Vivre dans un monde dont on ne veut plus

monde, Éric Mathieu, La joie des fous
Éric Mathieu, La joie des fous, roman, Éditions Tête première, collection Tête ailleurs, 2024, 264 pages, 29,95 $.
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Publié 20/11/2024 par Paul-François Sylvestre

L’environnement physique et psychique de l’individu est la préoccupation première d’Éric Mathieu dans La joie des fous, roman qui met en scène une femme, Clara Cardinal, luttant contre «la tentation de l’aveulissement, […] l’envie de disparaître» dans un monde en guerre.

Dès la première page, le narrateur indique que c’est grâce à divers témoignages, au journal de sa mère et à celui de son père qu’il a pu reconstituer «les faits qui forment ce récit». La page couverture indique pourtant qu’il s’agit d’un roman, donc d’une fiction. Le narrateur est Nicolas, fils de Clara.

Guerre au 22e siècle

Si j’ai bien compris, l’histoire se déroule au 22e siècle dans l’Anastasie, nation autrefois souveraine et maintenant divisée entre une Confédération et une République populaire qui sont en guerre. À mon humble avis, ce contexte géographique n’ajoute rien au récit, cela sème plutôt la confusion.

On apprend que Clara a grandi «dans une maison méphistophélique où dominaient l’angoisse, les remords et la volonté d’autodestruction». Terrain fertile pour une aliénation certaine. Terroir riche en possibilités pour l’imagination débridée d’Éric Mathieu.

Peur et folie

Le romancier explore toutes les avenues possibles pour décrire la peur de la folie chez Clara. Dans les moments lucides de cette dernière, on voit une femme qui «analyse les raisons de son incessante agitation et de sa profonde mélancolie».

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Arno est le père des deux enfants de Clara (Nicolas et Rosalie). Ils ne vivent plus ensemble. Clara l’espionne depuis un hôtel minable qui donne sur la chambre où Arno reçoit sa soi-disant maîtresse. Je dis soi-disant, car Arno semble satisfaire ses véritables désirs sexuels avec des hommes.

Éric Mathieu est professeur au Département de lettres française de l’Université d’Ottawa. Ce milieu l’a-t-il préparé à peindre une Clara plus préoccupée par l’écriture poétique que par les exigences de scientifiques de son travail universitaire…?

Solitude et panique

Pendant plus de 250 pages, on voit Clara toucher le fond de sa solitude. Sa vie ne lui procure que chagrin, anxiété et panique.

D’un chapitre à l’autre, on est témoin de son mal épouvantable qui s’appelle l’angoisse, celle qui fait les fous et les damnées. Mathieu décrit ce mal-être comme ce qui lèse une vie, ce qui «pince la corde ombilicale de la vie».

L’éditeur note que La joie des fous s’inspire d’un fait divers récent. J’aurais aimé qu’il donne plus de précisions. Les thématiques abordées font de l’aliénation à la dystopie, en passant par la cellule familiale, la maternité et le totalitarisme.

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Franco-Ontarien

C’est en 2016, aux Éditions La Mèche, qu’Éric Mathieu a publié son premier roman, Les suicidés d’Eau Claire, salué par la critique et lauréat du Prix littéraire émergence de l’Association des auteur·e·s de l’Ontario français.

Son roman jeunesse Capitaine Boudu et les enfants de la Cédille (L’Interligne 2020) a reçu le Prix Trillium du livre d’enfant. Il publie dans diverses revues, dont Glitterwolf, Le Sabord et Lettres Québécoises. Avec son partenaire Florian Grandena, Éric Mathieu a codirigé le collectif Échecs et vomissements (Somme toute, 2023).

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

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