Référence obligatoire sur l’Amérique latine et les Caraïbes

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Publié 24/03/2009 par Paul-François Sylvestre

Cela fera bientôt deux siècles que des pays d’Amérique latine et des Caraïbes s’administrent eux-mêmes. Pour y arriver, certains ont dû souffrir d’occupations militaires et de divers types d’intervention externes, ce qui a parfois rendu leur souveraineté plutôt théorique. Pour mieux connaître le cheminement de cette région du globe, l’historien José del Pozo signe un ouvrage intitulé Histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes, de l’indépendance à nos jours.

De 1791 à nos jours, soit un parcours de 218 ans, l’auteur retrace l’histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes en la morcelant en six périodes d’environ 35 ans chacune, grosso modo. Le point de départ est fixé en 1791 car c’est cette année-là que Francisco Santa Cruz y Espejo, Équatorien métis, proposa le statut d’autonomie pour les domaines américains d’Espagne. La même année, Juan Pablo Viscardo, jésuite péruvien, publia sa Lettre aux Espagnols américains en vue de mieux faire connaître la cause de l’indépendance.

Examinée du point de vue de l’histoire du monde colonial, l’Amérique latine demeure la première région à se libérer des empires européens (ce processus fut beaucoup plus lent en Asie et en Afrique). Il n’en demeure pas moins que «l’Amérique latine a continuellement vécu sous l’emprise de gouvernements dictatoriaux, arrivés au pouvoir à travers la révolution, la guerre civile, le coup d’État militaire ou les intrigues de palais».

De 1791 à 1824, l’indépendance donna lieu à certains changements en faveur des métis, des mulâtres et d’une partie des Noirs, mais ne favorisa guère les Indiens et les femmes. Durant cette première période, «la formation des nouveaux pays se fit dans un contexte difficile: certains pays ont payé un prix élevé en vies humaines et en destruction de l’économie…»

De 1825 aux années 1880, les systèmes politiques se définissent lentement et sont loin d’être toujours démocratiques. Si l’influence de l’Église diminue, cela n’entraîne pas pour autant une participation plus ample de la population à la gestion des gouvernements.

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De 1890 à 1929, le contrôle oligarchique persiste dans la majorité des pays. Cela se fait parfois «par l’intermédiaire de dictatures militaires, ou en se maintenant à l’ombre des interventions des États-Unis». De 1930 à 1959, l’Amérique latine commence à abandonner la «société de conquête». Si de nouvelles forces politiques ce consolidaient, «la démocratisation de la vie politique ne montra que peu d’avancement».

De 1960 à 1989, l’Amérique latine vit une période turbulente. Les acteurs sociopolitiques se multiplient, notamment avec la participation des femmes dans la politique et la société, de même que l’intervention de mouvements indigènes et de groupes de chrétiens de gauche.

Enfin de 1990 à nos jours, les pays connaissent une stabilité politique plus grande que dans le passé. On agit de façon plus concertée, ce qui «donne à cette région une voix plus forte sur l’échiquier mondial».

Selon l’auteur, un mot résume à lui seul le sentiment qu’inspire l’expérience historique latino-américaine depuis près de deux siècles: la frustration. S’il fallait, écrit José del Pozo, illustrer dans quelle mesure l’Amérique latine a connu plus d’échecs que de réussites, il suffirait de comparer les courants migratoires actuels avec ceux de la fin du XIXe siècle.

À cette époque, des pays comme Cuba, le Brésil, l’Uruguay et l’Argentine étaient aussi attirants pour les immigrants que l’Australie, le Canada et les États-Unis. Aujourd’hui, au contraire, les Latino-Américains ont le regard tourné vers l’Europe et le nord du continent.

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Dans son approche globale qui tient compte autant des inégalités sociales et ethniques que de la situation de dépendance, José del Pozo fait ressortir les réussites et les motifs d’espoir: une littérature qui s’est imposée au reste du monde, une lente émergence de la démocratie et une économie de plus en plus caractérisée par la diversification et l’intégration régionale.

Enrichie de nombreux tableaux, de plusieurs cartes, d’une iconographie abondante et d’un index fort utile pour les chercheurs, cette seconde édition d’un ouvrage paru d’abord en 2002 demeure une référence obligatoire sur l’histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes.

José del Pozo, né au Chili en 1943, habite au Québec depuis 1974. Il a d’abord obtenu un diplôme d’enseignement de l’histoire et de la géographie dans son pays d’origine, pour ensuite faire sa maîtrise et son doctorat au Québec. Il est, depuis 1982, professeur d’histoire latino-américaine à l’Université du Québec à Montréal.

José del Pozo, Histoire de l’Amérique latine et des Caraïbes, de l’indépendance à nos jours, essai traduit de l’espagnol par Marc Brunelle et Roch Côté, Sillery, Éditions du Septentrion, 2008, 452 pages, 35,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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