Une exposition sur les langues chinoises combat les préjugés

Au Musée canadien des langues sur le campus Glendon jusqu’au 29 juin

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Liam Richardson, Kate Squissato et Angelique Phanthavong, les trois étudiants à la maîtrise d'études muséales de l'Université de Toronto qui ont réalisé l'exposition «Les langues chinoises au Canada». Photo : Clément Lechat
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Publié 07/05/2023 par Clément Lechat

En 1923, une loi fermait les portes du Canada à presque toutes les personnes chinoises qui voulaient y entrer. Cent ans plus tard, une exposition commémore cette histoire à travers le prisme des langues.

Racisme anti-Chinois

Mindong, hakka, hui… «La diversité des langues chinoises est fantastique», s’exclame Wendy Wong, marraine de l’exposition inaugurée le 27 avril au Musée canadien des langues, sur le campus Glendon de l’Université York.

La professeure de design à l’Université York fait partie des 1,4 millions de personnes au Canada qui parlent une langue chinoise. Après l’anglais et le français, le mandarin et le cantonais sont les plus populaires au pays.

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Wendy Wong, professeure de design à l’Université York. Photo: Clément Lechat

Originaire de Hong Kong, Wendy Wong a grandi en parlant un dialecte transmis par sa grand-mère. Elle a perdu sa langue maternelle à l’école au profit du cantonais. La professeure est aujourd’hui une fière défenseure de la diversité linguistique.

«L’idée fausse la plus répandue est qu’il n’y a qu’une seule langue chinoise», explique Elaine Gold, directrice du Musée canadien des langues.

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L’ancienne professeure de linguistique se désole que les stéréotypes sur la langue entraînent des généralisations à l’encontre des Sino-Canadiens. «Au Canada, nous avons des communautés chinoises qui sont venues d’Inde, de Singapour, de Taïwan, de Hong Kong», énumère-t-elle.

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Elaine Gold, directrice du Musée canadien des langues, et Lyse Hébert, présidente du conseil d’administration. Photo: Clément Lechat

Découvrir cette diversité est la première étape pour lutter contre le racisme anti-Chinois, selon Elaine Gold. «Nous l’avons vu croître pendant la covid. Nous le voyons encore grandir lorsque quelque chose de politique se produit en République Populaire de Chine. Cela se reflète sur quiconque partageant cet héritage», regrette-elle.

Les déclarations de crimes haineux à la police contre les personnes originaires d’Asie de l’Est et du Sud-Est ont augmenté de 301% en 2020, soit la première année de la pandémie de COVID-19, selon Statistique Canada.

Passé et présent

L’exposition itinérante se compose de six bannières bilingues imprimées recto verso, toutes surplombées d’un titre en caractères chinois. Elle peut tenir dans deux caisses de transport afin d’être facilement expédiée et réinstallée partout au Canada.

On y découvre la prononciation des tons (jusqu’à 9 en cantonais), l’origine et la forme des caractères simplifiés et traditionnels, et de nombreuses données démographiques. L’exposition met en avant l’histoire des lois discriminatoires votées par peur du soi-disant «péril jaune».

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Extrait d’un livre d’Arlene Chan montrant les différentes lois discriminatoires à l’encontre des Sino-Canadiens. Photo: Clément Lechat

Le Canada a d’abord encouragé la venue de la main-d’œuvre chinoise pour construire le chemin de fer du Canadien Pacifique, avec de nombreuses morts à la clef.

Lorsque le chantier prend fin en 1885, le gouvernement fédéral impose une taxe d’entrée de 50 $. Celle-ci passe à 500 $ en 1903, soit l’équivalent de deux années de salaire pour un travailleur chinois de l’époque.

La Loi de l’immigration chinoise de 1923, aussi appelée loi d’exclusion, interdit ensuite l’entrée du territoire à toute personne d’ethnicité chinoise, sauf à quelques rares exceptions, jusqu’en 1947.

«C’était important que nous soulignions l’intolérance du gouvernement canadien qui a discrédité les langues et les immigrants», indique Liam Richardson, l’un des étudiants à la maîtrise d’études muséales de l’Université de Toronto en charge de l’exposition.

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L’exposition itinérante Les langues chinoises au Canada s’intéresse à l’histoire de la communauté et de ses langues dans le contexte canadien. Photo: Clément Lechat

«Les immigrants chinois ont une si longue histoire au Canada. Je pense que leurs cultures et leurs langues doivent être célébrées», ajoute Liam Richardson.

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Lent changement

Un travail de mémoire historique est en marche. Depuis 2002 le mois de mai est est officiellement le mois du patrimoine asiatique.

«C’est une part importante de notre histoire et nous avons beaucoup à apprendre des enjeux du passé», a déclaré la députée provinciale pour Don Valley-Ouest, Stephanie Bowman, présente à la cérémonie d’inauguration.

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Stephanie Bowman. Photo: Clément Lechat

En 2006, le gouvernement conservateur de Stephen Harper s’est excusé pour la taxe d’entrée et a distribué des compensations. Mais ce passé douloureux influence encore le présent, selon Elaine Gold.

«Il y a toujours des personnes en vie qui ont souffert à cause de ces lois, soit qu’elles n’étaient pas autorisées à venir, ou que leurs grands-parents sont arrivés juste avant, mais ont dû payer une taxe exorbitante. Ces souvenirs sont bien vifs», raconte-t-elle.

Les stéréotypes et l’auto-stigmatisation persistent eux aussi. On retrouve notamment «le sentiment d’être un “éternel étranger”, de faire partie d’une “minorité modèle” ou encore d’être “différent” ou “mystérieux”», énumère le ministère du Patrimoine Canadien.

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Elaine Gold espère que la société continuera d’évoluer à mesure que la diversité des immigrants chinois sera mieux représentée. Par exemple, elle remarque que le recensement propose de plus en plus de catégories de langues chinoises.

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Nombre de personnes, par année, ayant indiqué parler une langue chinoise lors des différents recensements canadiens réalisés entre 2001 et 2021. Photo: Clément Lechat.

«Le recensement reflète l’attitude de la société», souligne-t-elle. Le chinois n’y était pas inclus jusqu’en 1911. En 2001, deux catégories distinctes, mandarin et cantonais, ont été reconnues. Il y a aujourd’hui 10 options de langues chinoises disponibles. La plus petite langue, le Gan, n’a que 80 locuteurs.

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