Statut du français: la francophonie canadienne est OK avec la réforme québécoise

Quebec Loi 101 Projet de loi 96 français
L’Assemblée nationale du Québec. Photo: Marc Lautenbacher, Wkimedia Commons
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Publié 23/10/2021 par Marc Poirier

La francophonie canadienne a eu une présence discrète lors des auditions publiques sur le projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français – la réforme de la Loi 101 – en commission parlementaire québécoise ce mois-ci.

Malgré certaines inquiétudes, le projet est somme toute bien accueilli dans les communautés francophones en situation minoritaire. Quelques modifications ont tout de même été proposées.

Deux intervenants de la francophonie canadienne

Le seul intervenant francophone de l’extérieur du Québec ayant comparu a été la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.

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Sonia LeBel

La FCFA s’est présentée devant la Commission de la culture et de l’éducation lors de la dernière des neuf journées d’audiences publiques qui se sont déroulées sur trois semaines. L’organisme a également rédigé un mémoire.

De son côté, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) a présenté un mémoire écrit à la Commission, mais elle n’a pas comparu.

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La SANB s’est cependant rendue sur place lors des audiences pour rencontrer certains députés de la Coalition Avenir Québec, dont la ministre des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel.

Renforcer le statut de nation québécoise

De façon générale, ces deux organismes accueillent très favorablement la volonté du Québec de renforcer son statut de nation et celui de la langue française, de même que les mesures visant un rapprochement avec les francophones du reste du pays.

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Liane Roy

En entrevue avec Francopresse, la présidente de la FCFA, Liane Roy, dit voir ce projet de loi comme une «volonté explicite» du Québec de tendre la main aux communautés francophones et acadiennes.

«C’est vraiment historique, dans le sens qu’à notre connaissance, c’est la première fois qu’un projet de loi aussi majeur sur la langue française au Québec fasse autant de place au rapprochement avec les communautés francophones et acadiennes. Pour nous, c’est très positif.»

Québec et francophonie : des peuples frères

Dans son mémoire, la SANB qualifie les Québécois et Acadiens de «peuples frères», et rappelle qu’elle a été «l’un des seuls organismes au pays» à appuyer la démarche du Québec il y a une trentaine d’années, lorsque la province a tenté de faire reconnaître son statut de société distincte dans la Constitution canadienne.

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«En un sens, dans la mer d’anglophonie qui nous entoure, l’avenir du Québec passe par l’Acadie et celui de l’Acadie par le Québec», lit-on dans son mémoire.

Malaise face à la démarche unilatérale

La FCFA émet certaines inquiétudes quant à la façon unilatérale dont le Québec entend inscrire dans la Constitution canadienne deux «caractéristiques fondamentales du Québec»:

– «les Québécoises et les Québécois forment une nation»;

– «le français est la seule langue officielle du Québec. Il est aussi la langue commune de la nation québécoise.»

La FCFA ne s’oppose pas à l’enchâssement de ces deux énoncés dans la Constitution.

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Dans son mémoire, l’organisme souligne cependant que la volonté du Québec de procéder de façon unilatérale «a le potentiel de miner l’esprit coopératif des autres provinces et des trois territoires envers le français, de créer un sentiment d’antipathie envers la francophonie et, par contrecoup, de créer des obstacles aux aspirations et projets des communautés francophones et acadiennes».

Un vote au Parlement fédéral?

Afin d’éviter ces possibles conséquences négatives, la FCFA propose plutôt au Québec de procéder par la méthode d’amendement bilatéral, ce qui nécessiterait un vote à la Chambre des communes et au Sénat.

Liane Roy précise qu’il ne s’agit pas ici d’une critique envers le Québec. «On suggère simplement une façon d’y arriver qui pourrait être aussi bénéfique pour la protection du français au Québec, mais sûrement dans l’ensemble du territoire.»

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Benoît Pelletier

L’expert constitutionnel et professeur de droit à l’Université d’Ottawa Benoît Pelletier ne croit cependant pas que la méthode «bilatérale» soit la voie à suivre. «Un moment donné, le Québec est tanné de négocier avec ses partenaires», dit-il, évoquant la saga de l’échec de l’accord du lac Meech.

Celui qui a été ministre québécois des Affaires intergouvernementales canadiennes de 2003 à 2008 reconnaît cependant le risque d’un ressac anglophone envers les francophones du reste du Canada.

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«Ce serait d’une grande tristesse, mais c’est très difficile d’empêcher le Québec de se définir parce qu’on craint un ressac de la part de ceux qui n’ont pas compris que la spécificité du Québec est une richesse pour ce pays. Alors, on a à conjuguer avec des facteurs qui ne sont pas faciles à concilier. On n’est pas dans des situations faciles.»

Impact pour nos collèges et universités

La FCFA et la SANB ont toutes deux épinglé le souhait du Québec d’offrir aux francophones du reste du Canada de payer les mêmes droits de scolarité que les étudiants québécois, à condition que ce soit pour un programme d’étude qui n’est pas offert dans la province d’origine.

Alexandre Cédric Doucet

La SANB souligne «la générosité de ce geste»… Mais dit s’inquiéter de l’impact sur les établissements postsecondaires acadiens.

On craint par exemple que la mesure ne devienne un prétexte pour que les provinces réduisent encore davantage leur financement, ou encore que l’Université de Moncton ne perde des étudiants qui seraient attirés vers des études moins chères au Québec.

Le président de la SANB, Alexandre Cédric Doucet, croit qu’on peut éviter ce risque. «Ce qu’on propose, c’est que la parité des frais de scolarités ne soit offerte que si le programme n’est pas disponible en français ailleurs au pays, et pas seulement dans la province d’origine.»

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Des options intéressantes pour les jeunes

De son côté, la FCFA est plus favorable à la mesure proposée par le Québec. L’organisme, qui compte dans ses rangs la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), y voit des avantages.

«Les jeunes doivent souvent franchir de grandes distances pour étudier en français, sans compter que leurs études postsecondaires sont extrêmement chères. On doit donner à ces jeunes-là le plus d’options possible en français», explique Liane Roy.

Elle se dit toutefois très sensible à la préoccupation des différentes provinces de vouloir protéger leurs institutions. «Nous aussi, on veut les protéger. Alors, ce qu’on a dit, c’est qu’il faut mettre en œuvre cette mesure d’une manière à ne pas nuire à nos institutions. Ce qu’on propose, c’est qu’il y ait des suivis rapprochés et qu’on évalue pour s’assurer que ça ne vient pas nuire à nos institutions.»

La FCFA propose ainsi la création d’un comité de mise en œuvre, auquel pourraient siéger des représentants de la jeunesse canadienne-française et des institutions postsecondaires francophones de l’extérieur du Québec.

Devoir de solidarité envers la francophonie canadienne

Francopresse n’a pu obtenir d’entrevue avec le ministre responsable du projet de loi 96, Simon Jolin-Barette, afin de réagir aux positions de la FCFA et de la SANB.

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Simon Jolin-Barrette
Simon Jolin-Barrette

Dans un courriel, le cabinet du ministre indique que «le Québec a un devoir de solidarité et un rôle à jouer pour épauler les communautés francophones du Canada et les communautés acadiennes».

Le projet de loi devra faire l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale du Québec, mais la date n’a pas encore été précisée. Les partis d’opposition ont déjà indiqué qu’ils proposeraient des amendements.

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