Un cocon de vie terne et tendre

Clara Grande, Un jardin l’hiver
Clara Grande, Un jardin l’hiver, roman, Montréal, Éditions Le Cheval d’août, 2024, 168 pages, 23,95 $.
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Publié 21/08/2024 par Paul-François Sylvestre

Les bleus, les veines, les rides, les courbatures, les cicatrices, tout cela raconte un passé. À l’emploi d’un centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD), un cocon de fin de vie, Clara Grande en est témoin et raconte son expérience dans Un jardin l’hiver, son premier roman écrit au «je».

Madame Petitclerc, Monsieur Delisle, Madame Gagnon, Monsieur Potvin, Madame Ponzi, Madame Robinson, Monsieur Maltais, Madame Ménard, autant de patients dans le CHSLD de Rosemont où Clara, 32 ans, remplit le rôle d’aide de service. À une exception près, tous les corps qu’elle touche ont au moins trois quarts de siècles.

Bingo!

Clara se demande à quel instant les patients ont la force de laisser s’envoler leur pudeur. Lorsqu’une cloche sonne, elle doit souvent se rendre à une chambre pour prêter main forte à quelqu’un qui a besoin d’uriner, de déféquer ou de faire sa toilette. Parfois c’est pour entendre une plainte, un éternel refrain: «Personne s’occupe de moi!»

Le dimanche après-midi, c’est le bingo. Plusieurs sont ravis, certains grimacent. Les prix incluent des gracieusetés offertes par des employés: sacs de chips, vernis à ongle, gourde de plastique, cahier de sudoku, jeu de cartes, lampe de poche.

Repas et avances

Un jardin l’hiver ne manque pas d’humour, comme en fait foi ce petit échange:
– Voulez-vous une banane, madame Thivierge?
– Elle est-tu ben dure?
– Juste parfaite.
– Ah, parce que moi, j’aime ça ben dur!

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Le roman transcrit le menu de quatre repas; ils sont tour à tour régulier, tendre, sans sucre concentré, sans sel ou avec contrôle des glucides. Le souper de madame Martin semble appétissant à première vue, poulet sauce veloutée, riz pilaf, légumes, tarte fraise-rhubarbe, tisane. Comme il est classé tendre, on imagine que tout est servi en purée.

Clara raconte aussi les hauts et les bas de sa vie de célibataire. Au CHSLD, elle est courtisée par le docteur Brière, déjà marié, qui lui envoie des courriels où il insiste sur «l’importance de la bonne communication: il y a les mots, l’écoute, le regard, le ton.» On la voit se débattre avec ce genre d’avances.

Clara Grande

L’œuvre en page couverture est The Nest (150 x 150 cm), du plasticien allemand Nils-Udo. Une place en CHSLD est souvent un nid ou un cocon pour des gens qui souffrent. La romancière décrit avec brio le quotidien à la fois terne et tendre de ces femmes et hommes en situation de dépendance et d’isolement.

Née en 1989 à Montréal, Clara Grande a étudié les arts au Freies Jugendseminar de Stuttgart en Allemagne, puis le jeu à l’école de théâtre Actéon à Arles, dans le Sud de la France, où elle a vécu quatre ans.

De retour à Montréal, elle enseigne en francisation et se consacre à ses projets d’écriture tout en menant un baccalauréat en scénarisation et création littéraire à l’Université de Montréal. Un jardin l’hiver est son premier livre.

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Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

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