Yeux pers, yeux vairons

yeux pers, yeux vairons, yeux verts
Cette personne a-t-elle les yeux bleus, verts, gris, vairons?
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Publié 12/11/2013 par Martin Francoeur

Lorsqu’on parle des yeux, les adjectifs de couleur ont une importance capitale. On distingue bien les yeux bleus, gris, bruns, verts… Mais certaines personnes disent aussi qu’elles ont les yeux pers ou yeux vairons. Voilà d’étranges adjectifs qui ne semblent associés qu’aux yeux.

On entend rarement une personne dire qu’elle redécorera sa chambre à coucher en peignant les murs pers. Ou que quelqu’un s’est acheté un chandail vairon.

J’ai abordé à quelques reprises la question des adjectifs de couleur dans ces pages. On a notamment pu constater que dans plusieurs cas, des noms deviennent des adjectifs. Certains s’accordent et d’autres restent invariables. Rappelez-vous: fauve, mauve, pourpre, rose, incarnat, écarlate et vermeil…

Les yeux pers

Quelle est donc cette couleur «pers» et d’où vient ce mot? Le Dictionnaire historique de la langue française, de Robert, nous indique que l’adjectif «pers», qui donne «perse» au féminin, signifie «d’un bleu foncé, tirant sur le violet».

Étymologiquement parlant, l’adjectif «pers» est issu du latin médiéval persus, qui signifie «de couleur jacinthe», c’est-à-dire d’un bleu foncé. Le Robert nous dit que persus est lui-même dérivé de Persia, la Perse, qui est aujourd’hui l’Iran. Et les linguistes partagent une anecdote intéressante…

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Selon le témoignage de Pline, on utilisait des cocons importés d’Assyrie dans la fabrication des bombyx, un mot qui désigne à la fois les vers à soie et, par métonymie, les vêtements de soie. «On suppose que l’on a appelé persae vestes (vêtements de soie de Perse) ces vêtements de soie et, si certains étaient teints en bleu foncé, l’adjectif persa a très bien pu, par spécialisation, en venir à désigner cette couleur.»

Des nuances de bleu

L’ouvrage nous apprend que le mot est passé en français pour désigner un bleu tirant sur le violet, et en particulier un visage livide. On a aussi retrouvé cet adjectif pour désigner une nuance de sentiment.

Mais l’imprécision de la couleur, contrairement à certains autres adjectifs, a fait en sorte qu’on a pris cette couleur pour un bleu de différentes nuances.

Le mot s’est maintenu pour une couleur dominante bleue, surtout des yeux bleus nuancés, à reflets. Les dictionnaires nous confirment que cet adjectif «ne survit guère qu’en parlant des yeux».

Et les yeux vairons, eux?

D’abord, il faut tout de suite mentionner que l’adjectif «vairon» ou «vairons» au pluriel ne s’emploie qu’au masculin. Et il ne désigne pas une couleur.

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Vairon est apparu vers la fin du douzième siècle, d’abord comme nom, puis comme adjectif, pour désigner un cheval vair, c’est-à-dire bigarré ou tacheté. Aujourd’hui, il désigne parfois un pelage de couleurs variées.

Mais quand on parle des yeux vairons, on fait référence à des yeux dont l’iris est cerclé de blanc ou à des yeux de couleurs différentes. On appelle cette particularité anatomique «hétérochromie».

Ne pas confondre les yeux verts et vairs

Sur le plan étymologique, vairon vient de vair. À la fois adjectif et nom, vair nous vient du latin varius, qui signifie «moucheté, tacheté ou bigarré».

Fait intéressant, l’adjectif «vair» s’emploie, encore aujourd’hui, pour qualifier une couleur indécise des yeux, quelque part entre le bleu et le marron et correspondant à gris-vert ou à gris-bleu.

On peut donc ajouter «vairs» à notre liste d’adjectifs qualificatifs servant à désigner une couleur des yeux. Dans ce cas, il ne faut pas confondre les yeux «vairs» et les yeux «verts».

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Deux yeux de couleur différente

Étrangement, la parenté étymologique entre vair et vairon ne débouche pas sur des mots qui, de nos jours, ont des sens semblables.

Le premier désigne une couleur plus ou moins précise. Alors que l’autre ne s’applique pas à une couleur mais à une caractéristique. Plus exactement au fait que les deux yeux ne sont pas de la même couleur.

On peut donc dire sans se tromper que quelqu’un a les yeux vairons: l’un peut être vair, l’autre pers!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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