Un vaccin efficace à 90%? Sept choses qui restent à savoir

Un des 200 vaccins testés contre le virus de la CoViD-19 serait «efficace à 90%». Une nouvelle encourageante, mais qui ne signifie pas qu’on est près de la ligne d’arrivée.
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Publié 12/11/2020 par Pascal Lapointe

L’annonce a fait le tour du monde lundi: un des 200 vaccins actuellement testés contre le virus responsable de la CoViD-19 serait «efficace à 90%». Une nouvelle encourageante, mais qui ne signifie pas qu’on est près de la ligne d’arrivée.

Ce que l’on sait

En tout, depuis la fin-juillet, 43 538 personnes ont été enrôlées dans cette étude en double aveugle menée par les compagnies Pfizer et BioNTech — ce qui signifie que la moitié ont reçu le vaccin et l’autre moitié, un placebo.

Chaque participant a eu deux injections, à trois semaines d’intervalle. Ces personnes ont été invitées à poursuivre leurs activités normales, s’exposant ainsi potentiellement au virus et ont été testées régulièrement.

En date du 8 novembre, 94 participants avaient été diagnostiqués positifs au coronavirus. Mais on ne sait pas dans lequel des deux groupes ils se trouvent.

Le fait que l’annonce précise que le vaccin est «efficace à 90%» pourrait vouloir dire que 90% des patients contaminés étaient dans le groupe placebo — ou à l’inverse, que seulement 9 des 94 patients contaminés se retrouvaient parmi ceux qui avaient reçu le vrai vaccin.

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Si ce degré d’efficacité se confirmait, ce serait un résultat exceptionnel: même l’agence américaine chargée d’approuver les médicaments (la FDA) avait fixé la barre à 50%.

Ce que l’on ne sait pas encore:

1) On n’a pas encore d’étude

Les compagnies Pfizer (États-Unis) et BioNTech (Allemagne) ont fait cette annonce conjointement lundi matin, sur la base de résultats «préliminaires» (l’étude est toujours en cours).

Sauf que cette annonce n’est accompagnée que d’un communiqué de presse, c’est-à-dire un document qui donne peu de détails: il n’y a ni étude ni données scientifiques que d’autres experts du domaine pourraient éplucher et analyser.

Le communiqué dit uniquement, sans donner de date, que les deux compagnies «prévoient soumettre les données de l’ensemble du test de phase 3 pour publication révisée par les pairs».

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2) Symptômes bénins ou graves?

On ignore par exemple tout de l’état de santé de ces 94 personnes: combien ont développé des symptômes bénins, combien des symptômes graves?

Si la question est importante, c’est parce que la médecine comprend encore mal, même après 10 mois de pandémie, les mécanismes qui font que certaines personnes, et pas d’autres, développeront des symptômes graves.

L’une des craintes est qu’un vaccin agisse uniquement sur les infections bénignes, soit celles qui n’auraient pas nécessité d’hospitalisation.

La FDA avait fixé comme critère, avant d’aller plus loin, qu’au moins cinq des «cobayes» du groupe placebo aient développé des symptômes graves, afin qu’on ait une base de comparaison statistique avec le groupe «vaccin».

Le fait que cette information ne figure pas dans le communiqué laisse croire que le test n’a pas encore atteint ce seuil.

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 3) Les gens âgés?

Le taux d’efficacité d’un vaccin est souvent moins élevé chez les personnes âgées. Le communiqué ne dit rien de la distribution de ces 94 cas par tranche d’âge.

Pfizer assure avoir formé une cohorte représentative de la population. Mais même ainsi, il est possible qu’il faille attendre des semaines avant d’avoir une idée juste de l’efficacité du vaccin par tranches d’âge ou par groupes ethniques.

4) Les enfants?

Une incertitude similaire tourne autour des enfants. On sait qu’ils peuvent attraper le virus, bien que les cas graves soient rarissimes.

Dans un premier temps, l’essai clinique de Pfizer et BioNTech avait exclu les moins de 18 ans, puis avait ajouté les 16-18 ans en septembre.

5) Combien de temps faudra-t-il attendre avant de savoir?

En vertu des critères de la FDA et de l’OMS, l’étude doit se poursuivre jusqu’à ce qu’on ait atteint le seuil de 164 infections. En théorie donc, à ce moment, le total de 90% pourrait avoir diminué, mais il est mathématiquement improbable qu’il descende en dessous de 50%.

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Sachant que l’étude a commencé le 27 juillet et a obtenu 94 cas en à peu près trois mois, on peut imaginer qu’elle atteigne le seuil des 164 avant Noël.

Paradoxalement, le fait que l’épidémie soit en ce moment en croissance rapide aux États-Unis pourrait contribuer à atteindre plus vite ce seuil.

Une fois cela fait, le dossier est entre les mains de la FDA qui doit décider si elle en autorise ou non la distribution aux États-Unis.

Le Forum économique mondial a déjà évalué que le processus d’approbation d’un vaccin prenait habituellement deux ans. Personne ne s’attend à ce qu’il soit très long cette fois, si les résultats restent encourageants.

6) Et si c’est approuvé, combien de temps pour la distribution?

La suite dépend de facteurs qui peuvent varier d’un pays à l’autre. Dans son communiqué, Pfizer affirme être capable de produire jusqu’à 1,3 milliard de doses en 2021. Le magazine The New Scientist évalue qu’il faudra ultimement 14 milliards de doses pour vacciner la population mondiale, en tenant compte des pertes lors des transports et du fait que chaque personne devrait recevoir deux doses.

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7) Deux inconnues supplémentaires

Le fait qu’il s’agisse d’un «vaccin à ARN» signifie qu’il nécessitera davantage de précautions pour le transport: on évoque des températures de moins 70 degrés Celsius pour le conserver. Il n’est pas clair si cela risque d’augmenter le taux de pertes.

Par ailleurs, le fait qu’il faille deux doses complique les calculs sur son efficacité : la logistique est plus ardue avec deux doses et certaines personnes peuvent oublier la deuxième injection.

Et les autres vaccins?

Il ne faut pas perdre de vue qu’à l’heure actuelle, plus de 200 autres vaccins sont testés, et qu’une dizaine de vaccins, incluant celui dont il est question ici, en sont à la dernière étape, celle des études cliniques de phase 3.

Il faut donc prévoir d’autres annonces, encourageantes ou mitigées, dans les prochaines semaines ou les prochains mois.

Auteur

  • Pascal Lapointe

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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