Roman atypique à l’allure de livre savant

Perdue au bord de la baie d’Hudson

Micheline Marchand, Perdue au bord de la baie d’Hudson, roman, Ottawa, Éditions David, coll. 14/18, 2020, 236 pages, 16,95 $.
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Publié 05/04/2020 par Paul-François Sylvestre

«On ne peut pas se nourrir de colère, d’amertume et de regret […], car la survie n’est pas un acte égoïste, mais un impératif.» Voilà qui résume assez bien le tout dernier roman de Micheline Marchand, Perdue au bord de la baie d’Hudson. Destiné à un public ado, l’ouvrage intéressera tout autant un lectorat adulte.

La protagoniste du roman se prénomme Zoé, une adolescente qui est mal dans sa peau. Pour affronter ses démons et vaincre la culpabilité qui la tenaille, elle s’enfuit d’Ottawa et se réfugie chez son cousin à Churchill, au nord du Manitoba, au bord de la baie d’Hudson.

Et le personnage principal et la romancière ont des racines métisses et franco-ontariennes.

Triple histoire

Perdue au bord de la baie d’Hudson se loge presque à trois enseignes.

D’abord un roman d’aventure où l’extrême froid et l’ours polaire jouent un rôle de premier plan.

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Ensuite un roman psychologique où même si «on a beau courir, on reste toujours collé à soi-même».

Enfin, un roman policier où on cherche le motif de la culpabilité qui assaille Zoé.

Ce motif est dévoilé au compte-gouttes, comme un suspense. Il s’agit d’une condition qui incite Zoé à se tailler les bras, car sentir une douleur physique a le pouvoir d’atténuer une souffrance émotionnelle mille fois plus insoutenable. «Quand j’ai senti ma douleur physique étouffer ma douleur intérieure, j’ai cru avoir trouvé ma sortie de secours.»

L’intrigue menée avec maîtrise et avec moults rebondissements illustre fort bien comment les gens de Churchill sont débrouillards et résilients. Ces traits caractéristiques aident Zoé à gagner de la confiance et à se sentir plus forte.

Nature puissante

Parlant de force, Micheline Marchand a le don de montrer avec brio comment «la force de la nature est souvent supérieure à la volonté des êtres humains». Sa description d’un blizzard n’a rien à envier à ce que Saint-Jean Terre-Neuve a vécu à la mi-janvier.

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Pour décrire un personnage très secondaire, l’auteure souligne que le côtoyer «c’est écouter un audio livre savant qui n’a pas de bouton d’arrêt».

Or, elle agit elle-même de cette façon en glissant constamment des références historiques, culturelles, géographiques ou climatologiques qui colorent chacune à leur façon le récit. On apprend, par exemple, que Churchill est un écotone, c’est-à-dire une zone de transition, «la jonction entre la baie d’Hudson, la toundra et la taïga».

Thanadelthur

La plus grande originalité de ce roman réside dans le fait qu’on lit parallèlement deux histoires, celle de Zoé et celle de Thanadelthur, une jeune femme dénée dont les talents diplomatiques ont conduit à la signature d’un accord de paix entre les Dénés et les Cris vers 1717.

Négociatrice habile, Thanadelthur a joué un rôle considérable dans le début des relations commerciales entre les Dénés et la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui ont duré plus de deux siècles.

Le 11 août 2017, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a dévoilé une plaque honorant Thanadelthur, décédée exactement 300 ans plus tôt. Je ne serais pas surpris que Micheline Marchand ait assisté au dévoilement de cette plaque.

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Chose certaine, elle a soigneusement arpenté tous les coins de Churchill et le bord majestueux de la baie d’Hudson. Le résultat est un roman d’une grande sensibilité.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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