Le principe d’accès public aux documents judiciaires s’applique à tous les tribunaux

Y compris la Cour des successions

Les héritiers de Barry et Honey demandent à la Cour suprême du Canada de ne pas permettre la consultation des documents de succession par les journalistes et les membres du public.
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Publié 02/04/2020 par Gérard Lévesque

L’article 137 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, LRO 1990, c C.43 s’applique aux procédures de successions de la même façon que toute autre procédure judiciaire, en prévoyant que «quiconque a acquitté les droits prévus peut examiner un document déposé au greffe dans une instance civile devant un tribunal, à moins qu’une loi ou une ordonnance du tribunal ne l’interdise».

C’est le rappel que le journaliste Kevin Donovan fait en réponse aux fiduciaires et héritiers des successions de Barry Sherman et Honey Sherman (retrouvés assassinés le 15 décembre 2017 dans leur maison de Toronto), qui demandent à la Cour suprême du Canada d’annuler la décision de la Cour d’appel de l’Ontario et de rétablir l’ordonnance de mise sous scellés des documents des deux successions pour une nouvelle période de deux ans.

L’audience de cette affaire devait avoir lieu le 26 mars dernier, mais, en raison de la pandémie de CoViD-19, a été reportée au mois de juin prochain. Le 19 mars, la Cour suprême a refusé d’entendre les cousins de Barry Sherman qui revendiquaient 20% d’Apotex, le géant pharmaceutique dont il était le fondateur.

Le journaliste Kevin Donovan et son livre. Photo: Moira Welsh

«La justice s’épanouit au grand jour»

Dans le mémoire soumis au nom de Kevin Donovan, les avocats Iris Fischer, Skye Sepp et Ellie Marshall, du cabinet Blake, Cassels & Graydon, citent la première phrase du jugement de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Toronto Star Newspapers Ltd. c. Ontario, [2005] 2 R.C.S. 188: «Dans tout environnement constitutionnel, l’administration de la justice s’épanouit au grand jour — et s’étiole sous le voile du secret.»

Puis, ils réfutent méthodiquement les arguments des fiduciaires et héritiers. Leur plaidoirie s’appuie sur une longue jurisprudence où l’on trouve même une cause impliquant un conseil scolaire franco-ontarien: A. c Laurent Amyot & Conseil scolaire catholique Franco-Nord, 2019 ONSC 3459.

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Dans cette cause, Maître Alim Jessa, avocat de la présumée victime (A.), demandait l’autorisation d’initier une action sous un pseudonyme ou ses initiales, demandant une ordonnance empêchant les médias de révéler son identité et mettant sous scellés les documents judiciaires.

Le 4 juin 2019, le protonotaire Alexandre Kaufman, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, rejette la requête parce qu’elle a été faite sans préavis aux autres parties, et que la procédure requise dans les circonstances n’a pas été suivie.

Les avocats Iris Fischer, Ellie Marshall et Skye Sepp.

Successions testamentaires ou non testamentaires?

Dépendant de l’existence ou non d’un testament, une succession est désignée comme étant soit testamentaire, soit non testamentaire. En Ontario, environ 50% des successions passent par le processus judiciaire.

Lorsqu’il est nécessaire que la Cour émette un certificat de nomination de fiduciaire d’une succession, les formulaires à compléter sont différents. Dans le cas d’une succession testamentaire, les formulaires doivent indiquer les noms et adresses des personnes qui, selon le texte du testament, sont les héritiers de la personne décédée.

Lorsqu’il n’y a pas de testament, c’est la loi ontarienne qui s’applique. Les formulaires doivent indiquer les noms et adresses des personnes qui, selon les dispositions de la Partie II de la Loi portant réforme du droit des successions, LRO 1990, c S.26, sont les héritiers de la personne décédée.

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Si les deux membres d’un couple sont décédés, la descendance du degré le plus proche dans lequel il y a une descendance se partage en parts égales la succession.

Le 15 décembre 2017, Barry Sherman et son épouse, Honey Sherman, ont été assassinés dans leur maison de Toronto. Jusqu’ici, ces crimes n’ont pas encore été élucidés.
Barry Sherman, le fondateur du géant pharmaceutique Apotex, et son épouse Honey.

Combien d’héritiers?

À la page 12 de leur Mémoire du 26 juillet 2018, déposé pour obtenir une ordonnance de mise sous scellée les documents des deux successions, les fiduciaires des Successions Sherman ont indiqué qu’il s’agit de deux successions non testamentaires.

Basé sur des entrevues avec des membres de la famille et des amis des défunts, Kevin Donovan a publié dans le Toronto Star deux articles sur les intentions testamentaires du couple Sherman. L’article du 21 juin 2019 décrit des intentions de Barry et celui du 14 décembre 2019 allègue que Honey a mis à jour son testament peu avant son décès.

Cependant, dans son mémoire déposé en Cour suprême du Canada, Donovan écrit que ses sources reconnaissent maintenant qu’elles étaient en erreur lorsqu’elles ont laissé entendre que Barry et Honey étaient tous deux décédés avec un testament.

Dans les successions non testamentaires des Sherman, le degré de descendance le plus proche est celui des enfants. Barry et Honey ont eu quatre enfants (Lauren, Jonathon, Alexandra et Kaelen). Ont-ils d’autres héritiers? Par exemple, existe-t-il un autre enfant pour lequel le lien de parenté est établi et qui serait né hors mariage?

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Une réincarnation du Marquis de Favras?

Dans son ouvrage The Billionnaire Murders, Kevin Donovan révèle plusieurs traits de caractère du couple Sherman. C’est ainsi qu’on apprend que Barry portait une attention particulière à ce que ses enfants maîtrisent bien la grammaire et l’orthographe. Il corrigeait patiemment, mais fermement chaque erreur. Et si un de ses amis osait prononcer quelque chose incorrectement, il n’hésitait pas à l’interrompre avec la bonne façon de le dire ou la bonne réponse.

Thomas de Mahy, marquis de Favras, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, né au château de Favras, le 26 mars 1744, pendu à Paris le 19 février 1790. (Photo: Wikipedia)
Thomas de Mahy, marquis de Favras, pendu à Paris le 19 février 1790.

Fait cocasse: quelques mois avant le décès tragique des Sherman, une de leurs amis, la sénatrice Linda Frum, envoie à Barry et à plusieurs autres personnes un courriel sous le titre «L’ancêtre de Barry?»

Le texte était la citation «Vous avez fait, Monsieur, trois fautes d’orthographe», les derniers mots prononcés le 18 février 1790 par l’aristocrate français de Favras à l’adresse du greffier venu lui remettre le document officiel de l’arrêt formalisant sa condamnation à mort pour conspiration.

Un portrait du Marquis était joint au courriel. Avec humour, Barry répond: «I look a lot like him. Perhaps I am his reincarnation.»

La citation du Marquis est devenue célèbre parce qu’il a gardé son sang-froid face à une mort douloureuse et humiliante. Depuis, le Marquis de Favras est vénéré par ceux qui soutiennent l’importance d’une bonne grammaire et orthographe.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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