Une histoire avant l’émancipation des femmes

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Katherine Girard, Helena, tome 1, Les rêves piégés, roman, Montréal, Éditions Hurtubise, 2025, 356 pages, 27,95 $.
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Publié 09/08/2025 par Paul-François Sylvestre

Katherine Girard excelle dans l’art de montrer comment les hommes et les femmes pouvaient avoir de la misère à se dire les vraies affaires à l’époque des carcans contraignants du catholicisme. Elle campe une femme énergique et déterminée dans Helena, roman basé sur son arrière-grand-mère.

L’action se déroule principalement au Lac-Saint-Jean entre 1917 et 1922. Helena Gaudreau est la fille d’une femme qui «n’avait jamais ressenti de transports particuliers lorsqu’il avait été question d’étreintes charnelles».

Sa mère subissait, pour le plaisir de son mari, les relations sexuelles que ce dernier lui imposait. Résultat: quinze enfants.

Le mariage d’abord, l’amour après

L’aînée Helena a 17 ans quand son père décide de la marier à Liguori Simard. Leur relation est basée sur l’amitié, sur une bonne entente. «Si le sentiment amoureux ne venait pas, peut-être que les plaisirs de la chair, eux, seraient au rendez-vous».

Le mari est une belle pièce d’homme aux yeux pétillants, aux lèvres bien garnies, aux fesses rebondies.

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Lors de son voyage de noces à Québec, Helena rencontre un ami de Liguori, François, dont le regard d’un vert d’été lui coupe le souffle. «Il se dégageait une gentillesse mêlée de tristesse qui lui alla droit au cœur». François va hanter l’imaginaire de la jeune épouse… et ses nuits.

Malheurs et solitude

En prenant Liguori comme mari, Helena doit vivre avec sa belle-mère. En posant les pieds dans sa nouvelle demeure, tout commence à aller de travers: comportement acariâtre et mesquin de sa belle-mère, mari enrôlé dans l’armée, envoyé au front, revenu atteint de tuberculose et parqué dans un sanatorium.

Liguori se sent «comme un moins que rien, indigne de vivre, indigne d’aimer». Helena, elle, s’accroche à son fils François-Xavier. Elle est «plus en mode survie qu’à la recherche du bonheur».

Pendant presque 300 pages, ce sont la solitude et tous les malheurs imaginables qui meublent la vie d’Helena, qui peuplent son âme. Heureusement, «la folle détermination et la fierté rude» l’empêchent de flancher. L’ère n’est cependant pas encore à l’émancipation des femmes.

Sans homme, la femme n’était rien

La vie racontée par Katherine Girard est celle où l’homme décide de tout, où la femme obéit à son père, à son mari, à son curé. «Sans homme, la femme n’était rien. Elle ne pouvait pas disposer de son argent, ne pouvait pas aller dans le monde librement, devait se surveiller constamment, n’était pas prise au sérieux.»

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Le style de la romancière épouse l’intrigue, tantôt poétique comme les rêves de la protagoniste, tantôt saccadé comme la série de malheurs qui s’abat sur elle.

J’ai noté une intéressante comparaison au sujet d’Helena, devenue veuve dans l’ombre omniprésente de François: «son goût pour le célibat s’envolait tranquillement, comme les oies qui partaient en grappes serrées vers des cieux plus cléments» (remarquez que tranquillement rime avec cléments).

Protection illusoire

Je ne vous cacherai pas que François et Helena vibrent au même rythme. Leurs lèvres s’unissent, leurs langues s’entremêlent, leurs souffles saccadés s’accordent. Ils se sentent en confiance, protégés de tous les tourments de l’existence. Évidemment, ils se trompent.

À suivre dans le tome 2 intitulé Les bonheurs vacillants

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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