Roman axé sur une monstrueuse amertume

roman, Stéphane Brulotte, Le Vol de l’urubu
Stéphane Brulotte, Le Vol de l’urubu, roman, Montréal, Éditions Libre Expression, 2023, 272 pages, 29,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 02/12/2023 par Paul-François Sylvestre

Connu au théâtre et à la télévision, Stéphane Brulotte publie un premier roman, Le Vol de l’urubu, qui met en scène les phénomènes de la violence et de la masculinité toxique. On navigue dans l’esprit trouble de deux hommes dont la mémoire «est engourdie par la peur, cette araignée qui vous paralyse le cerveau».

Richard et Benoît sont les deux hommes. Le premier revient blessé et semi-amnésique d’un jogging qui a visiblement mal viré, et s’apprête à vivre les heures les plus angoissantes de sa vie.

Le second a un passé compliqué entre motards, drogue et prison, ce qui aiguise son mauvais caractère. Il réfléchit avec émotion à la maladie malheureusement déjà avancée qu’on vient de lui diagnostiquer.

Roman noir compliqué

L’action de ce roman noir psychologique assez troublant a pour témoins des urubus au plumage noir. Ils demeurent tellement discrets que le titre du livre me semble mal choisi.

Ce qui est nettement plus présent, ce sont des extraits d’un mémoire de maîtrise sur la loi de la sélection naturelle chez Darwin. Mais le lien avec l’action est loin d’être évident. Y en a-t-il vraiment un…?

Publicité

Stéphane Brulotte semble avoir écrit son premier roman avec la ferme intention de désorienter son lectorat, de brouiller le dénouement de l’intrigue. Il ne croit pas à la vertu d’une histoire qui a un début, un milieu et une fin (dans cet ordre), encore moins à des personnages qui tissent des liens solides.

Ici, tout est complexe et compliqué.

Portraits réussis

En revanche, le romancier sait décrire avec brio et en une seule phrase des personnages secondaires.

Même si un jeune universitaire n’a pas l’habit d’un jésuite, «avec son visage émacié, son teint pâle et sa calvitie précoce, [il] avait des airs de chartreux».

Plus loin, un prof de peinture est surnommé Picasso parce que, «avec son visage anguleux, son nez crochu et ses yeux dépareillés, il avait l’air d’un portrait cubiste ambulant».

Publicité

Benoît s’adonne justement à la peinture. Après avoir étudié le talent fougueux de Monet, les couleurs pures et vierges de Cézanne, la ferveur érotique de Gauguin et le feu d’artifice de Matisse, Benoît trouve sa voie. «Fauve, Naïf. Lumineux. Voilà ce qu’il serait.»

Lilas névrotique et chien empathique

Le style de Brulotte est finement ciselé. J’ai particulièrement aimé sa façon de jouer sur les tonalités d’une couleur lorsqu’il écrit: « Lui qui détestait le lilas névrotique, qui méprisait l’indigo dépressif ou le soporifique lavande, voilà qu’il était assailli par le soleil et ses rayons ultraviolets…»

Ou encore cette façon érudite de décrire un chien empathique: «Tel Argos qui fut le seul à reconnaître Ulysse de retour à Ithaque, cet animal semblait être le seul à voir en Benoît un être humain.»

Le Vol de l’urubu est un roman où un personnage peut en venir à vouloir se vomir lui-même… Où un homme cherche par tous les moyens à se débarrasser de son ignominie… Où des situations conduisent un être humain à gerber la monstrueuse amertume qui l’avilit.

Avant d’avoir écrit ce roman, Stéphane Brulotte avait publié quatre pièces de théâtre: Dans l’ombre d’Hemingway, Une partie avec l’empereur, Le fou de Dieu et Besbouss, autopsie d’un révolté, toutes chez Dramaturges Éditeurs.

Publicité

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur