Treize femmes qui font école au Canada

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Élisabeth Bruyère, Marie-Anne Lagimodière, Anna Malenfant, Marguerite Michaud, Gabrielle Roy, Jeanne Sauvé, Hélène Gravel, Laure Rièse.
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Publié 08/03/2021 par Andréanne Joly

Qui sont ces Canadiennes remarquables, dont la force de caractère et l’engagement ont marqué le pays, au fil des siècles? Francopresse a visité les provinces et les territoires du Canada à la découverte des femmes dont l’influence a été telle qu’on a attribué leur nom à une école de langue française.

En cette Journée internationale des femmes, voici treize de ces étonnants parcours.

Madeleine de Roybon (1646-1718), femme d’affaires

École à Kingston en Ontario

Madeleine de Roybon arrive en Nouvelle-France avec les Filles du roy et, fait inusité, une imposante dot. Elle s’installe à Cataracoui (aujourd’hui Kingston) vers 1679.

L’explorateur René-Robert Cavelier de La Salle, à qui elle a prêté une rondelette somme, lui concède une seigneurie près du fort Frontenac. Madeleine de Roybon devient ainsi la première femme propriétaire terrienne — et une femme d’affaires prospère.

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Ses cultures, son bétail et son poste de traite sont rasés lors de la guerre qui oppose les Français et les Iroquois. Elle est capturée et tenue en captivité pendant un an. Le monopole finit par avoir raison de la fortune de la femme d’affaires, qui meurt à Montréal en 1718.

Pour en savoir plus : Capsule vidéo de TFO

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Vue de Frontenac en 1759. Source : WikiCommons en provenance de Bibliothèque et Archives Canada

Marie-Anne Lagimodière (1780-1875), pionnière

Écoles à Winnipeg et à Lorette au Manitoba

En mai 1806, Marie-Anne Lagimodière, née Gaboury, entreprend un voyage de 2200 km en canot vers les Pays-d’en-Haut aux côtés du coureur des bois qu’elle vient tout juste d’épouser.

À cette époque de grandes rivalités entre les groupes autochtones, les Métis, les colons, la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) et la Compagnie du Nord-Ouest (CNO), Marie-Anne et Jean-Baptiste Lagimodière vivent en semi-nomades dans des conditions pour le moins précaires.

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La famille finit par se sédentariser en 1818 le long de la rivière Rouge. Marie-Anne Lagimodière devient ainsi la première femme d’origine européenne à s’établir dans l’Ouest. Elle assiste à la naissance de la colonie, aux débuts de la rébellion des Métis, dirigée par son petit-fils Louis Riel, et à l’entrée du Manitoba dans la Confédération.

Pour en savoir plus : Société historique de Saint-Boniface

Maggie Siggins a écrit la biographie de Marie-Anne Gaboury, la grand-mère de Louis Riel, parue aux Éditions du Septentrion en 2011. À droite: Rencontre entre Marie-Anne et Jean-Baptiste Lagimodière et des gens des Premières Nations, gravure dans La Première Canadienne du Nord-Ouest de L’Abbé G. Dugast (1883), vers 1807.

Élisabeth Bruyère (1818-1876), administratrice

Écoles à Waterloo, Kanata et Mattawa, en Ontario

Élisabeth Bruyère débarque en 1845 à Bytown (aujourd’hui Ottawa) afin d’y établir une mission des Sœurs de la Charité, fondées un siècle plus tôt par Marguerite d’Youville. En trois mois, la Supérieure Bruyère met sur pied un petit hôpital, la première école bilingue du Haut-Canada et un orphelinat.

Deux ans plus tard, une épidémie de typhus éclate chez les immigrants irlandais qui travaillent à la construction du canal Rideau. Dans les 12 mois qui suivent, 22 Sœurs grises traitent environ 578 patients et en sauvent 475.

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L’œuvre de la mère Bruyère s’étendra ensuite dans l’Est ontarien, en Abitibi-Témiscamingue et dans le Nord ontarien. Le 14 avril 2018, le pape François lui attribue le titre de vénérable en reconnaissance de son œuvre.

Pour en savoir plus : Les 175 ans de service des Sœurs de la Charité d’Ottawa

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Élisabeth Bruyère, la fondatrice des Sœurs grises d’Ottawa. Photo: Wikimedia Commons, Our History Began With a Remarkable Woman/Notre histoire débute avec une dame remarquable

Émilie Tremblay (1872-1949), pionnière et femme d’affaires

École à Whitehorse, au Yukon

Émilie Tremblay s’installe au Klondike avec son mari quelques années avant la dernière ruée vers l’or du Klondike, après avoir franchi 8000 km. Ce faisant, elle devient la première femme à traverser le col Chilkoot (aujourd’hui à la frontière de la Colombie-Britannique, de l’Alaska et du Yukon). Tout un voyage de noces!

Elle apprend à cuisiner le gibier et à cultiver des légumes dans le climat du Grand Nord, notamment sur le toit de leur cabane. En occupant une foule de rôles — prospectrice, infirmière, bénévole et hôte de missionnaires —, elle devient influente dans sa communauté.

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En 1913, Émilie Tremblay ouvre à Dawson un magasin général, le Mme Tremblay’s Store, toujours en activité.

Pour en savoir plus : Encyclopédie canadienne

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La plume de Caroline Mérola a donné vie à Émilie Tremblay pour le livre Quatre filles intrépides, écrit par Emmanuelle Bergeron et paru chez Soulières éditeur en 2020.

Anna Malenfant (1902-1988), cantatrice

École à Dieppe, au Nouveau-Brunswick

Anna Malenfant est reconnue comme l’une des plus belles voix du Canada. Sa voix de contralto la mène de Shédiac à Boston, de Toronto à Rome.

À la fin des années 1920, elle s’installe à Montréal. Dès lors, elle interprète le Requiem de Verdi, la 9e Symphonie de Beethoven, Carmen de Bizet et Werther de Massenet sur les grandes scènes de l’est du pays et celles de New York. Elle chante comme elle respire!

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En 1932, elle participe à la formation du Trio lyrique de Lionel Daunais. Le «rossignol acadien» mène une double vie: Anna Malenfant est aussi Marie Lebrun, compositrice à qui l’on doit Acadie mon doux pays et Toi, ma Sagouine.

Pour en savoir plus : Centre de la chanson acadienne

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Le rossignol acadien Anna Malenfant. Photo: Wikimedia Commons tirée du Centre d’études acadiennes de l’Université de Moncton

Marguerite Michaud (1903-1982), enseignante et universitaire

École à Bouctouche, au Nouveau-Brunswick

Marguerite Michaud aime l’école dès qu’elle y entre. À 13 ans, son travail consciencieux lui vaut un premier prix de calibre: une médaille du lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick. Et ce ne sera pas le dernier!

Elle poursuit ses études en Nouvelle-Écosse, à la St. Francis-Xavier University et devient la première bachelière ès arts acadienne. Une bourse la mène ensuite à Paris et à New York pour étudier à la maitrise. En 1947, elle est la première Acadienne à obtenir un doctorat.

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Diplômes en poche, elle retourne à l’école enseigner avec la ferme intention de transmettre le patrimoine canadien et acadien. Elle a d’ailleurs adapté le poème Évangéline pour les enfants en 1950.

Pour en savoir plus : «Marguerite Michaud», dans Acadie Nouvelle

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Marguerite Michaud. Photo: Musée acadien de l’Université de Moncton

Gabrielle Roy (1909-1983), écrivaine

Écoles à Ritchot (Man.), Edmonton (Alb.), Surrey (C.-B.), à Gloucester et Toronto (Ont.)

Gabrielle Roy est enfant au moment où l’enseignement en français est interdit dans les écoles du Manitoba. Qu’à cela ne tienne, elle se voue très jeune au théâtre, à l’écriture et à l’enseignement. Elle s’installe à Montréal à la fin des années 1930.

C’est là qu’elle écrit un premier roman, Bonheur d’occasion, qui révèle son talent pour décrire la misère des villes et qui s’impose comme premier grand roman urbain canadien. Les projecteurs se braquent dès lors sur l’écrivaine à la personnalité discrète et solitaire.

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Elle consacre sa vie à l’écriture et devient une figure incontournable de la littérature canadienne. Gabrielle Roy publie une douzaine de romans et de recueils de son vivant, presque autant paraissent après son décès.

Pour en savoir plus : Maison Gabrielle-Roy

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Gabrielle Roy, en 1946. Photo: Ronny Jaques, Bibliothèque et Archives Canada, Fonds Ronny Jaques.

Jeanne Sauvé (1922-1993), journaliste et politicienne

Écoles à Orléans et Sudbury (Ont.) et écoles d’immersion en Ontario et en Alberta

Jeanne Sauvé nait en Saskatchewan, mais grandit à Ottawa où elle fait des études au couvent puis à l’université. Jeune adulte, elle préside la Jeunesse étudiante catholique, ce qui la mène partout au Canada. Elle s’installe en 1952 à Montréal, où elle travaille comme journaliste et animatrice à Radio-Canada/CBC.

Élue députée fédérale vingt ans plus tard, elle laisse sa trace à Ottawa : elle veille à l’ouverture de la première garderie de la Colline parlementaire, devient ministre et est la première femme à présider la Chambre des Communes. Elle est ensuite nommée gouverneure générale du Canada.

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À sa retraite, elle crée la Fondation Jeanne Sauvé pour la jeunesse qui promeut l’excellence et s’adresse aux enfants doués en particulier.

Pour en savoir plus : Encyclopédie canadienne

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Jeanne Sauvé, gouverneure générale, et le maire de Vancouver Mike Harcourt, le 5 avril 1986. Photo: Glen E. Erickson, Wikimedia Commons, issu des Archives de la Ville de Vancouver

Laure Rièse (1910-1996), universitaire

École à Toronto, en Ontario

Originaire de Suisse, Laure Rièse s’établit à Toronto pour étudier la littérature française après l’avoir fait à la Sorbonne, à Paris. Elle devient la première femme de sa faculté à obtenir un doctorat, en 1946.

Elle embrasse une carrière de professeure au Collège Victoria de l’Université de Toronto et se fait un devoir de faire rayonner la culture française. Elle écrit d’ailleurs L’Âme de la poésie canadienne-française à l’intention de ses étudiants anglophones.

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Passionnée de littérature, Laure Rièse entretient des correspondances avec des auteurs canadiens, d’Hubert Aquin à Paul Wynczynski, et se met au service de la francophonie torontoise. En fin de vie, «Tante Laure» rédige des contes et les lit aux élèves de l’école qui porte son nom.

Pour en savoir plus : https://ontario400.ca/400jours/laure-riese/

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La professeure Laure Rièse. Photo: Paul Smith Photography (Toronto), avec l’autorisation de la bibliothèque du Collège Victoria (Toronto).

Sophie Morigeau (1836-1916), commerçante

École à Fernie, en Colombie-Britannique

À ce jour, la trace de Sophie Morigeau demeure mince. Née d’un père coureur des bois et d’une mère Métis de la rivière Rouge, elle vit comme elle l’entend et s’impose en femme d’affaires accomplie. Elle crée un poste de traite sur la route de la ruée vers l’or, s’approvisionne auprès d’artisans locaux, mène un ranch et fait le commerce de l’alcool.

Avec son frère, Sophie Morigeau ouvre le premier magasin général de Golden en Colombie-Britannique en 1882. On dit que cette femme libre n’a pas froid aux yeux. Ses aventures (elle se serait elle-même amputé une côte) lui valent quelques légendes et l’apparition dans des bandes dessinées qui se veulent féministes.

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Pour en savoir plus : «Sophie Morigeau: Free Trader, Free Woman» dans Recollecting: Lives of Aboriginal Women of the Canadian Northwest and Borderlands, disponible en PDF.

Blanche Bourgeois (1913-1983), enseignante

École à Cocagne, au Nouveau-Brunswick

Née à Baie-Sainte-Marie, au Nouveau-Brunswick, Blanche Bourgeois (née Schofield) embrasse une carrière en enseignement qui déborde de la salle de classe.

Pour elle, l’école, c’est l’affaire de tous. Les parents doivent s’intéresser à la vie et la réussite scolaire de leur enfant et les encourager; et chacun, qu’importe le statut social ou l’âge, doit avoir accès à l’éducation — mères au foyer incluses.

Enseignante et mère, elle se fait un devoir de faire avancer les causes qui lui tiennent à cœur en s’engageant activement dans une multitude d’associations locales, provinciales et nationales. Elle participe aussi à la mise sur pied de l’Université du troisième âge à Moncton.

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Pour en savoir plus : École Blanche-Bourgeois

Hélène Gravel (1947-2000), femme de théâtre

École à Sudbury, en Ontario

Lorsqu’elle se lance dans l’enseignement, Hélène Gravel baigne dans un environnement culturellement foisonnant. C’est le début des années 1970; les jeunes sudburois ont la piqure de la création.

À l’école secondaire où elle enseigne, elle fonde une troupe de théâtre. Les élèves ne se retrouvant pas dans le répertoire francophone écrivent donc leurs propres pièces. L’engouement est immédiat.

Les Draveurs participent à des festivals partout en Ontario, au Canada et dans le monde. Pendant la même période, Hélène Gravel assure la direction artistique du Théâtre du Nouvel-Ontario.

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Son moteur demeure cependant le théâtre jeunesse. À la fin des années 1990, elle travaille à la mise sur pied d’un programme d’études en théâtre à l’Université Laurentienne qui verra le jour après son décès.

Pour en savoir plus : «Hélène Gravel», revue Liaison

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Hélène Gravel, femme de théâtre franco-ontarienne. Photo: Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario

Jeanne Lajoie (1899-1930), institutrice

Écoles à Pembroke et à Toronto, en Ontario

Jeanne Lajoie enseigne à Pembroke, en 1923, à l’époque où le gouvernement ontarien limite sévèrement l’usage du français dans les écoles. Comme elle défie ouvertement le Règlement XVII, elle finit par être congédiée. Dans les semaines qui suivent, elle met sur pied une école libre où elle travaille sans salaire.

Elle consacre ses étés à amasser des fonds pour faire vivre son école Jeanne D’Arc qui accueille un nombre grandissant d’élèves. La tuberculose met un frein à la carrière de Jeanne Lajoie et finit par l’emporter. En 1940, l’abbé Lionel Groulx, fervent nationaliste, vantera son engagement. On a même organisé des pèlerinages vers sa tombe.

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Pour en savoir plus : vidéo du Réseau du patrimoine de l’Ontario français

Des dizaines d’autres femmes!

Ces femmes ne sont pas seules à partager leur nom avec celui d’une école de langue française; il y en a des dizaines d’autres:

Marguerite Bourgeoys et Sainte-Marguerite-d’Youville; Ida Voyer et Marie-Gaétane au Nouveau-Brunswick.

Les enseignantes Monique Rousseau en Saskatchewan, Béatrice Desloges en Ontario et Marie-Esther Robichaud au Nouveau-Brunswick.

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La fictive Évangéline et les bien vivantes Louise Charron, Claudette Tardif, Gisèle Lalonde et Antonine Maillet.

Celles qui ont marqué leur communauté comme Micheline Saint-Cyr à Toronto, et d’autres dont le nom se perd maintenant dans celui de «leur» école: Elda Rouleau, Marie Tanguay, Patricia Picknell, Charlotte Lemieux…

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