Passer à la vitesse supérieure pour combler la main-d’œuvre francophone

Sommet national

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Un récent sommet sur la francophonie économique s'est penché sur la pénurie de main-d’œuvre post-pandémie. Photo: Alex Kotliarskyi, QBpZGqEMsKg, Unsplash
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Publié 03/10/2022 par Inès Lombardo

L’ACUFC, la FCFA et le RDÉE Canada brossent un tableau inquiétant, mais pas sans espoir, en matière de pénurie de main-d’œuvre postpandémie. Plusieurs recommandations au gouvernement fédéral, dont des politiques spécifiques pour la main-d’œuvre francophone et bilingue, figurent parmi les priorités.

C’est au Sommet national sur la francophonie économique en situation minoritaire, tenu ces 28 et 29 septembre à Ottawa, que les conclusions de l’étude ont été dévoilées. L’objectif était d’identifier les besoins en emploi dans les communautés francophones en situation minoritaire (CFSM) post-pandémie.

Premier constat: plus de la moitié de la main-d’œuvre dont la première langue officielle parlée est le français n’utilise pas le français au moins régulièrement au travail.

L’étude Un potentiel linguistique des employés mal exploité a été menée conjointement par l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada et le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE Canada).

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Martin Normand. Photo: Inès Lombardo, Francopresse

Un constat «surprenant» assure Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l’ACUFC.

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«C’est peut-être parce que les employés sont dans un milieu de travail qui ne valorise pas l’utilisation du français, parce qu’ils n’ont pas réussi à trouver un emploi en français, et [parce qu’il y a] de l’insécurité linguistique», indique-t-il.

Les «industries principales» identifiées dans le document au sein des communautés francophones en situation minoritaire sont: les administrations publiques, la construction, le commerce de détail, la culture, l’éducation de la petite enfance, l’éducation postsecondaire et l’éducation primaire et secondaire, les services de santé et le tourisme.

L’étude note au passage que, parmi ces neuf secteurs, les femmes représentent 60 % des travailleuses et travailleurs francophones dans la plupart des industries principales des CFSM.

L’éducation primaire et secondaire ainsi que la petite enfance sont les deux domaines où le potentiel linguistique est le moins exploité: le personnel y affiche respectivement un potentiel de 33% et de 39%, souligne l’étude. «Il s’agit de mieux outiller la main-d’œuvre», a affirmé Martin Normand, lors du Sommet.

À l’inverse, les secteurs où le potentiel linguistique est exploité plus fortement sont le postsecondaire (73%) et la culture (67%).

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Le «potentiel linguistique»?

Selon l’étude, le potentiel linguistique représente «le bassin de main-d’œuvre étant susceptible de travailler en français.

Autrement dit, le potentiel linguistique consiste en des personnes qui peuvent soutenir une conversation en français, mais qui n’utilisent pas cette langue au moins régulièrement dans le cadre de leur travail».

Les auteurs de l’étude recommandent ainsi une offre de formations initiales et continues «adaptées aux secteurs économiques prioritaires» pour avoir des employés aptes à travailler en français.

Inégalités pour la main-d’œuvre immigrante

Autre inégalité: la main-d’œuvre immigrante francophone est éprouvée, «en raison de nombreuses barrières entravant leurs accès au marché du travail. [Cette population est] contrainte à des emplois précaires et à faible salaire», peut-on lire.

L’écart de salaire entre ces personnes et les personnes nées au Canada serait de 8% à 25%, variable selon l’industrie.

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Par «barrières principales», les trois organisations entendent notamment l’absence de réseaux professionnels, les barrières à la reconnaissance des diplômes étrangers ou de l’expérience acquise à l’étranger, et le fait de ne pas maîtriser l’anglais.

L’ACUFC, la FCFA et le RDÉE plaident ainsi pour l’instauration de programmes spécifiques et de recrutement pour augmenter l’immigration francophone, notamment dans les secteurs économiques en manque de personnel.

Une «collaboration» entre les différents paliers de gouvernements compte parmi les suggestions pour que la reconnaissance des acquis et des titres de compétences étrangers soit accélérée. Une stratégie pour que les immigrants francophones aient accès rapidement au marché du travail.

Pénurie de main-d'oeuvre, immigration
Alain Dupuis. Photo: courtoisie

Interrogé sur la mise en place d’un programme d’immigration francophone distinct pour répondre aux besoins de main-d’œuvre, Alain Dupuis, directeur général de la FCFA, a confirmé: «Avec les cibles fédérales qui n’ont pas été atteintes depuis 2003, il nous faut un programme économique taillé sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques du secteur francophone».

Alain Dupuis imagine un programme «plus flexible», en incluant la participation des communautés de dans la sélection de la main-d’œuvre immigrante francophone. «Il est plus que temps qu’IRCC instaure cette possibilité», a-t-il appuyé.

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Manque général de données sur les langues utilisées dans l’emploi

L’étude conclut à un autre manque accru, celui des données. «Aucune donnée sur la langue des répondants [soit la première langue officielle parlée (PLOP), la connaissance des langues officielles (CLO) ou autre] n’est compilée lors de la collecte de données des enquêtes récurrentes qui permettent de surveiller le marché du travail», peut-on lire.

«Cette limite fait en sorte qu’il est impossible de considérer les francophones comme un groupe d’analyse indépendant et de préciser mensuellement la situation de travail de ces derniers en ce qui concerne le taux d’emploi, le chômage ou la rémunération», précise le document.

Les différents paliers de gouvernement sont appelés à réagir à travers de nouvelles politiques spécifiques.

Jean-François Larue. Photo: LinkedIn

Dans une présentation précédant celle des trois organismes, Jean-François Larue, directeur de l’information sur le marché du travail pour Emploi et développement stratégique Canada (EDSC), dressait le même constatait: «Il y a très peu de données sur le marché du travail concernant les communautés francophones [en situation minoritaire]. Ce n’est pas une question de mauvaise volonté, c’est la manière dont est fait un sondage [qui est en jeu].»

Ce dernier a plaidé que les améliorations technologiques permettent de nouvelles techniques comme la fouille de textes, qu’utilise actuellement EDSC. Il s’agit de recueillir des données liées à l’emploi dans le milieu francophone en contexte minoritaire par la recherche de textes, de données déjà existantes.

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Selon la définition du site de l’Université d’Ottawa, «la fouille de textes consiste à collecter des informations (ou des données) et à les placer dans un logiciel de fouille de textes capable d’analyser et d’identifier des concepts clés, et d’établir des relations et des modèles qui, autrement, ne seraient pas facilement réalisables par un être humain».

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