Solide romancier et fin limier

«L’Inspecteur Dalil à Paris»: un Colombo à la sauce marocaine par Soufiane Chakkouche

Soufiane Chakkouche, L’Inspecteur Dalil à Paris, roman policier, Marseille, Éditions Jigal, 2019, 192 pages, 25 $.
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Publié 09/02/2020 par Paul-François Sylvestre

Vingt-trois policiers, un traître, deux terroristes et deux civils laissent leur peau dans L’Inspecteur Dalil à Paris, second roman de Soufiane Chakkouche qui fut finaliste du Grand Prix de littérature policière 2019.

L’auteur marocain a étudié à Paris et vit maintenant à Toronto. Son polar a des tonalités de Françafrique ou d’Afrifrance.

Colombo marocain

En 2013, Soufiane Chakkouche a publié L’Inspecteur Dalil à Casablanca. Il transporte maintenant son Colombo à la sauce marocaine piquante à Paris.

Inspecteur à la retraite, 60 ans, Dalil a été choisi pour mener une enquête avec le patron du 36 Quai des Orfèvres, le commissaire Maugin, souvent appelé Machin. Les deux hommes ne se chauffent pas du même bois dans leurs techniques interrogatoires.

Invention diabolique

Un étudiant marocain à Paris vient d’être enlevé. Or, il se préparait à défendre une thèse sur le transhumanisme, sur l’implantation d’une micropuce qui, une fois reliée au cerveau humain, permettrait non seulement de se connecter directement à Internet, mais aussi de multiplier à l’infini les facultés du greffé.

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Puisqu’une telle invention diabolique intéresse beaucoup de monde, services secrets et groupes terroristes compris, Dalil et Maugin devront tout tenter pour désamorcer cette bombe d’une puissance inédite.

Le romancier multiplie et brouille les pistes à bon escient. Il décrit avec brio comment tout oppose les deux hommes et les deux cultures policières.

Remarques stratégiques

Soufiane Chakkouche aime glaner son intrigue de remarques stratégiques. Il écrit, par exemple, que «les détails sont à l’enquête policière ce que les batailles sont à la guerre et que la solution réside forcément dans les détails non encore compris».

On encore: «Lorsque le but est de sauver des vies humaines, seule la fin compte, peu importe les moyens.» L’auteur souligne aussi que «l’évidence est rarement visible, et pas forcément vérité». Dalil n’attend d’ailleurs pas que la vérité lui saute aux yeux, il la traque.

Des poulets au 36

L’inspecteur Dalil est meilleur limier de la langue française que le commissaire Maugin. L’auteur lui fait parfois glisser quelques remarques linguistiques, notamment sur l’origine du mot «poulet» pour désigner un policier.

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Le 36 Quai des Orfèvres, siège pendant un siècle de la police judiciaire de Paris, a été bâti sur l’emplacement d’un ancien marché de volailles, ce qui explique que les policiers sont souvent appelés des poulets. En passant, dans le roman, le 36 Quai des Orfèvres est parfois nommé tout simplement «le 36» ou encore «le 30+6».

Âne, chien, chat

Quand Dalil utilise l’expression «vendre mon âne», le commissaire français ne sait pas de quoi l’inspecteur marocain parle. Ce dernier explique qu’il s’agit d’une expression de chez-lui, similaire à «jeter sa langue aux chiens». Maugin le corrige aussitôt: «On dit chez nous donner sa langue au chat.»

Dalil a le dernier mot en précisant que l’expression «donner sa langue au chat» n’est apparue qu’au XIXe siècle. Auparavant, on disait bien jeter sa langue aux chiens, comme l’a écrit Madame de Sévigné.

La voix de la conscience

Un personnage du roman n’existe que dans la tête de Dalil; il s’agit de Petite voix, «espèce de conscience ébouriffée qui lui souffle des conseils» et à laquelle l’inspecteur répond parfois, allant même jusqu’à la rabrouer. Ce personnage permet à l’auteur de donner libre cours à son sens de l’humour.

Le roman compte 21 chapitres, puis un court chapitre 0. Je ne sais pas ce que vous comprendrez après la lecture de ces deux dernières pages et demie qui semblent offrir diverses interprétations. En ce qui me concerne, je me suis demandé si Soufiane Chakkouche n’a pas cherché à mettre la table pour sa prochaine enquête de l’inspecteur Dalil…

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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