Rétrospective sur Ousmane Sembène au Bell LightBox

Le père du cinéma africain

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Publié 01/02/2011 par Vincent Muller

«Ousmane Sembène représente la mondialisation du cinéma africain», selon Aboubakar Sanogo, professeur de cinéma à l’Université Carleton. Celui-ci présentera au public le travail et l’influence du célèbre cinéaste sénégalais lors de la rétrospective qui lui sera consacrée du 5 au 13 février prochain au TIFF Bell Lightbox à l’intersection King et John.

Décédé en 2007, à l’âge de 84 ans, Ousmane Sembène a laissé un héritage considérable au cinéma africain: «Il a établi plusieurs des bases sur lesquelles repose le cinéma africain contemporain, il ne faisait non pas des films jetables, mais des films qui s’inscrivent dans la durée, qui ont pour but de faire réfléchir le spectateur. Il mettait le cinéma sur le même plan que la politique», explique Aboubakar Sanogo qui l’a rencontré à plusieurs reprises.

«Jusqu’à présent la plupart des cinéastes africains ne font pas seulement des films, mais mettent aussi en avant de grands enjeux».

Certains considèrent que son influence s’est étendue à de nombreux autres cinéastes engagés, bien au-delà de l’Afrique.

«On ne peut pas établir les liens avec certitude, mais c’est très possible que d’autres cinéastes se soient inspirés de son travail», considère le professeur.

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De l’écriture au cinéma

D’abord écrivain, Ousmane Sembène a réalisé son premier film à l’âge de 40 ans. Ayant quitté le Sénégal pour la France en 1946, à l’âge de 23 ans, il vit de petits boulots et s’inspire de ces expériences pour écrire son premier roman, Le Docker Noir, qui sera publié en 1956.

Ce n’est qu’à son retour en Afrique, après les indépendances, qu’il décide de se lancer dans le cinéma: constatant que les œuvres littéraires sont accessibles principalement aux élites, le cinéma lui semblait alors un moyen de toucher une population plus importante.

En 1961 il intègre une école de cinéma à Moscou, en 1962 sort son premier court métrage Borom Sarret (Le charretier).

Il est suivi, en 1964, de Niaye puis en 1966 de son premier long métrage La Noire de

Les Africains au premier plan

«L’enjeu premier pour Sembène est celui de la représentation. Jusqu’aux années 60, les seules images qu’on avait de l’Afrique venaient de l’extérieur de l’Afrique. C’était problématique. Les rôles n’étaient pas joués par des Africains ou, s’ils avaient un rôle, c’était des rôles bien définis, liés à des notions de soumission, d’inculture, et même franchement de bestialité! Certaines des premières images de l’Afrique sont celles d’Africains qui sont dans un zoo. Donc il avait déjà un projet politique de faire passer les Africains au premier plan du cinéma.»

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Un œil critique

Plus que de mettre les Africains au premier plan, Sembène visait aussi à faire réfléchir son public en adoptant une position critique aussi bien vis-à-vis des sociétés africaines qu’occidentales.

Son premier long métrage, La Noire de… traite du parcours d’une jeune Sénégalaise qui quitte son pays pour travailler chez un couple en France. Ses employeurs la traiteront comme une esclave, la poussant jusqu’au suicide. «Il voit déjà la problématique de l’occident comme leurre, cette situation est encore plus exacerbée maintenant, 40 ou 50 ans plus tard l’actualité n’a pas changé.»

L’un de ses films les plus controversés, Camp Thiaroye, traite de la répression sanglante de l’armée française sur des tirailleurs sénégalais qui, de retour en Afrique après la Seconde Guerre mondiale, ne reçoivent pas tout leur solde et se révoltent.

Le film, sorti en 1988, est arrivé sur les écrans français 7 ans plus tard. «Durant le tournage, l’armée française survolait le plateau avec des hélicoptères, le jour de la première du film l’ambassadeur de France à Dakar a quitté la salle», nous rappelle Aboubakar Sanogo.

Dans le film Xala, «il s’attaque aux élites africaines incapables de créer des dynamiques intrinsèques de salut pour les Africains», explique le professeur de cinéma. Ce film évoque un riche homme d’affaires dakarois qui vient de prendre une troisième épouse qu’il n’arrive pas à satisfaire. Le titre en Wolof, langue maternelle du cinéaste, pourrait se traduire par «malédiction».

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«Il voit le cinéma comme une sorte de contre-pouvoir pour les politiques elles-mêmes, quelque chose qui pourrait aider à éclairer les hommes politiques sur leurs excès et ça reste la première ligne de force du cinéma africain jusqu’à nos jours», considère Aboubakar Sanogo.

Son dernier film, Moolaadé, sorti en 2004 et filmé au Burkina Faso a reçu une récompense dans la catégorie «Un certain regard» du Festival de Cannes ainsi qu’une récompense au FESPACO, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision.

Ousmane Sembène y traite de l’excision encore pratiquée dans certaines régions d’Afrique. L’un des messages importants que véhicule cette dernière œuvre, selon le professeur Sanogo, est que les problèmes de l’Afrique ne seront pas résolus par les gens de l’extérieur, mais par les Africains eux-mêmes.

Ousmane Sembene: In the face of History du 5 au 13 février au TIFF Bell Lightbox.

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