Un virus géant capable de vivre hors d’un être vivant

Une quatrième branche à l’arbre de la vie?

L'arbre de la vie s'enrichirait d'une quatrième branche: un chaînon manquant entre la bactérie autonome et le virus parasite.
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Publié 17/04/2017 par Agence Science-Presse

Est-ce un virus, est-ce une bactérie, ou est-ce quelque chose de totalement inédit? Un débat qui passionne les biologistes du microscopique depuis 15 ans pourrait avoir trouvé son «chaînon manquant»… ou bien pourrait avoir encore plus complexifié le problème.

C’est en 2003 que la découverte d’un virus jusque-là inconnu lançait ce débat: le «mimivirus» se démarquait de ses congénères par sa taille anormalement grande pour un virus, et par un nombre plus élevé de gènes que ce qui est normalement nécessaire à un virus.

Au point où certains chercheurs ont émis l’hypothèse qu’il serait capable de vivre de façon autonome, hors d’un être vivant.

Ce qui, si c’était le cas, n’en ferait plus un virus, mais quelque chose d’autre. Une des différences fondamentales entre bactérie et virus est que la bactérie est un être vivant autonome, mais pas le virus. Pour survivre, le virus doit s’inviter dans un autre être vivant.

Mimivirus pourrait-il être une bactérie plus petite que la normale, plutôt qu’une forme de vie intermédiaire entre le virus et la bactérie? C’est entre ces deux positions extrêmes que le débat se promène depuis 15 ans.

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Une nouvelle étude parue le 6 avril dans Science ne règle pas la dispute — elle ne fait que l’alimenter.

L’arbre de la vie

Si cette dispute en passionne plus d’un, ce n’est pas pour des questions de santé publique — Mimivirus n’est associé à aucune maladie infectieuse inquiétante — mais en raison de la perspective très large qu’elle ouvre sur l’évolution de la vie.

D’une part, si Mimivirus, de même que les autres «virus géants» découverts depuis, sont bel et bien «quelque chose d’autre», ça ouvre la porte à l’existence d’un «quatrième domaine du vivant», soit l’ajout d’une quatrième branche à l’arbre qui, depuis au moins 3 milliards d’années, regroupe toutes les espèces vivant sur Terre.

D’autre part, même si cet arbre représente le vivant et qu’un virus n’est pas un être vivant à proprement parler, on n’en hésite pas moins sur la place du virus dans cet ensemble: les lointains ancêtres des virus étaient-ils, eux, des êtres vivants «autonomes » qui se sont retrouvés dépendants des autres? Ou ont-ils toujours été des «parasites» qui ramassent du matériel génétique à gauche et à droite?

L’étude du 6 avril paraît faire pencher la balance dans cette dernière direction.

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«Chaînon manquant»

Cette étude consiste en une analyse du génome du plus récent des «virus géants». Celui-ci, appelé Klosneuvirus, a été découvert «par accident» dans l’analyse d’échantillons d’une usine d’épuration des eaux en Autriche. Il ressort non seulement qu’il n’y avait pas que Klosneuvirus dans ces échantillons, mais trois autres cousins — Catovirus, Hokovirus, Indivirus.

La comparaison des gènes de ce petit univers, outre qu’elle révèle une capacité à produire des protéines — ce qui normalement serait réservé aux bactéries — montre suffisamment de différences et de parentés avec les gènes des autres «virus géants», pour qu’on puisse commencer à construire un arbre généalogique: les chercheurs y voient des gènes «empruntés» un à un à d’autres êtres vivants, sur une période qui, selon eux, s’étalerait sur des centaines de millions d’années.

Autrement dit, parenté entre ces virus géants sur une période de temps suffisamment longue, allègue dans Nature la coauteure Tanja Woyke, pour faire plaisir à ceux qui veulent croire qu’ils ont mis le doigt sur un «chaînon manquant» entre la bactérie et le virus.

Mais pas suffisamment pour trancher la question de façon définitive, défend le microbiologiste français Didier Raoult, un des découvreurs du Mimivirus. «Nous sommes en train de découvrir une partie du monde qui avait été complètement ignorée et il faut être patient.»

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