est «énorme» selon Jean-René Dumas, secrétaire archiviste de la section locale 9400 du Syndicat des Métallos. Lorsque la crise a frappé, «90% de nos membres se sont retrouvés sans emploi».

David Cyr-Bergeron, président de la Fédération du commerce de la CSN (FC-CSN), souligne que les travailleurs de l’hôtellerie et de la restauration «ont été le plus durement et le plus rapidement affectés par les fermetures» des entreprises, et que la PCU leur a permis de «continuer à avoir un revenu et à pouvoir vivre».

Arts et spectacles

Le milieu du spectacle a également été fortement impacté.

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«Du jour au lendemain, les artistes et tout le secteur culturel, artistique ont été foudroyés. Plusieurs artistes ont perdu leur revenu annuel d’un seul coup», fait valoir Philippe Beaulieu, président de l’Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick (AAAPNB).

Philippe Beaulieu

La PCU est d’autant plus essentielle pour les travailleurs de la scène «parce qu’il n’y a pas d’autre filet social pour les artistes, puisqu’ils n’ont pas accès à l’assurance chômage. La plupart des emplois sont contractuels, à la pige, ce sont des travailleurs autonomes», explique France Boily, présidente de l’Association des théâtres francophones du Canada (ATFC).

Déficit décuplé

De plus, selon la mise à jour économique du gouvernement fédéral, la reprise sera «graduelle et inégale» et plusieurs secteurs de l’économie — incluant le voyage aérien, la restauration et l’hôtellerie — ne reprendront pas au même rythme que le reste de l’économie.

Jerry Dias

Pour cette raison, dit Jerry Dias, président national d’Unifor, «il n’y a aucun doute dans mon esprit que la PCU a besoin de continuer […] Les lignes aériennes, les hôtels, les casinos, les cinémas ne vont pas revenir en force», d’autant plus si on voit une deuxième vague de la pandémie.

Selon Jean-René Dumas, du Syndicat des Métallos, certains employeurs de l’hôtellerie et du tourisme prévoient que plusieurs travailleurs ne pourront pas retrouver leur emploi d’ici 24 à 36 mois puisque les employeurs prévoient une période de cinq ans avant un retour à la normale dans le secteur touristique.

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Philippe Beaulieu, de l’AAAPNB, ajoute que la reprise est encore plus lente pour le secteur des arts et de la culture. «C’est pour ça qu’il faut continuer les mesures de soutien d’urgence, parce que nous sommes toujours en état d’urgence! La CoViD n’est pas chose du passé, c’est toujours avec nous, c’est très actuel.»

De la PCU à la SSUC

Plusieurs intervenants évoquent les limites de la SSUC. Jerry Dias, d’Unifor, observe que la subvention salariale n’offre pas de remboursements pour les avantages sociaux, ce qui pourrait décourager certains employeurs de recommencer à embaucher. Il serait donc nécessaire que la subvention couvre aussi le cout des avantages sociaux.

France Boily

De son côté, Jean-René Dumas considère que plusieurs petits employeurs du secteur touristique «n’ont pas les moyens» de bénéficier de la subvention salariale, car leurs assises financières sont trop fragiles pour absorber les couts des salaires en attendant le remboursement d’Ottawa.

Pour que plus d’employeurs puissent participer au programme, les délais devraient être éliminés ou substantiellement raccourcis, défend-il.

Artistes et travailleurs autonomes

Pour France Boily, de l’ATFC, la SSUC permet peut-être de garder certaines compagnies de théâtre en vie en leur permettant de payer leurs employés, mais elle «n’aide pas les artistes parce que ce ne sont pas des employés salariés».

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Même son de cloche chez Philippe Beaulieu, qui souligne que «les travailleurs autonomes et les travailleurs indépendants n’ont pas la même réalité que les salariés. Notre économie est basée sur le salariat alors que, de plus en plus, le travail autonome est en augmentation.»

Restauration, tourisme, hôtellerie, arts et spectacles… des industries qui sont loin d’avoir retrouvé leur erre d’aller. Photo: Dotigabrielf, Pixabay

France Boily croit qu’une solution pour le milieu des arts et de la culture serait de plutôt moduler la PCU en fonction des revenus: «Avoir un modèle où la prestation décroit à mesure que l’artiste fait de l’argent, ça pourrait être une solution. Tant que ce n’est pas tout ou rien», préconise la présidente de l’ATFC.

Il y semble y avoir des ouvertures à cette idée du côté du Parti conservateur et du Bloc québécois.

Cette approche, selon Philippe Beaulieu, pourrait permettre de pallier l’irrégularité des revenus des artistes «parce qu’on sait que les artistes ont des droits d’auteur ou des contrats qui sont payés en retard. Le chèque rentre trois, quatre, des fois six mois après avoir terminé le contrat».

Auteur

  • Bruno Cournoyer Paquin

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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