Poissons d’avril

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Publié 01/04/2008 par Pierre Léon

Parmi les histoires qu’on raconte à propos du poisson d’avril, en voici une, sinistre. Un enfant appelle sa mère du sous-sol: «Maman! Maman! Viens vite. Y a Papa qui s’est pendu en bas!». Affolée, la mère accourt. Pas de pendu. «Poisson d’avril! s’écrie le môme. C’est au grenier qu’il s’est pendu!

Blague de poisson d’avril

Il y en a, heureusement, de plus innocentes. Le premier avril, à l’école, on s’attachait des poissons dans le dos, on se faisait plein de blagues et on avait le droit de dire des mensonges. «Ton père a dit que tu le retrouves à l’épicerie». Et il n’y était pas! On était quitte en s’exclamant : «Poisson d’avril!»

C’était pour rire. On envoyait les moins dégourdis chercher la clé des champs, le bâton à un seul bout, l’échelle à fraisiers (à cette époque-là, il n’y avait pas encore de fraisiers grimpants!).

Quand ces naïfs arrivaient à l’épicerie pour demander la corde à virer le vent, l’épicière leur disait: «T’arrives trop tard, je l’ai donnée hier au boucher. Cours vite la lui demander!» Mais le boucher l’avait prêtée au charcutier qui, lui-même, l’avait passée au charron. Et ça continuait, jusqu’à ce qu’ils aient fait tout le tour du village et qu’une âme compatissante finisse par leur dire: «Poisson d’avril!»

Quant à moi, l’ami Verco, spécialiste de la chose, m’a téléphoné pour savoir si j’avais une échelle de Richter. J’ai répondu que non mais j’ai donné l’adresse de Charles, un collègue qui en aurait certainement. À moins que vous, vous en possédiez une?

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Pour qu’on en rie, un poisson d’avril devrait toujours laisser voir le clin d’oeil d’invraisemblance qui permet le doute, et n’avoir pas la cruauté de s’adresser à des gens qui n’ont aucun moyen de déceler la plaisanterie, en particulier les enfants. C’est loin d’être toujours le cas. Faut-il s’en offusquer ou laisser les victimes, grandes ou petites, apprendre à déceler les blagues, fussent-elles stupides?

Un changement de calendrier

Mais d’où vient donc cette coutume des blagues du premier avril? C’est, paraît-il, un changement de calendrier qui en est responsable. L’Almanach de la mémoire et des coutumes des Éditions Hachette (1988) nous dit que Charles IX, décida que l’année, au lieu de commencer le premier avril, partirait désormais du premier janvier.

Les étrennes furent aussi décalées mais l’usage persista de se faire des petits cadeaux au premier avril. Ces cadeaux devinrent bientôt des présents pour blaguer, puis plaisanteries, attrapes et mensonges. Tout est devenu permis le premier avril, jour que les Anglais appellent celui des fous.

Mais pourquoi, dans la tradition française, s’agit-il d’un «poisson»? Personne n’a l’air de le savoir exactement. Une hypothèse est qu’un plaisantin aurait mis des harengs, poissons d’eau salée, dans une rivière d’eau douce pour se moquer des pêcheurs un jour de premier avril où, de surcroît, la pêche est interdite.

Une autre serait qu’on aurait jeté des poissons pourris à la tête de Charles IX pour marquer le mécontentement du changement de la date de l’an nouveau. Le premier avril se situant au début du carême, période où les chrétiens mangeaient beaucoup de poisson.

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On a aussi pensé qu’il y avait là un lien avec l’habitude culinaire de farcir les poissons au goût médiocre, pour les rendre meilleurs. Ce poisson farci n’a pas beaucoup plus de chance de convaincre que les autres explications.

Poissons d’avril- Calandrier d’avril Source: Pexels

 

Pourquoi le poisson ?

Au Moyen Âge, on appelait «poisson d’avril» un jeune entremetteur chargé de porter des lettres d’amour à des maîtresses, au moment des fièvres du printemps. Mais cela n’explique pas plus le poisson d’avril des farces!

Au XVIe siècle, on nomma métaphoriquement farce une comédie divertissante, introduite au milieu du spectacle sérieux d’un Mystère — à la manière d’une farce mise dans un poisson.

La coutume des farces du poisson d’avril existe dans de nombreuses cultures et correspondrait à des rites de célébration de l’équinoxe de printemps. En Inde, c’est la joyeuse fête de «Huli». En Écosse, c’est le «Cuckoo d’avril» dont la fête dure quarante-huit heures. Le deuxième jour se nomme «Taily Day» parce que ce jour-là on accroche subrepticement dans le dos de quelqu’un une pancarte avec l’inscription: «Donnez-moi un coup de pied aux fesses!»

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On voit que les plaisanteries du poisson d’avril ne sont pas toutes de très bon goût! Les médias eux-mêmes n’y résistent pas toujours. Il y a quelques années, une émission américaine sur un débarquement de Martiens a semé la panique chez un certain nombre de gens et précipité la mort de quelques cardiaques.

La tradition comporte aussi des farces telles que mettre du sel dans le sucrier, du sucre dans la salière, du miel sur un peigne! La liste de ces joyeuses stupidités serait longue. Peut-être témoigne-t-elle du fait que, malgré les misères du monde, le maître farceur François Rabelais, avait bien raison: «Rire est le propre de l’homme».

(Ce texte, retrouvé pour la circonstance à la demande d’un peuple insatiable, est adapté pour la circonstance d’un article publié dans P.L. Humour en coin).

Poissons d'avril
Poissons d’avril- Roi médiéval Source: Pixabay

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