Après les Syriens et les Afghans, pourquoi pas les Haïtiens?

Haïti, migrants haïtiens
Appel à l'action à la Migration globale. Montage photos: Fondation Sylvenie Lindor.
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Publié 12/10/2021 par Annik Chalifour

Il y a trois semaines, les images des cowboys gardes-frontières du Texas pourchassant les migrants haïtiens avec fouets et cordes ont passé sous les radars de nos médias.

Depuis, plus rien, l’actualité a déjà redirigé la presse à l’affût d’autres nouvelles plus sensationnelles.

Toutefois, ces images ont eu leur moment d’outrage et d’ignominie, traumatisant les sentiments de dignité humaine inscrits dans la conscience collective.

Le président américain a promis le traitement des dossiers des migrants dans le respect des normes internationales. Pourtant les violations intenses des droits des migrants haïtiens continuent de plus belle.

Migration massive

Les déportations des Haïtiens arrivant par voie terrestre au Texas se poursuivent au taux d’environ 1000 réfugiés par jour.

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Il s’agit de gens ayant laissé le pays depuis bon nombre d’années avec leurs familles pour travailler dans des pays sud-américains comme le Brésil ou le Chili.

Tandis que d’autres poursuivent le pari suprême de leur vie. Bravant les dangers, les vagues et les requins dans des embarcations de fortune en direction des États-Unis ou d’autres îles comme les Bahamas.

1500 de ces réfugiés ont été capturés et déportés par les garde-côtes qui disposent d’avions et d’hélicoptères assignés à leur poursuite.

Entre temps, quatre agences de l’ONU ont demandé aux pays de s’abstenir d’expulser les Haïtiens, sans avoir correctement évalué leurs besoins de protection individuels conformément aux traités internationaux régissant les droits des réfugiés.

Démissions

L’envoyé spécial des États-Unis en Haïti, l’ambassadeur Daniel Foot, a remis sa démission, refusant de s’associer à la décision inhumaine de déporter des dizaines de milliers de migrants haïtiens dans un pays incapable d’assurer leur sécurité et de garantir leur survie.

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Harold Koh, le conseiller principal au département d’État américain, a également soumis sa démission pour protester contre l’application de la Loi sur la santé, Titre 42, visant à expulser les migrants haïtiens à la frontière sud des États-Unis.

Violence, kidnappings, tueries  

Au Canada, nous n’entendons plus parler du non-respect des droits de ces migrants haïtiens expulsés vers leur pays crevant dans la misère.

Daniel Blanc, policier enlevé le 30 août et retrouvé mort  le 1er sept. Photo: MIROIRINFO.

Pourtant les médias haïtiens rapportent sans relâche la violence quotidienne, les kidnappings, les tueries perpétrées par les gangs de rue ayant déclaré la guerre à la police.

Sans oublier l’insécurité alimentaire, les effets dévastateurs de la pandémie sur le système de santé déjà fragilisé, les conditions de vie misérables des milliers de sinistrés du récent séisme

Le meurtre du président Jovenel Moise a été suivi par la mise en place d’un gouvernement provisoire empêtré dans une enquête sans issue, incapable d’organiser des élections démocratiques essentielles.

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Conditions de vie des sinistrés du séisme dans le sud d’Haïti. Photo: REGOHVA.

Droits bafoués, traitements inhumains

 L’Organisation internationale pour la migration (OMI) prévoit une déportation imminente de nombreux réfugiés haïtiens de la part de cinq pays: le Mexique, Cuba, les îles Turques-et-Caïques, les Bahamas, les États-Unis.

Outre ces déportations massives, mentionnons le traitement indigne infligé aux migrants haïtiens placés en centres de détention. Sans accès à la douche ni aux soins d’hygiène quotidiens.

Chaque demandeur d’asile a le droit d’être entendu en audience formelle. En date du 5 octobre, plus de 6000 réfugiés haïtiens ont été expulsés vers Haïti sans y avoir eu droit, en violation des traités internationaux.

Des milliers de migrants haïtiens se voient ainsi nier la protection de leurs droits malgré les règles juridiques internationales dictant aux États de secourir les populations en détresse.

Ce qui est clairement le cas de ces migrants haïtiens forcés de retourner dans leur pays ravagé par l’instabilité politique chronique, la violence économique, l’insécurité alimentaire.

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Accueil des migrants haïtiens  

Advenant l’accueil possible de migrants haïtiens au Canada, certains organismes de bienfaisance comme le Regroupement des organismes haïtiens pour des actions communautaires à haute valeur (REGOHVA) peuvent envisager de prêter main-forte.

Le REGOHVA vise à apporter un soutien aux nouveaux arrivants haïtiens ayant besoin d’aide au cours de leur processus d’établissement à Welland (sud de l’Ontario).

Des membres du REGOHVA au Canada Day Memorial Park à Welland. Photo: REGOHVA.

L’aide qu’entend procurer le REGOHVA comprend un ensemble de services personnalisés: la recherche d’écoles, d’emploi, de logement et de services en immigration.

Cet appui s’avère particulièrement utile lorsque les nouveaux arrivants haïtiens ne possèdent pas les compétences langagières dans les deux langues officielles. Cela peut notamment être le cas de milliers de migrants haïtiens créolophones ayant vécu en Amérique du Sud.

Nombre d’organismes torontois et ailleurs au pays peuvent certainement se mobiliser autour d’un tel projet humanitaire d’envergure axé sur le respect des droits humains.

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Négocier avec les États

En attendant de trouver des solutions systémiques et durables aux problèmes de sécurité et de survie à la source des mouvements de populations haïtiennes, le Canada peut s’impliquer dans une approche raisonnable et humanitaire.

Par exemple, négocier avec les pays cités plus haut dans le but de sélectionner un pourcentage de réfugiés haïtiens en vue d’immigration conditionnelle au Canada. Comme on le fait présentement pour les Afghans et l’a fait pour les Syriens.

La complaisance, l’apathie, l’indifférence sont complices des violations des droits humains, de la vulnérabilité et de la misère infrahumaine.

Serait-ce que l’Afghanistan et la Syrie jouent un plus grand rôle dans la politique étrangère des États-Unis et de ses alliés, mais pas Haïti.

Pourtant la détresse de ces milliers de migrants haïtiens demeure criante. Le Canada se doit d’agir.

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Cet article a été rendu possible grâce à l’apport de Dr Éric A. Pierre, président-fondateur de Pierspective Entraide Humanitaire (Toronto), Amikley Fontaine, président-fondateur de la Fondation Sylvenie Lindor (Toronto), Naromie Azar Charles, présidente-fondatrice du REGOHVA (Welland).

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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