Terre-Neuve, pile et face

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Publié 13/05/2014 par Gabriel Racle

Nous connaissons Terre-Neuve plutôt du côté pile, celui qui nous regarde, surtout depuis que ce territoire britannique est entré dans la confédération canadienne le 31 mars 1949, après deux référendums âprement disputés.

Emprunter à Port-aux-Basques la route transcanadienne qui se dirige d’abord vers le Nord offre l’occasion de voir de superbes paysages, avec des anses, des caps, des villages de pêcheurs, avant d’obliquer vers le Sud pour dévaler les 130 km de la péninsule Burin pour gagner Fortune et prendre un traversier vers les îles françaises de Saint-Pierre et Miquelon

Ou l’on peut se diriger vers la capitale de la province, Saint-Jean (ou St. John’s) et gagner le sommet de Signal Hill, qui domine le port de St. John’s et en garde le goulet d’entrée. C’est de ce lieu que le 12 décembre 1901, Guglielmo Marconi a reçu le premier signal transatlantique sans fil.

On peut imaginer, en face, l’Europe, la vaste péninsule bretonne, pas si lointaine après tout, Saint Jean n’est-il pas plus proche de Paris que de Vancouver?

Un patrimoine

Entre ces deux extrémités, entre cette terre neuve et ce vieux continent, il y a tout un patrimoine historique, maritime et économique, que l’on semblait bien avoir oublié. On a beaucoup fait état, même dans des expositions canadiennes, des trésors des Incas ou de l’or du Pérou, sans parler de l’Eldorado, de cette autre mine d’or qu’était à son époque la morue.

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Mais, grâce à ce qu’un journaliste qualifie de «à livre événement», ce vide historique est comblé et de magnifique façon, qui jette un pont de plus entre le Canada actuel, mais qui ne peut ignorer son passé, et l’Europe et particulièrement la France, qui a toujours joué un rôle important dans l’histoire de ce pays.

Terre-Neuve / Terre-Neuvas>, est un ouvrage collectif publié en partenariat par le Musée de Bretagne, pour accompagner des expositions qui se tiennent dans des musées de Bretagne ou de Normandie jusqu’en octobre 2014. En 168 pages abondamment illustrées, cet ouvrage grand format (30,5×24,5 cm) explique l’histoire de cinq siècles de pêche à la morue au large de Terre-Neuve.

L’épopée morutière

Elle nous est contée en deux parties. La première concerne la pêche proprement dite, ses modalités, ses embarcations et ses bateaux, ses techniques, son matériel, ses équipements, le tout présenté et expliqué avec cartes et reproductions à l’appui. Et l’on découvre en même temps une page de l’histoire complexe de Terre-Neuve.

«La plus ancienne colonie britannique», revendication fondée sur le voyage de Cabot en 1497 et la prise de possession par Humphrey Gilbert en 1583, a été longtemps plus française qu’anglaise, mise en valeur par les marins venus des ports de Bretagne et de Normandie, les Terre-Neuvas, dont nous parle la deuxième partie du livre.

Comme l’explique le commissaire de l’exposition, pêcher la morue était un métier extrêmement difficile du temps des voiliers. Une expédition pouvait durer six mois dans le froid, l’humidité, la promiscuité sur les bateaux ou sur terre dans des baraques.

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«Il y a eu beaucoup de naufrages de bateaux. Parfois aussi, les Terre-Neuvas qu’on envoyait pêcher à la ligne dans des chaloupes subissaient une avarie ou se perdaient dans la brume et n’étaient jamais retrouvés.»

Et pourtant, la pêche à la morue constituait «une véritable aubaine pour ceux qui embarquaient, poursuit le commissaire. En moyenne, ils gagnaient le double de ce que l’on gagnait en restant à terre, et jusqu’à dix fois plus lorsque les campagnes de pêche étaient exceptionnelles. On a vu des capitaines de bateaux revenir de campagne et s’acheter une maison avec le produit de leur pêche.»

«L’aventure humaine de la grande pêche à la morue fut aussi une formidable entreprise commerciale, menée à bien grâce aux capitaux de la bourgeoisie portuaire… Passée de l’artisanat à la quasi-industrie, la pêche à la morue fut génératrice d’une économie et d’échanges de grande ampleur dans les secteurs de l’agroalimentaire et de la construction navale.» (Dossier de presse)

Deux sortes de produits étaient commercialisés. La morue verte était principalement destinée aux marchés du nord de la France. Sur le bateau, la morue était ouverte, lavée, salée et empilée. C’est ce poisson qui était appelé «morue verte».

L’autre produit était la morue sèche. Pêchée en chaloupe le long des côtes, la morue était préparée, salée et mise à sécher. Elle se conservait ainsi plus longtemps et était vendue dans le sud de la France.

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Le livre

Le livre constitue, en peu de pages, une véritable encyclopédie sur la pêche à la morue, sur les bancs et les côtes de Terre-Neuve, et une histoire que l’on ne peut ignorer, car elle nous touche de très prés.

On devrait retrouver cet ouvrage dans toutes les bibliothèques des écoles, les bibliothèques publiques et celles des personnes qu’une histoire très intéressante ne peut qu’attirer.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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