Réactions mitigées et silences sur le «démantèlement de la francophonie» à l’Université d’Ottawa

Université d’Ottawa
Des lettres et des reportages sur un climat hostile envers les francophones à l'Université d'Ottawa ont suscité des réactions mitigées. Photo: Julien Cayouette, Francopresse
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 13/03/2025 par Marianne Dépelteau

Des lettres dénonçant un climat hostile envers les francophones de l’Université d’Ottawa – un établissement officiellement bilingue – ont suscité peu de réactions dans la sphère politique. Questionnés sur la situation, un élu conservateur et une députée libérale réagissent différemment. Les étudiants franco-ontariens, eux, exigent des explications.

Francopresse rapportait début mars qu’une soixantaine de médecins, de membres du corps professoral et du personnel ainsi que de partenaires francophones de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa avaient envoyé des lettres aux hautes instances de l’institution afin de dénoncer un «démantèlement» des Affaires francophones et un «climat hostile» envers les francophones.

Un anglophone aurait notamment lancé «speak white» à un de ses collègues francophones. Des étudiants ont également envoyé une lettre au doyen de la Faculté, mais Francopresse n’y a pas eu accès.

En réponse par écrit à nos questions, l’établissement postsecondaire a évoqué des «défis de recrutement».

Le RÉFO exigera des réponses

«On va contacter l’Université d’Ottawa pour savoir ce qui se passe et quel est leur plan de match», assure en entrevue avec Francopresse le directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), François Hastir.

Publicité
Postsecondaire, universités
François Hastir. Photo: courtoisie

«On va aussi essayer de prendre contact avec des étudiants qui sont en médecine pour voir ce qui peut être fait. Ça peut passer soit par de la mobilisation, soit par de la reddition de comptes.» 

Il qualifie la situation d’inquiétante, mais non surprenante. «On a vu des coupes dans plusieurs services francophones à l’Université d’Ottawa depuis les deux-trois dernières années.»

Le directeur rappelle le message du recteur de l’Université d’Ottawa, Jacques Frémont, qui avait été envoyé à l’interne et dans lequel il annonçait des coupures à prévoir, obligées par des enjeux financiers.

Dans cette note, obtenue par plusieurs médias, dont Francopresse, le recteur rappelait le «sous-financement chronique de notre mission francophone». Depuis, M. Frémont a réitéré l’importance du mandat bilingue; «un bel exercice de relations publiques», estime François Hastir.

Ce dernier n’est pas non plus surpris par le «climat hostile» réservé aux francophones au sein de la Faculté de médecine. «C’est malheureusement d’actualité». À la lumière de ses récentes conversations avec des francophones de l’Université d’Ottawa, François Hastir constate que «le climat se dégrade en matière de bilinguisme».

Publicité

Les Libéraux demeurent confiants

Questionnée sur les reportages de Francopresse lors d’une conférence de presse le 5 mars, la députée libérale Mona Fortier répond: «L’Université d’Ottawa, c’est une université qui est fière de pouvoir offrir des programmes en français et en anglais. Ils vont continuer à le faire.»

«S’ils ont besoin de réorganiser des choses, ils le feront, ajoute la Franco-Ontarienne. Il y a une volonté d’avoir une Faculté de médecine qui permet d’avoir des étudiants francophones qui puissent graduer. […] Ils vont sûrement trouver la bonne approche pour s’assurer qu’il y ait des programmes en français qui sont forts.»

Le ministre fédéral de l’Emploi, Steven MacKinnon, également présent à la conférence de presse, a simplement ajouté que sa fille possède un diplôme en Sciences de la santé de l’Université d’Ottawa, une formation qu’elle a suivie en français.

Université d’Ottawa
La députée Mona Fortier a confiance que l’Université d’Ottawa va «continuer» de promouvoir le français et l’anglais. À sa gauche, le ministre de l’Emploi fédéral, Steven MacKinnon. Photo: Marianne Dépelteau, Francopresse

En entrevue avec Francopresse, Mona Fortier affirme ne pas avoir été mise au courant de la situation avant la parution des articles. Ce qui se passe à l’interne de l’Université d’Ottawa se passe à l’interne, dit-elle.

Interrogée sur une possible intervention du gouvernement fédéral, elle estime que ce dernier peut surtout faire jouer son influence. «Il n’y a pas de façon de dire “on va vous pénaliser” ou quoi que ce soit.»

Publicité

Opportunités

Plutôt que de «s’ingérer dans l’administration de l’Université», Mme Fortier préfère lancer le message «qu’il y a un besoin et des opportunités. Les partenaires devraient travailler ensemble pour s’assurer de livrer les professionnels en santé diplômés qui peuvent offrir les services en français.»

«Ce n’est pas de mes affaires ce qui se passe dans l’administration de l’Université d’Ottawa», insiste-t-elle. Ce qui lui importe, c’est la force de programmes en français à travers le pays. «La bisbille à l’administration interne, ça change, ça va se régler, j’imagine.»

CBC/Radio-Canada
La ministre Rachel Bendayan. Photo: Marianne Dépelteau, Francopresse

La ministre des Langues officielles, Rachel Bendayan, a quant à elle refusé de commenter les informations rapportées par Francopresse et par Le Droit, citant dans un courriel que l’éducation est un domaine de compétence exclusif aux provinces et territoires.

Pourtant, l’Université d’Ottawa reçoit du financement de la part du gouvernement fédéral pour appuyer la formation dans la langue de la minorité.

Une question de volonté et d’intention, selon un député conservateur

«Comme observateur externe, ça m’inquiète. Et ça m’insécurise comme défenseur du français», commente de son côté le député conservateur et ministre fantôme des Langues officielles, Joël Godin, en entrevue avec Francopresse.

Publicité

Selon lui, c’est un problème qui se «corrige rapidement», si la «volonté» et l’«intention» sont présentes.

Joël Godin
Joël Godin. Photo: courtoisie

L’Université d’Ottawa est une instance provinciale, mais le gouvernement fédéral a la responsabilité générale de faire respecter la promotion des deux langues officielles, rappelle-t-il. «Est-ce qu’il est assez outillé pour ça? Pas sûr. […] On a accouché de la [modernisation de la Loi sur les langues officielles] avec peu d’outils.»

Ottawa peut notamment intervenir sur le financement des établissements postsecondaires, ajoute le député. En comité parlementaire l’année dernière, le recteur de l’Université d’Ottawa avait dénoncé un manque à gagner de 50 à 80 millions de dollars.

Sans savoir si les problèmes à la Faculté de médecine sont liés au financement de l’Université, Joël Godin défend tout de même que «Patrimoine canadien doit donner une prévisibilité dans son financement».

L’élu conservateur s’est aussi dit déçu de la réponse de Mona Fortier en conférence de presse. Il a eu l’impression qu’elle s’en «lavait les mains», démontrant ainsi une certaine «hypocrisie libérale».

Publicité

«Le français dérange»

«Plus ça change, plus c’est pareil! Le français est facultatif au Canada! Pire, il dérange!», s’est insurgé sur X le député du Bloc québécois, Denis Trudel, commentant l’un des deux reportages publiés par Francopresse sur le sujet.

L’organisme Médecins francophones du Canada a refusé de commenter, évoquant son statut «apolitique».

Auteurs

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur