Protéger les enfants: éduquer, signaler, réformer

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Des membres et partenaires du Centre francophone du Grand Toronto, lors de la conférence organisée en collaboration avec Oasis Centre des femmes, le mercredi 26 novembre.
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Publié 30/11/2025 par Julie Merceur

Près d’une dizaine d’intervenants, lors de cinq conférences, se sont succédé ce mercredi 26 novembre au Centre francophone du Grand Toronto (CFGT). Leur fil conducteur: proposer des pistes de réflexion pour les familles et les intervenants de première ligne au sujet des abus envers les enfants.

Cette initiative du CFGT s’inscrit dans le cadre de leur projet d’accompagnement juridique. En collaboration avec Oasis Centre des femmes, avocats, spécialistes et thérapeutes ont expliqué les tenants et aboutissants du sujet, offrant ainsi à l’audience des outils juridiques et pratiques pour faire face à ces situations.

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Le public constitué de professionnels et personnes confrontés aux abus.

La question des violences faites aux femmes et aux enfants est un enjeu crucial et persistant, malgré des avancées. Comment améliorer la situation: faut-il miser sur la prévention ou la répression? Faut-il se reposer sur le droit ou celui-ci est-il un outil insuffisant?

Pour la vice-présidente du Centre, Aissa Nauthoo, juriste de carrière, la solution passe par l’éducation des plus jeunes et une révision de la loi.

Protéger les enfants, une obligation

La protection de l’enfance est régie à la fois au niveau fédéral et provincial. Si les faits sont graves et peuvent être qualifiés de crimes, la procédure relève alors du Code criminel, déterminé au niveau fédéral.

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Au niveau provincial, l’Ontario a promulgué en 2017 la Loi sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille, qui prévoit les droits et garanties des enfants.

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Jean-Nicolas Yaouub.

«C’est cette loi qui a mis en place les sociétés d’aide à l’enfance, visant à faire face aux abus des parents et à protéger les enfants», explique Jean-Nicolas Yaouub, juriste du CFGT.

C’est aussi cette loi qui nous impose l’obligation de venir en aide à un enfant qui semble être en danger. L’article 125 de la loi prévoit une «obligation de signaler» pour toute personne ayant des motifs raisonnables de croire qu’un enfant a subi, ou risque de subir, des mauvais traitements, de la négligence, des violences physiques ou sexuelles, un manquement de soins ou d’autres formes de danger.

Le rapport doit être fait à l’une des sociétés d’aide à l’enfance.

«Le bien-être des enfants passe par le bien-être de la maman»

Selon Oasis, la question des abus faits aux enfants est intrinsèquement liée à celle des violences faites aux femmes.

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Selon Diewo Diallo, représentante d’Oasis, «là où la femme subit de la violence, les enfants sont aussi affectés que ce soit directement, physiquement, ou psychologiquement», clame-t-elle. L’Agence de la santé publique du Canada confirme d’ailleurs que «la sécurité des femmes et des enfants ne peut pas être dissociée».

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Inès Benzaghou, nouvelle directrice générale d’Oasis Centre des femmes.

La représentante a étayé son propos par des chiffres, soulignant qu’enfants et femmes sont victimes d’un même système. Ainsi, 68% des victimes de violences familiales sont des femmes et des filles. De plus, dans 40% à 60% des foyers où la femme est victime de violence, les enfants le sont également.

Ainsi, répondre au problème des violences conjugales est aussi une manière de prévenir les abus envers les enfants.

Le droit comme solution?

Mais la loi est-elle suffisante? Ou le législateur doit-il encore renforcer l’encadrement?

Aissa Nauthoo
Aissa Nauthoo.

Pour Aissa Nauthoo, si la loi de 2017 a permis la mise en place des sociétés d’aide à l’enfance, elle n’est pas toujours idéale. «En tant que juriste, on cherche des solutions à travers les tribunaux, mais certaines décisions découlant de la loi ne sont pas vraiment celles qu’on souhaiterait. Au nom de l’intérêt de l’enfant, un parent dangereux peut continuer à voir ses enfants», explique-t-elle.

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«Surtout au niveau du signalement, beaucoup se justifient en disant qu’ils n’étaient pas au courant. Il faut renforcer la loi concernant ce qui constitue des motifs de signalement. Il faudrait aussi imposer des pénalités à ceux qui ne signalent pas, que ce soit les professeurs ou les médecins, afin de les inciter à être plus attentifs.»

Jean-Nicolas Yaouub explique, quant à lui, qu’aucune mesure ne peut être parfaite. Le réel problème vient du manque de ressources. «L’enjeu est tellement complexe qu’il n’y a pas de solution parfaite. Mais avec une action comme aujourd’hui, on essaie de combler.»

Nécessité de services francophones

L’avocate Angela Ogang a également souligné l’importance de la langue. Dans une affaire de protection à l’enfance, les parents et enfants francophones peuvent ne pas avoir accès à des services dans leur langue, ce qui complique le processus et peut décourager d’y recourir.

«On a des besoins spécifiques en tant que francophones. C’est tellement important d’avoir des services dans notre langue», rappelle-t-elle.

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L’avocate Angela Ogang.

L’éducation comme solution

Finalement, le droit et les services de protection interviennent une fois que le drame est survenu. Mais comment prévenir? Comment lutter contre ces violences à leur racine?

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La vice-présidente penche pour une éducation dès le plus jeune âge. Pour elle, il faut sensibiliser directement les enfants, car les bourreaux sont souvent d’anciennes victimes.

«La sensibilisation à ces violences devrait faire partie du curriculum. Certaines familles ont une culture du silence, on ferme les yeux sur ces problèmes. C’est donc à l’école de s’en charger», confie-t-elle.

«Il faut aussi aller sensibiliser les décideurs, car ce sont eux qui ont le pouvoir d’action.»

Cette sensibilisation est au cœur du projet du CFGT, qui organise cette conférence chaque année, en collaboration avec Oasis.

Si la loi peut punir et encadrer, elle intervient souvent trop tard. Pour prévenir les abus, les intervenants en conviennent: il faut briser le silence, former les enfants, soutenir les mères et investir dans des services accessibles. Protéger un enfant, c’est une responsabilité collective.

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