Défi démographique «alarmant» pour les Franco-Ontariens

François Boileau se projette dans l’avenir

Commissariat aux services en français de l'Ontario
Le commissaire aux services en français de l'Ontario, François Boileau, et son 11e rapport.
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Publié 18/07/2018 par François Bergeron

Tout passe par la démographie, affirme le commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau. Et le défi est «alarmant»: malgré une croissance en chiffres absolus, il est pratiquement certain que la proportion de la population francophone de l’Ontario, déjà de moins de 5% en 2018, tombera à 4% en 2028.

Or, «il manque toujours en Ontario un plan d’action ambitieux et fondamental dans lequel le gouvernement indique de façon précise sa propre feuille de route» sur la francophonie, notamment pour freiner le déclin démographique en cours. «Une réponse en quelque sorte au Plan d’action fédéral sur les langues officielles

Futurologie

«L’an dernier, nous avons fait un retour sur les impacts du Commissariat dans des secteurs clés au cours des dix dernières années. Cette année, nous emprunterons le chemin totalement inverse pour nous projeter dix ans en avant», a expliqué M. Boileau en déposant son rapport annuel 2017-18 à Queen’s Park ce mercredi 18 juillet.

Exceptionnellement, pour ce 11e rapport placé sous le signe de la futurologie, le commissaire a fait appel à plusieurs spécialistes pour traiter des prospectives démographiques de la francophonie ontarienne, de son vieillissement et de son assimilation pas encore compensés par l’immigration francophone, mais aussi de la production et diffusion de contenus digitaux en français, de la main-d’oeuvre de demain, et de la transformation numérique de la relation gouvernement-citoyen.

Dans le meilleur des scénarios, où une forte immigration francophone (principalement de l’Afrique) est une réponse à la diminution du poids démographique éventuel des Franco-Ontariens, l’impact resterait limité.

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À l’heure actuelle, 15% des 622 000 francophones de l’Ontario sont issus de l’immigration, deux fois moins que la proportion d’immigrants dans la population totale de la province.

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Familles exogames

«Sans compter que le taux de familles exogames devrait progresser en Ontario», ce qui représente toujours une mauvaise nouvelle pour la «continuité linguistique» (aka l’assimilation).

«Les lacunes au niveau de la transmission de la langue française aux enfants, dont au moins un des parents est francophone, expliquent une part importante de l’évolution démographique des Franco-Ontariens», lit-on dans le rapport.

Au Canada, le taux de transmission du français chez les couples dont un seul conjoint est francophone (famille exogame) est de 31%, alors qu’il est de 91% dans les familles composées de deux conjoints ayant le français comme langue maternelle (familles endogames).

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Vieillissement

Cette mobilité linguistique en faveur de l’anglais aura contribué au fil des ans au «vieillissement accéléré» de la population franco-ontarienne par rapport au reste de l’Ontario. Un peu plus de 25% des Franco-Ontariens seront âgés de 65 ans et plus en 2028, contre 19,5% dans le recensement de 2016 (alors que 16,2% de l’ensemble des Ontariens sont retraités).

Malheureusement, malgré les cibles de 5% établies par les gouvernements fédéral et provincial, l’immigration francophone en Ontario reste inférieure à la proportion de francophones dans la province: de 2,1% en 2006 à 2,4% en 2016.

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Succès des écoles

Le commissaire Boileau se réjouit que «la promotion des écoles de langue française semble avoir porté ses fruits ces dernières années».

Mais il déplore «la timidité avec laquelle les enjeux des écoles de langue française sont traités, le manque de suivi au niveau du continuum de l’immigration francophone ou l’accès toujours limité aux services gouvernementaux en français».

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Ces manquements restreignent l’usage public du français et le rendent moins «attrayant», affectant négativement les possibilités de renouvellement démographique des communautés francophones.

Selon François Boileau, la nouvelle ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, devrait donc se préoccuper de la baisse anticipée de la proportion de la population francophone en Ontario et «déterminer des stratégies d’action afin de renverser la vapeur».

«Il est grand temps d’agir», a commenté Carol Jolin, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario.

Plan interministériel

François Boileau souhaite que le nouveau gouvernement progressiste-conservateur se dote d’un plan interministériel «pour définir clairement et coordonner les rôles des divers ministères provinciaux concernés par l’immigration francophone».

Entre autres, la ministre de la Formation et des Collèges et Universités, Merrilee Fullerton, devrait commander une recherche «pour mieux comprendre les défis des immigrants francophones par rapport à leur intégration au marché du travail et notamment l’impact du lieu d’études sur leur obtention d’une reconnaissance des titres et des diplômes».

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Évidemment, il faut «saisir l’occasion de la création de l’Université de l’Ontario français à Toronto» pour évaluer et reconnaître la scolarité et l’expérience professionnelle des immigrants.

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Crise des médias

Par ailleurs, le commissaire Boileau constate que la crise que traversent les médias locaux à l’échelle canadienne «se fait sentir de façon encore plus marquée auprès des médias qui ciblent les francophones en milieu minoritaire», dans un contexte où plus de 80% des revenus publicitaires en ligne vont aux plateformes numériques américaines Google, YouTube et Facebook.

Il faut non seulement améliorer «l’offre de contenus» des médias de langue française en Ontario, mais aussi en stimuler la demande, opine le commissaire, qui recommande à la ministre déléguée aux Affaires francophones d’instaurer un comité consultatif chargé d’orienter le gouvernement dans ce dossier.

La francophonie ontarienne devra également composer avec l’avènement du «gouvernement numérique». Le commissaire propose que la stratégie porte «sur les secteurs clés de la santé, des soins de longue durée, ainsi que les services directs à la population, notamment par l’entremise d’un identifiant linguistique sur les pièces d’identité telles que la carte d’assurance maladie et le permis de conduire».

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Bons coups

Rendant hommage à l’ex-ministre des Affaires francophones Marie-France Lalonde, François Boileau rappelle que c’est sous son leadership que le gouvernement libéral précédent a «jeté les bases de l’Université de l’Ontario français, rendu la ville d’Ottawa un peu plus bilingue qu’auparavant et a accepté de revoir le processus de désignation d’organismes sous la Loi sur les services en français».

Parmi les autres «bons coups» de la francophonie ontarienne au cours des douze derniers mois, il mentionne aussi la création de lits de répit aux Centres d’Accueil Héritage, à Toronto: le centre pour aînés a converti l’un de ses 135 appartements afin de créer deux lits pour des aidants de ses locataires.

La hausse du taux d’occupation des lits pour francophones au Pavillon Omer Deslauriers du centre municipal Bendale Acres est aussi citée en exemple, tout comme:

la publication du Guide des services de santé en français par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée;

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le lancement de pratiquO, un centre de formation professionnelle continue de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa;

la création du Programme Franco du ministère des Affaires francophones: des subventions de 3 millions $ sur 3 ans en appui à des activités communautaires ou culturelles franco-ontariennes;

l’initiative pilote Destination Ontario, qui a pour but d’accroître la visibilité de la province dans les nouvelles communautés internationales afin de favoriser l’immigration francophone en Ontario.

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Plaintes

Rappelons que le Commissariat aux services en français est à l’origine un comptoir de plaintes. Au cours de l’exercice 2017-2018, il n’a cependant reçu que 186 plaintes jugées «recevables», 82 non recevables, 38 demandes de renseignements et 9 plaintes à «impact mineur», pour un total de 315 interactions: moins de une par jour.

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Le commissaire François Boileau à Queen’s Park le 18 juillet.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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