Un petit bijou de la littérature suédoise

Karin Brunk Holmqvist, Aphrodite et vieilles dentelles, roman traduit du suédois par Carine Bruy, Bordeaux, Mirobole Éditions, coll. Horizons pourpres, 2016, 256 pages, 36,95 $.
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Publié 09/08/2016 par Paul-François Sylvestre

Karin Brunk Holmqvist est l’une des auteurs les plus populaires de Suède. Elle a publié dix romans, vendus à plus d’un million d’exemplaires et traduits dans cinq langues.

On la découvre en français pour la première fois avec Aphrodite et vieilles dentelles, une histoire colorée comme une courtepointe et délicate comme une broderie.

Les deux sœurs Tilda et Elida Svensson, 79 et 72 ans, sont célibataires et mènent une vie paisible des plus routinières. Elles de lèvent à 7 h 10, terminent leur petit-déjeuner à 7 h 30 précises, vont puiser l’eau chez le voisin à 12 h 25, déposent leurs dentiers dans un verre à 20 h 15 et se couchent à 21 h 10. Pas de commodités à l’extérieur de leur maison vétuste dans le petit village de Borrby, loin de Stockholm.

Mais tout cela va changer avec l’arrivée d’Alvar Klemens, gentil célibataire. Le voisin vend sa maison et Alvar l’achète comme résidence d’été. Un bon voisinage s’installe, au grand plaisir des deux vieilles filles qui aiment cuisiner toutes sortes de gâteaux et tartes.

Peu habituées au changement, Tilda et Elida ne dépensent pas un sou pour de nouvelles lunettes tant qu’elles voient «la différence entre les groseilles à maquereau et les framboises». Elles voient aussi que les plantes du voisin sont plus vigoureuses que les leurs et que le chat d’Alvar se prend d’une frénésie sexuelle dès qu’il mange une de ces plantes. Il en va de même pour un lapin en plein garden-party.

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L’engrais du voisin semble avoir l’effet d’un aphrodisiaque. Alvar explique à Tilda et Elida que c’est un résidu de café et de vodka.

Lorsque le voisin rentre chez lui à l’automne, les deux vieilles sœurs concoctent un élixir et placent une annonce qui ne tarde pas à rapporter de gros sous, comme la vente du Viagra. Et si le business clandestin leur permettait enfin de s’offrir des W.C. à l’intérieur et plus encore…

Je ne vous dirai pas comment la vente de «l’élixir de vie» va bouleverser  la vie des deux protagonistes de ce succulent roman. Sachez tout simplement que, en dépit d’un amour indéniable, il peut arriver à Tilda et Elida «d’éprouver une méfiance et une jalousie réciproques».

Le style de Karin Brunk Holmqvist est finement ciselé. Elle décrit les deux sœurs et leurs petits travaux avec une minutie qui nous fait souvent sourire. Lorsque Tilda et Elida dorment particulièrement bien, elle écrit que «leurs deux bouches sans dents béaient telles des étoiles noires».

Avec Aphrodite et vieilles dentelles, j’ai découvert une brillante auteure, une excellente traductrice et une nouvelle maison d’édition française. La collection Horizons pourpres de Mirobole Éditions se consacre aux littératures de l’étranger, la Suède dans ce cas-ci.

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Si vous cherchez un roman douillet, une lecture confortable, une histoire attachante, vous pouvez faire confiance à Karin Brunk Holmqvist.

Benoît Cazabon, Tout dépend de vous!, roman, Montréal, Société des Écrivains, 2016, 238 pages, 22,95 $.
Benoît Cazabon, Tout dépend de vous!, roman, Montréal, Société des Écrivains, 2016, 238 pages, 22,95 $.

Tout dépend de vous!

Dans son second roman intitulé Tout dépend de vous!, Benoît Cazabon nous convie à une quête identitaire à travers un personnage qui grimpe difficilement dans un arbre généalogique aux branches parfois cachées, coupées ou brisées. Ce personnage, Maxence Caseneuve, en vient à se demander si nous ne sommes pas tous «des gens sur échasses ou […] des marionnettes dans un théâtre de fête foraine».

La quête identitaire s’active en 1937, d’abord au Québec, puis en Ontario, en France, en Espagne, en Suisse et finalement aux États-Unis. Les ancêtres de Maxence se logent à des enseignes de tout acabit: marchand de bois, militaire, négociant, corsaire, humaniste et j’en passe.

L’auteur aime parsemer son histoire de brèves réflexions qui prennent parfois la forme de phrases lapidaires. En voici un exemple: «C’est une fausseté de croire que les idées justes nous donnent sérénité.» Ou encore: «L’histoire, ce n’est pas un fil continu, mais il y a des liens si on sait tisser.»

Les dialogues sont presque toujours sur le ton d’un avocat (Maxence) qui discute avec une anthropologue (sa conjointe). Il y a heureusement des exceptions à la règle, comme «Agrippe-toi bien à la queue du cheval. […] Ici, les vieux relatent leurs origines, pis nous on les répète sans savoir s’il y avait des menteurs dans le tas de foin.»

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Maxence et sa compagne Yasmina aime bien manger dans ce roman. Ils peuvent déguster du lièvre en crépinette, mouillé à l’armagnac, un civet de canard aux cèpes ou encore des cailles aux raisins, avec piment d’Espelette, bien sûr!

Les pérégrinations de Maxence et Yasmina sont interminables  et les pistes explorées sont multiples. À un moment donné, Maxence dit «Tu n’en mets pas un peu épais sur la tartine, Yasmina?» L’auteur beurre ça épais, lui aussi! J’aurais personnellement élagué un peu, mais tout dépend de vous!

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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