Services de santé en français: mieux planifier dans le Grand Toronto

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Solange Belluz, présidente du conseil d’administration de l'Entité 3, Zahra Diallo, agente de planification, Constant Ouapo, directeur général, Mamoudou Ndao, agent aux finances et aux ressources humaines, Patricia Sidhom, secrétaire, membre du comité exécutif du CA, Pénayori Félicité Ouattara, agente de planification. Photo: Entité 3.
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Publié 01/04/2022 par Clément Lechat

Comment améliorer l’accès aux services de santé en français dans le Grand Toronto? C’est une question difficile, mais cruciale pour la communauté qui a animé les participants du forum de l’Entité 3 le 25 mars.

L’agence de planification de services de santé en français a convié les experts du secteur au Collège Boréal pour parler de leurs initiatives.

santé, Entité 3
Solange Belluz.

«Notre mission est d’établir des partenariats stratégiques et d’assumer un rôle de leadership dans la planification, l’élaboration et la mise en œuvre des services de santé en collaboration avec la communauté francophone, le système de santé publique et les fournisseurs de services de santé grâce à la sensibilisation à l’offre active en français», résumait en septembre 2020 sa présidente, Solange Belluz.

L’Entité 3 a vu son mandat étendu jusqu’en 2023. l-express.ca dresse le panorama des défis qui attendent les planificateurs.

Droit à la santé en français

La Loi sur les services en français de l’Ontario, modernisée à l’automne, a réaffirmé le droit d’accéder aux services de santé en français dans les 26 régions désignées.

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santé, Entité 3
Marie-Lison Fougère.

«On cherchait à clarifier et renforcer certaines obligations», explique Marie-Lison Fougère, sous-ministre aux Affaires francophones.

L’innovation la plus importante concerne le principe de l’offre active, qui est désormais intégrée et définie dans la Loi. C’est-à-dire que les services en français doivent être indiqués et communiqués au client dès le premier contact.

«Les francophones ont des droits. Et ces droits-là, il ne faut pas qu’ils crient et réclament pour les avoir. Il faut que les fournisseurs de services mettent en place les mécanismes nécessaires pour les offrir proactivement aux francophones», explique Tharcisse Ntakibirora, spécialiste chargé de la planification au RLISS du Centre-Toronto.

La Loi prévoit qu’un règlement définira «les mesures de base que tous les organismes devront mettre de l’avant», rapporte Marie-Lison Fougère. «Il se penchera sur le comment de l’offre active, de sorte qu’il y ait une certaine uniformité dans les pratiques des organismes.»

commissaire aux services en français de l'Ontario
Kelly Burke.

Cette modernisation intervient alors que les plaintes visant le ministère de la Santé représentaient 15,4% des cas examinés par Kelly Burke, la Commissaire aux services en français. Ce, sur les 351 plaintes examinées du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021 par son bureau.

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Dans son dernier rapport rendu public le 7 décembre, Kelly Burke a présenté une boussole pour mesurer l’efficacité des services en français à l’aide de quatre critères. Deux jours plus tard, la version modernisée de la Loi sur les services en français recevait la sanction royale.

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La Boussole CSEF de Kelly Burke.

Planifier dans le Grand Toronto

Face au fossé entre théorie et réalité, les six organisations ontariennes de planification sont en première ligne, comme l’Entité 3. Elles collaborent avec les fonctionnaires de Santé Ontario, l’organisme du gouvernement provincial créé en 2018, et d’autres organisations.

santé, Entité 3
Tharcisse Ntakibirora.

Il existe trois catégories pour classifier les fournisseurs de services: non-désignés non-identifiés, identifiés, désignés. Le rôle des agences de planification est alors d’identifier les fournisseurs potentiels et de les accompagner pour qu’ils mettent progressivement en place des services en français.

«On travaille pour mettre en place un plan pour les aider à aller de l’avant et satisfaire au plus grand nombre de critères sur les 20 critères critiques que nous utilisons pour évaluer la capacité d’une agence à devenir désignée», résume Tharcisse Ntakibirora.

C’est le cas du Centre de santé communautaire Rexdale, à Etobicoke. Il cherche à obtenir le statut d’institution partiellement désignée.

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santé, Entité 3
Le centre de santé communautaire Rexdale.

«La collectivité que nous servons est diverse. Beaucoup sont des réfugiés, des nouveaux arrivants aux faibles revenus, des familles et des individus racialisés», résume, Safia Ahmed, directrice générale.

En 2016, le Centre a décidé qu’il était temps d’agir et a mené une étude auprès de la population francophone locale en pleine croissance. «Nous avons remarqué que beaucoup de francophones se déplaçaient au centre-ville de Toronto pour accéder à des services sociaux et de santé de base», explique Mme Ahmed.

15% des sondés consultaient un docteur francophone, alors qu’un total de 78% voulaient être servis en français.

Après plusieurs années d’efforts, le centre Rexdale emploie aujourd’hui du personnel bilingue, un médecin, un thérapeute en santé mentale et un travailleur de santé communautaire.

Estelle Duchon santé CFGT
Estelle Duchon, la directrice des services de santé du Centre francophone du Grand Toronto.

Priorité aux aînés

En plus des nouveaux arrivants, les aînés francophones sont au cœur de la stratégie de planification. Ils représenteront 22,2% de la population ontarienne en 2046 selon le ministère provincial des Finances.

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Offrir des services en français aux aînés est d’autant plus nécessaire que la langue seconde peut se perdre avec l’âge. «On sait à quel point c’est important pour les problématiques de démence d’être diagnostiqué en français», souligne Estelle Duchon. L’ex-directrice générale de l’Entité 4 est maintenant directrice des services de santé du Centre francophone du Grand Toronto (CFGT).

Le CFGT a donc spécialement formé deux médecins, infirmières et travailleurs sociaux pour effectuer ces diagnostics avec l’aide d’un gériatre.

Les mêmes problématiques se retrouvent dans les établissements de soins de longue durée. L’Entité 3 appuie présentement le centre Bennett de Georgetown pour y ouvrir 32 lits francophones. Ils devraient voir le jour en 2025 lors de l’inauguration du nouveau bâtiment.

Bennett
Le nouveau Centre Bennett sera construit au 225 Halton Hills Drive en face de l’hôpital de Georgetown et du Gallery Active Living.

«L’unité francophone sera dotée d’une équipe de soin bilingue. Des éléments de la culture francophone et de sa diversité culturelle seront intégrés dans les activités et les ressources, comme les livres, les films et les journaux disponibles», étaye Mike Bakewell, directeur général du Centre.

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Mike Bakewell.

En même temps que l’ouverture de lits francophones, le centre Bennett inaugurera une unité dédiée aux aînés en prise à des problèmes de santé mentale. «Près de 85% des résidents qui arrivent aujourd’hui souffrent de démence», indique M. Bakewell. Le projet est à l’étape de la planification et ne prévoit pas que les employés de cette unité parlent français.

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Soins virtuels: la solution?

Pour contrer la pénurie de professionnels francophones ou bilingues compétents, une solution qui revient en boucle serait de dématérialiser les rendez-vous médicaux. Cette piste est encore plus intéressante pour ceux qui ne vivent pas dans l’une des 26 régions désignées.

L’option du distanciel est-elle réaliste?

santé, Entité 3
Donna Kline.

L’Ontario pourrait capitaliser sur les acquis de la pandémie. «Avant la covid, moins de un pour cent des soins primaires avaient lieu virtuellement. Au somment de la covid, ce chiffre est passé à 67%», rapporte Donna Kline, cheffe des communications chez Santé Ontario.

Du côté du Centre francophone, «au cœur de la pandémie, on était probablement à 70 ou 80% de nos services de soins primaires qui étaient offerts en mode virtuel», note Estelle Duchon.

santé, Entité 3
Sean Court.

Sean Court, sous-ministre adjoint de la Santé, fait partie de ceux qui y croient. Mais il pense que la solution n’est viable qu’à condition de continuer les efforts pour encourager plus de francophones à se lancer dans le milieu de la santé.

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N’y aurait-il pas un juste équilibre entre soins présentiels et virtuels? Dona Kline assure que Santé Ontario se pose la question.

Former et rechercher

De son côté, le monde universitaire francophone s’implique lui aussi pour appuyer les efforts en matière de ressources humaines. Le campus torontois du Collège Boréal est en première ligne.

C’est ici qu’il offre deux programmes, de soins infirmiers auxiliaires et de préposé de soutien aux soins personnels, desquels 50 professionnels sortiront diplômés d’ici à la fin de l’été.

Yann Vivette Tsobgni, Institut Résiliences
Gilles Marchildon.

«Je suis très fier du rôle que joue le Collège dans le domaine de la santé», a dit Gilles Marchildon, directeur du campus de Toronto. Une annonce prochaine «soulignera de nouveau notre rôle d’appui et de leadership dans ce domaine», ajoute-t-il.

À l’Université de l’Ontario français (UOF), située à deux pas du Collège Boréal, on réfléchit à des microprogrammes pour outiller les professionnels de la santé. «On sait qu’il va y avoir une demande pour ça dans une période où l’offre active va devenir de plus en plus importante», commente le recteur Pierre Ouellette.

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UOF, Pierre Ouellette
Pierre Ouellette.

Afin de «mieux comprendre et donner une orientation pour les nouvelles initiatives en santé», l’UOF veut se rapprocher de la communauté francophone et s’appuyer sur son corps professoral universitaire.

Le domaine de la santé mentale et de la psychologie manque cruellement de francophones. Pour répondre aux besoins, l’Université envisage de nouer des partenariats pour voir s’il est possible de créer un nouveau programme.

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