Ristigouche: la bataille qui a scellé le sort des Français et des Acadiens

bataille de Ristigouche
Le Machault est le navire qui a tiré les derniers coups de canons français lors de la guerre de Sept Ans, en Nouvelle-France. Photo: Domaine public, Wikimedia Commons
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Publié 10/08/2025 par Marc Poirier

En juillet 1760, par l’un de ces hasards de l’Histoire, des soldats français, des Acadiens, des Autochtones et quelques Canadiens se retrouveront au fond de la baie des Chaleurs pour livrer l’ultime affrontement de la Nouvelle-France. C’est la bataille de Ristigouche.

C’était la mission de la dernière chance pour sauver le Canada. Après la chute de Québec, en septembre 1759, Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial – qui sera le dernier gouverneur de la Nouvelle-France – est retranché à Montréal. Il lance un appel à l’aide en France pour obtenir des renforts et tenter de reprendre Québec aux Britanniques.

Vaudreuil demande 4000 hommes. Or, la France est aux prises avec les combats en Europe découlant la guerre de Sept Ans, qui en est dans sa quatrième année. Finalement, ce n’est que 400 hommes qui sont envoyés à bord d’une flottille de six navires armés.

L’expédition est menée par François Chenard de la Giraudais, alors que les troupes sont commandées par Gabriel-François d’Angeac.

Débâcle puis changement de cap

Les «renforts» quittent Bordeaux le 10 avril 1760. Dès le début, c’est la débâcle: le convoi est attaqué par des navires britanniques. Seules trois unités réussissent à s’échapper: le Machault (navire amiral), le Bienfaisant et le Marquis de Malauze.

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À la mi-mai, la flottille atteint les Îles-de-la-Madeleine, où elle capture un navire ennemi en route pour Québec. Les Français apprennent alors de leurs prisonniers qu’une flotte britannique l’a précédé et s’est déjà engagée dans le fleuve Saint-Laurent.

La décision est alors prise qu’il serait trop dangereux de gagner Montréal et qu’il serait plus sage de se réfugier dans la baie des Chaleurs.

Vers le 18 mai, les Français sont au fond de la baie. Les troupes débarquent sur la rive Nord et construisent rapidement une batterie un peu en amont de l’embouchure de la rivière Ristigouche, dans un secteur qui sera appelé pointe à la Batterie.

L’officier Antoine-Charles Denys de Saint-Simon reçoit alors comme mission de se rendre à Montréal, à pied, pour informer le gouverneur Vaudreuil de la situation. Saint-Simon ne prend que 25 jours pour arriver à destination, vers la mi-juin.

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La bataille a eu lieu dans l’embouchure de la rivière Ristigouche, dans la baie des Chaleurs. Photo: Datawrapper

Petite-Rochelle: un retranchement acadien

Les troupes françaises ne sont pas seules, car l’embouchure de la rivière Ristigouche est devenue un lieu de refuge pour des centaines d’Acadiens fuyant la Déportation.

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Les premiers sont arrivés à l’été 1758, en provenance de l’Île-Royale (Cap-Breton), après la chute de Louisbourg et accompagné de quelques soldats français. Près de la rivière Ristigouche, sur la rive Nord de la baie des Chaleurs, ces Acadiens ont fondé un petit établissement qu’ils ont nommé Petite-Rochelle.

L’année suivante, un groupe encore plus important d’Acadiens s’y rend. Ils ont réussi à quitter l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), alors que les forces britanniques avaient entrepris de vider l’endroit de ses habitants.

D’autres Acadiens, mourant de faim au camp d’Espérance, à la rivière Miramichi au Sud de la péninsule acadienne, viennent trouver refuge à la Petite-Rochelle. Enfin, un autre groupe, provenant de la Gaspésie, migre au fond de la baie des Chaleurs après que des troupes britanniques ont détruit leurs villages.

Vers 1760, l’établissement de Petite-Rochelle compte environ 1000 personnes. Mais elles sont dans un état de privation extrême.

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Les trois navires français réfugiés au fond de la baie des Chaleurs: le Marchault, le Bienfaisant et le Marquis de Malauze. Photo: Claude Joseph Vernet, 1773, Domaine public, Wikimedia Commons

Les Britanniques attaquent

Les Britanniques sont rapidement mis au courant de la présence des navires et des troupes françaises dans la baie des Chaleurs. Deux expéditions sont montées en quelques jours pour les déloger.

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De Québec, un escadron de six navires prend la mer, mais prendra beaucoup de détours et n’arrivera qu’après la fin de la bataille.

Au même moment, à Louisbourg, le gouverneur de l’île Royale et de l’île Saint-Jean, Edward Whitmore, envoie le capitaine John Byron à la tête d’une flottille de cinq navires.

Byron et ses troupes quittent l’île Royale le 23 juin. Deux jours plus tard, ils sont dans la baie des Chaleurs, prêts à l’attaque. Il a avec lui 1700 soldats. Pour leur faire face, les Français ne peuvent compter que sur 200 soldats réguliers, environ 300 Acadiens et un nombre indéterminé de guerriers autochtones.

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John Byron a mené les troupes britanniques lors de la bataille de Ristigouche. Photo: Wikimedia Commons, domaine public

Les navires britanniques tentent de s’approcher, mais, ignorant la position des chenaux navigables, plusieurs bâtiments s’enlisent ou s’engagent dans des culs-de-sac. De son côté, Giraudais a sabordé plusieurs de ses petites embarcations pour leur rendre la tâche encore plus difficile.

Malgré tout, la flottille de Byron continue d’avancer. Le 2 juillet, les soldats britanniques débarquent et incendient l’établissement acadien de Petite-Rochelle. Les habitants et les soldats français s’étaient déjà retranchés plus creux dans la baie, rejoignant le cœur des troupes d’Angeac.

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Giraudais fait couler d’autres embarcations et place, en arrière, le Machault, à l’embouchure de la rivière Ristigouche. Les navires britanniques parviennent tant bien que mal à contourner les embarcations françaises échouées. Dans la nuit du 7 juillet, ils sont devant le navire amiral français.

L’affrontement final va commencer. Les Britanniques disposent de 56 canons; les Français, une vingtaine. Peu avant midi, le Machault n’a presque plus de munition ni de poudre et commence à prendre l’eau. Giraudais et ses hommes abandonnent le navire.

À midi, on fait sauter le Machault et, 15 minutes plus tard, le Bienfaisant subit le même sort. C’est la fin.

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Cette maquette du navire amiral, le Machault, est dans le hall d’entrée du centre d’interprétation de la Bataille de la Ristigouche. Photo: ChristianT, Wikimedia commons CCA 3.0

Le début de la fin

Byron reste dans les environs pendant une dizaine de jours et repart à Louisbourg, sans faire de prisonniers, sa mission étant d’anéantir la flottille française. Bilan de la bataille de Ristigouche: une trentaine de morts et de blessés du côté français, contre 24 chez les Britanniques.

Alors que Giraudais retourne en France au mois d’août avec une partie de ses hommes, d’Angeac reste sur place.

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Après la capitulation de Montréal, le 8 septembre, un major britannique est envoyé à Ristigouche, porteur d’une lettre du gouverneur Vaudreuil l’enjoignant à se rendre. Le 30 octobre, d’Angeac et le reste des soldats embarquent pour la France.

Quant aux Acadiens et Gaspésiens qui s’étaient réfugiés dans la région, ils tentent de reprendre une vie plus ou moins normale, mais ce sera de courte durée.

À l’automne, les dirigeants de la Nouvelle-Écosse, convaincus que les Acadiens établis sur la côte Sud de la baie des Chaleurs représentent toujours une menace, dépêchent le capitaine Roderick Mackenzie pour les capturer. Il ramènera au total plus de 300 Acadiens, qui rejoindront d’autres prisonniers.

Tous les détenus acadiens ne seront libérés que trois ans plus tard, à la fin de la guerre de Sept Ans.

La bataille de Ristigouche devient le dernier affrontement lors duquel des Acadiens ont combattu contre les Britanniques.

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