Soirée «scène ouverte» pour motiver les jeunes du Nunavut

Pas besoin de karaoké, ils connaissent les paroles des chansons par cœur

Cape Dorset Nunavut
Un événement populaire chez les jeunes de Cape Dorset au Nunavut.
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Publié 17/03/2018 par Julien Lagarde

19h20: ils sont déjà quelques-uns, trépignant d’impatience, à passer la tête par la porte du petit studio de la salle communautaire. Comme chaque jeudi soir à Cape Dorset (petite localité du sud-ouest de l’Ile de Baffin), le KPAC (Kinngait Performing Arts Club) propose à toute la communauté une «scène ouverte».

À partir 19h30, la plupart des participants se présentent.

Bien qu’ouvert à tous, ce rendez-vous rassemble essentiellement des jeunes, de 8-9 ans pour les plus petits jusqu’à 16-17 ans pour les plus âgés.

De nombreux instruments de musique sont installés sur la petite scène et mis à disposition des intéressés: une batterie électronique, deux guitares électro-acoustiques, une guitare basse et un piano. Trois micros sont également disposés au centre de la scène, prêts à accueillir les apprentis chanteurs.

Les lumières sont tamisées et quelques spots donnent au studio une véritable ambiance de concert.

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Les murs sont couverts d’affiches de films et d’affiches évoquant des messages inspirants et motivants pour les jeunes visiteurs. Car une des missions du KPAC, au-delà de l’expérience musicale, consiste à donner aux adolescents l’occasion de mieux se connaître et de prendre confiance en eux.

Cape Dorset Nunavut
Scott, l’organisateur, s’assure que les instruments sont bien accordés.

Quatrième saison

Avant l’arrivée des jeunes, Scott et Claude, les deux adultes qui organisent et supervisent ces soirées, peaufinent les derniers détails. Ils s’assurent que les instruments sont bien accordés et que le système de son fonctionne correctement.

Chaque fois, ils sont aidés par deux élèves de l’école secondaire qui ont la mission d’animer la soirée.

Le KPAC en est à sa 4e saison, m’informe Scott, enseignant à l’école élémentaire. Content d’offrir à ces jeunes une opportunité de développer leur fibre artistique, Scott m’explique qu’il s’agit aussi d’un temps de récréation pendant lequel une grande liberté est laissée aux enfants.

Il est important, selon lui, de ne pas reproduire les mêmes schémas qu’à l’école, mais bien d’offrir une expérience différente et unique aux jeunes, ainsi qu’un environnement parascolaire motivant.

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Certains viennent donc au KPAC pour chanter, d’autres pour s’essayer à la pratique d’un instrument ou tout simplement assister au spectacle et applaudir leurs amis.

Cape Dorset Nunavut
Les premiers arrivés s’exercent à la pratique des instruments.

Jouer, chanter et s’amuser

Ce soir-là, ils sont une bonne vingtaine à venir occuper les deux confortables sofas et les chaises disposés face à la petite scène.

La soirée commence par quelques minutes pendant lesquelles les jeunes peuvent aller sur scène pour jouer de façon informelle – et souvent cacophonique il faut l’avouer – de leur instrument préféré.

Quelques-uns s’emparent des micros et reproduisent la gestuelle de leurs artistes préférés. Un garçon tape avec frénésie sur la batterie électronique pendant que ses amis attendent leur tour. Deux copines tentent d’ignorer la confusion générale afin de jouer quelques accords au piano.

Les autres enfants commencent à s’installer ou s’emparent de la liste de passage qui circule afin d’y inscrire leur nom et le titre de la chanson qu’ils souhaitent interpréter.

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Vers 20h, assises derrière la table de mixage, les deux animatrices récupèrent la liste de passage et demandent à tout le monde de descendre de la scène afin de prendre place. Ces soirées «scène ouverte» ressemblent la plupart du temps à une sorte de karaoké.

Cape Dorset Nunavut
La salle se remplit en attendant le début du spectacle.

Chansons par coeur

La majorité des jeunes ne sachant pas jouer d’un instrument, ils optent pour le chant. Inutile pour eux d’avoir les paroles projetées sur l’écran, ils les connaissent par cœur.

Ce sont Manumikala et Qavavau, deux garçons de l’école élémentaire, qui sont appelés sur scène les premiers. Les casquettes vissées sur la tête et les capuches relevées trahissent une gêne évidente.

Les garçons attendent que l’animatrice lance la chanson pour commencer à chanter timidement, laissant souvent la bande-son couvrir leurs voix. Les autres observent et écoutent, laissant parfois échapper quelques rires, souvent bienveillants.

La grande majorité des chansons choisies sont en anglais. Cependant, certains titres chantés en Inuktitut reviennent assez fréquemment, notamment les chansons du groupe Twin Flames, particulièrement prisées du jeune public.

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Pendant la pause, les jeunes reçoivent une collation bien méritée.

Une initiative au service des jeunes

À 20h30, les animatrices annoncent une petite pause. Les jeunes quittent le petit studio et s’enlignent dans le foyer de la salle des fêtes afin de recevoir une collation: un fruit, un yaourt en tube et un fromage. Cet incitatif est aussi l’occasion pour les organisateurs de s’assurer que ces jeunes ont accès à un apport nutritionnel minimum.

Claude, membre de l’Administration scolaire de district (ASD), me précise qu’une partie de l’argent qui a permis la création de ce programme provient du ministère de la Santé. Pour le reste, il compte beaucoup sur les levées de fonds pour continuer à faire vivre ce rendez-vous hebdomadaire si cher à la jeunesse de Cape Dorset.

Après la collation, la soirée se poursuit jusqu’à 21h, moment lors duquel les plus jeunes, qui ont moins de 13 ans, sont priés de quitter les lieux et rentrer chez eux. Pour les plus âgés, le karaoké s’achèvera à 22h.

Blagues en inuktitut

Même si parfois des adultes se joignent à la fête, Scott et Claude me confirment que les jeunes restent très majoritaires.

Ce soir-là, malgré tout, des parents viennent pour la première fois accompagner leurs enfants.

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La maman m’explique qu’elle est ravie de voir se concrétiser un tel projet. Elle m’explique que pour ses enfants, comme pour beaucoup d’autres dans la communauté, la musique tient une très grande place.

21h30: le studio s’est quelque peu vidé et les plus âgés ne sont pas aussi enclins à se présenter sur scène. Les animatrices en profitent pour jouer les DJ et faire tourner en boucle les morceaux du moment.

Ivan, un élève de 9e année, prend le micro et se met à raconter quelques blagues en inuktitut. Pantois, j’essaie d’imaginer la teneur des propos de notre humoriste en herbe, mais l’hilarité de l’auditoire me convainc très rapidement du talent du jeune homme.

À 22h, les deux animatrices annoncent la fin de la soirée et n’attendent pas que tout le monde soit sorti pour déjà commencer à ranger les chaises. Chacun se rhabille chaudement pour affronter le froid et rentrer chez soi.

Scott ferme la porte de la salle des fêtes avant d’y verrouiller le cadenas et donner rendez-vous à tout le monde dans une semaine.

Auteur

  • Julien Lagarde

    Globe-trotteur dans l'âme, passionné de sport et friand d'actualités en tout genre, Julien est enseignant en sciences sociales et vit actuellement au Nunavut.

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